Résumé : La Terre est au plus mal… Ses derniers habitants n’ont plus qu’un seul espoir : coloniser le «Monde de Kern», une planète lointaine, spécialement terraformée pour l’espèce humaine. Mais sur ce «monde vert» paradisiaque, tout ne s’est pas déroulé comme les scientifiques s’y attendaient. Une autre espèce que celle qui était prévue, aidée par un nanovirus, s’est parfaitement adaptée à ce nouvel environnement et elle n’a pas du tout l’intention de laisser sa place. Le choc de deux civilisations aussi différentes que possible semble inévitable. Qui seront donc les héritiers de l’ancienne Terre? Qui sortira vainqueur du piège tendu par la toile du temps?
Edition : Denoël Lunes D’Encre (paru le 12-04-2018)
Traduction : Henry-Luc Planchat
Mon Avis : Adrian Tchaikovsky est un auteur que je souhaite découvrir depuis quelques mois maintenant. La preuve, lors de mon dernier voyage à Londres, j’ai fait entrer dans ma PAL en VO Guns of the Dawn de l’auteur que je dois encore lire. Puis, j’ai vu il y a quelques semaines que les éditions Denoël proposait dans leur collection Lunes d’Encre la publication de ce roman : Dans la Toile Du Temps. J’ai su que j’allai le faire entrer rapidement dans ma bibliothèque. Par conséquent quand on m’a proposé de le découvrir, je n’ai pas tergiversé longtemps avant d’accepter. Concernant la couverture, illustrée par Gaëlle Marco, je ne sais pas, elle est plutôt sympathique, mais il lui manque un petit truc pour vraiment m’accrocher. À noter que ce roman a gagné le Prix Arthur C. Clarke 2016.
Ce roman nous plonge dans un futur lointain ; l’humanité sait voyager dans l’espace, a terraformé des planètes et mis en place des colonies, pour autant elle est toujours autant en conflit. Deux groupes se détachent ainsi, entre ceux qui soutiennent l’évolution et les changements scientifiques et ceux qui considèrent que c’est contre-nature. Une grande guerre va avoir lieu qui va même impacter le docteur Avrana Kern qui lance la première mission de terraformation et d’élévation, permettant grâce à un nanovirus de faire évoluer des singes. Une mutinerie va ainsi avoir lieu, amenant la destruction du vaisseau le Brin. Le docteur Kern va pourtant réussir à s’en sortir et aussi à lancer son expérience, sauf que voilà, même si le virus atteint la planète, les singes eux ne l’atteindront jamais. Cela n’empêchera pourtant pas le virus de trouver de nouveaux hôtes à travers les araignées Portia. Bien des générations plus tard l’arche Gilmanesh, comprenant les derniers survivants de l’humanité, va croiser la planète Kern. Alors autant le dire tout de suite, une fois la dernière page tournée, je dois bien admettre que j’ai pris une petite claque avec ce roman. Je ne sais pas encore si je le considère comme une œuvre majeure, je dois encore un peu « digérer » le récit, mais dans tous les cas je dois bien admettre que j’ai été emporté par une telle histoire et que j’ai eu du mal à lâcher ce livre. On a ici, pour moi, à la fois un récit intelligent, efficace, entraînant, qui monte doucement en tension et ne laisse clairement pas indifférent.
Dans un premier temps, concernant l’intrigue mise en place par l’auteur, elle s’avère très bien construite et surtout maîtrisée, offrant de nombreuses réflexions ainsi que rebondissements et surprises qui font que j’ai très vite été happé. On a clairement l’impression de plonger dans un voyage à la fois fascinant, envoûtant et d’une grande richesse. On suit ainsi sur des milliers voir des dizaines de milliers d’années l’évolution de la planète Kern ainsi que les derniers soubresauts des derniers êtres humains dans le Gilmanesh. L’auteur construit ainsi un miroir vraiment fascinant entre l’évolution des humains au fil des pages, leurs failles, leurs faiblesses, leurs rêves, leurs forces et, en parallèle, celle d’une espèce d’araignées évoluées qui n’est finalement pas si différente de nous, de notre façon de « vivre ». Attention, l’auteur ne tombe pas dans l’anthropomorphisme en transformant complètement ses animaux en humains à huit pattes, elles vont changer selon leurs propres limites, leurs propres capacités et leurs propres défauts. Cela ne les empêchera pas de goûter aux même soucis que les nôtres, que ce soit parfois d’un point de vue social, avec les castes, mais aussi dans les guerres qui vont apparaitre. D’un autre côté elles feront aussi leurs propres chemins, leurs propres choix radicalement différents, découvriront leurs différences, leurs avantages et leurs handicaps. Dans chaque partie, les deux histoires vont ainsi se renvoyer, se répondre, s’opposer dans leurs visions et leurs choix, donnant ainsi l’envie d’en apprendre plus et de tourner les pages. Mais surtout, ce qui m’a paru rendre ce roman si captivant, c’est la capacité de l’auteur à offrir une grande densité à son récit, parfois en quelques phrases, tout en restant cohérent, entraînant et passionnant à découvrir.
Le gros point fort de ce roman vient de la façon dont l’auteur construit et fait évoluer son univers, que ce soit tout d’abord à travers l’évolution de la société d’araignées, mais aussi dans le développement du huis-clos qui tourne autour de l’arche et des derniers survivants de l’Humanité. On s’attache ainsi rapidement aux deux parties, que ce soit les hommes (dont le lecteur est obligatoirement proche) qui malgré leurs défauts, et leurs erreurs à répétitions, cherchent simplement à trouver une nouvelle planète pour se reconstruire en espérant ne pas se planter encore une fois, ou les araignées qui, au fil des pages et de leur développement, gagnent en densité, en intérêt et deviennent attachantes. C’est d’ailleurs une grande force d’arriver à rendre des arachnides intéressants à suivre et à découvrir. Il faut dire que tout ce qui tourne autour de leur développement, leur construction a un côté accrocheur, palpitant et prenant, un peu comme quelque-chose de nouveau et inconnu qui se dévoile devant nos yeux.
La construction, qui joue pas mal sur des ellipses maîtrisées, permet ainsi de traiter le récit sur plusieurs milliers d’années, à travers différentes « parties » marquantes dans l’histoire de chaque « camp ». Elle a aussi pour rôle d’offrir une vision d’ensemble assez riche et large sans non plus se perdre dans des longueurs et des lourdeurs. L’aspect worldbuilding et technologique est aussi foisonnant, certes d’une certaine façon déjà-vu, mais l’auteur vient y construire une toile de fond plus que solide et éclatante, y apportant sa touche personnelle, sa propre vision ce qui rend l’ensemble vraiment dépaysant et efficace. L’aspect temporel a aussi son importance, elle est même capitale, que ce soit à travers une certaine folie humaine, comme dans la vision des araignées, mais je vous laisse le découvrir. Au final un univers riche, soigné, détaillé sans trop en faire, tout en restant cohérent, percutant et donnant envie d’en découvrir plus.
L’autre point très intéressant du roman vient des nombreuses réflexions qu’il soulève. Surtout il le fait de façon réfléchie, astucieuse et qui ne laisse pas indifférent, poussant le lecteur à se poser