24 Vues du Mont Fuji, par Hokusai – Roger Zelazny

Résumé : Son époux est mort. Ou disons qu’en tout cas, il n’est plus en vie… Pour Mari, le temps du deuil est venu. Un double deuil… Armée d’un livre, Les Vues du mont Fuji, par Hokusai, elle se met dans les traces du célèbre peintre japonais afin de retrouver vingt-quatre des emplacements depuis lesquels l’artiste a représenté le volcan emblématique — autant de tableaux reproduits dans l’ouvrage. Un pèlerinage immersif, contemplatif, au cœur des ressorts symboliques de cette culture si particulière, un retour sur soi et son passé. Car il lui faut comprendre… et se préparer. Comprendre comment tout cela est arrivé. Se préparer à l’ultime confrontation. Car si son époux n’est plus en vie, il n’en est pourtant pas moins présent… Là. Quelque part. Dans un ailleurs digital. Omnipotent. Infrangible. Divin, pour ainsi dire…

Edition : Le Bélial’

 

Mon Avis : Allez hop, je termine ma plongée dans la collection Une Heure Lumière de chez Le Bélial’ pour 2017, puisque cette novella de Roger Zelazny est la dernière histoire, publiée cette année dans cette collection, que je n’ai pas chroniqué. Pour connaître les prochaines publications, il faudra attendre 2018, mais je m’égare. J’avoue avoir rapidement été intrigué par la résumé de ce texte que je trouvais accrocheur, mais aussi, comme souvent, par la couverture, illustrée par Aurélien Police, qui est franchement magnifique. Il est à noter que cette nouvelle a été publiée en VO en 1985 et qu’elle a gagné le Prix Hugo de la novella en 1986.

Dans cette nouvelle on suit Mari, qui s’est lancée dans un pèlerinage au Japon, suite à la mort de son mari. Son pèlerinage repose sur un livre comprenant 24 estampes du mont Fuji par Hokusai, dont elle décide de retrouver précisément les lieux pour en retrouver leurs grandeurs et mener une introspection. Pourtant, très vite, on va se rendre compte que son mari n’est pas vraiment mort et que notre héroïne n’est pas tout à fait en pèlerinage, mais se prépare à un dernier combat. Hokusai, qui est citée régulièrement dans ce roman, est un peintre Japonais (1760 – 1849), connu pour nombreuses de ses oeuvre dont les 46 estampes des 36 vues du Mont Fuji dont sont tirées les 24 sur lesquelles reposent l’intrigue de ce récit. J’avoue ne pas être la personne la mieux placer pour parler de ce peintre, mais internet regorge d’informations. Concernant la novella en elle-même, j’ai passé un excellent moment de lecture avec ce texte qui nous offre un récit à la fois onirique, méditatif, qui fait aussi la part belle à l’héroïne tout en n’oubliant pas d’offrir une certaine tension liée à la quête qu’elle mêne.

On plonge ainsi dans une quête intime, un voyage aussi bien spirituel que physique, qui va pousser notre héroïne à retrouver son époux devenu un « dieu » numérique et en terminer avec lui. Un récit construit sur un rythme lent et qui pourtant a eu le don de me captiver dès la première page. L’auteur prend ainsi le temps de bâtir son histoire, dévoilant ses indices ponctuellement, au compte goutte, pour mieux nous hameçonner sans jamais tomber dans la longueur ou la lourdeur. On découvre ainsi une intrigue que j’ai trouvé maîtrisée, soignée, qui joue parfaitement avec le lecteur, principalement dans la construction du récit que j’ai trouvé originale. Ainsi chaque chapitre repose sur une estampe pour mieux en faire dérouler à la fois son fil rouge, mais aussi construire la psychologie de son héroïne. Roger Zelazny ne cherche donc pas à construire un récit plein de tension, plutôt une lente découverte de son univers et son héroïne tout en n’oubliant pas d’offrir quelques scènes percutantes. Cela en dérangera peut-être certains, mais moi j’ai été rapidement happé.

Concernant l’univers du récit, le Japon futuriste que nous dévoile l’auteur ne manque pas d’attrait. On plonge dans un pays qui oscille entre passé et futur, entre tradition et technologie, que l’auteur bâtisse en quelques mots à peine à chaque fois et qui prend de plus en plus de densité à chaque page, s’imposant dans l’imagination du lecteur. Pour moi il y a clairement une certaine beauté qui se dégage de ce Japon imaginaire mis en avant, quelque-chose qui donne envie d’en apprendre plus, même si un ou deux clichés me paraissent apparaitre ici ou là, mais rien de dérangeant. L’auteur saupoudre aussi son monde d’une touche de Cyberpunk qui vient se coller parfaitement au récit, offrant ainsi un plus à l’ensemble, principalement dans les thématiques que cela soulève. En effet l’auteur brasse de nombreuses réflexions que ce soit par exemple l’immortalité, ici à travers le numérique, mais aussi la notion de deuil, la maladie, la notion de sacrifice d’une certaine façon par amour, ou bien encore la notion de divinité, de surhomme, de religion. Au final un texte qui soulève de nombreuses questions de façon efficace et intéressante, ne laissant pas indifférent tout en trouvant le ton juste.

Concernant le personnage de Mari elle s’avère franchement attachante et très intéressante à suivre. Certes la narration à la première joue à l’attachement qu’on lui porte, mais surtout Roger Zelazny a réussi à construire une héroïne complexe, humaine et qui ne laisse pas indifférent. Comme le dit l’héroïne chaque chapitre repose sur une estampe, vu par elle comme une image de Rorschach ce qui lui permet de dévoiler un pan de sa personnalité et de sa psychologie. On obtient ainsi un kaléidoscope de Mari, qui pourrait en déranger certains tant cela donne l’impression de partir dans tous les sens, mais qui pourtant s’avère très intéressant, et maîtrisé, un esprit étant loin d’être une machine linéaire. Au fil de chaque révélation on découvre un personnage avec ses forces et ses faiblesses, fixée sur un but qu’elle cherche à mener à terme par tous les moyens, mais aussi une héroïne humaine, avec ses joies, ses peines, ses envies et ses doutes. Concernant les personnages secondaires, il y en a finalement très peu et, même s’ils paraissent un peu par moment servir l’intrigue, ils se fondent parfaitement dans ce qui est construit avec ce roman, principalement grâce à la plume de l’auteur. Ils évitent ainsi clairement de trop tomber dans le côté « protagoniste outil ».

Au final le seul petit bémol que je pourrai soulever concernant ce texte viendrait de sa conclusion, et encore je chipote un peu. J’ai ainsi trouvé que la fin qui nous est présentée, même si elle reste intéressante, m’a paru traité un peu trop rapidement à mon goût. Comme je l’ai dit rien de très bloquant, mais une estampe supplémentaire pour offrir quelques pages de plus ne m’aurait pas dérangé. Concernant la plume de l’auteur elle s’avère ici très poétique, envoutante, juste et ne donnant jamais l’impression de trop vouloir en faire, l’auteur construisant un récit qui parait fragile, sensible et qui a réussi à m’emporter. Au final j’ai passé un très bon moment avec cette novella dont je ne peux que recommander la lecture, au moins pour vous faire votre avis.

En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec cette novella qui nous propose de suivre le pèlerinage de Mari qui va se révéler bien plus que ce que l’on croit. J’ai été rapidement captivé par ce récit, construit de façon lente, maîtrisée et méthodique, où chaque chapitre se base sur une estampe de Hokusai pour développer son fil rouge et nous présenter un pan de la psychologie de l’héroïne. Une héroïne qu’on découvre un peu comme un patchwork, ce qui pourra en déranger certains, mais que pour ma part j’ai trouvé réussie, attachante et humaine tant elle parait sonner juste. L’univers nous plonge dans un Japon futuriste qui ne manque pas d’attrait, oscillant entre modernité et tradition et nous faisant voyager dans des décors qui ne manquent pas de se révéler accrocheurs et qui donnent envie d’en apprendre plus. La touche de Cyberpunk qu’ajoute l’auteur vient apporter un vrai plus à l’ensemble principalement dans les thématiques soulevées. En effet le récit brasse de nombreuses réflexions sur l’immortalité, la maladie, la mort, le sacrifice, la religion ou bien encore sur la notion de surhomme et de divinité le tout de façon efficace. Le seul petit bémol que je soulèverai, et encore je chipote un peu, vient de la conclusion que j’ai trouvé peut-être traitée un peu trop rapidement, même si rien de non plus trop dérangeant. La plume de l’auteur s’avère poétique, envoutante, entraînante et captivante et elle a réussi à me happer rapidement. Au final une excellente novella selon moi.

 

Ma Note  : 8,5/10

 

Autres avis : Apophis, Lorhkan, Xapur, Samuel Ziterman, l’Ours Inculte, Yogo, Lutin, Au Pays des Cave Trolls, Les Lectures de Sophie, …

Précédent

Le Sultan des Nuages – Geoffrey A. Landis

Suivant

L’Essence du Mal – Luca D’Andrea

  1. J’aime énormément les estampes d’ Hokusai, qui au passage a nourri l’imaginaire des impressionistes français en peinture comme en musique – Du coup je suis assez curieuse de ce titre et ce que tu en dis donne vraiment envie. je vais de ce pas l’ajouter à ma wish-list. Merci 🙂

    • J’avoue que je connaissais l’artiste et ses oeuvres, mais je ne savais pas qu’il avait eu une telle influence. En tout cas j’espère que si tu lis cette novella, elle te plaira autant qu’à moi.

  2. Il faut absolument que je le tente !

  3. Ah! je vois que nous nous rejoignons globalement sur la qualité de ce récit, un peu à part. Effectivement la fin est un poil abrupte. Enfin, cela s’achève bien plus vite qu’attendu et laisse un tout petit sentiment de pas assez. J’aurais souhaité quelque chose de plus épique, mais bon…

    • Concernant le côté épique, ça ne m’a pas obligatoirement dérange plus que cela. Maintenant oui la fin est abrupte et un voir deux chapitres de plus ne m’aurait pas dérangé histoire d’offrir un peu plus de tension.

  4. Hâte de le lire celui-là, faut que je m’y mette !

Répondre à Le Chat du CheshireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

© 2010 - 2024 Blog-o-Livre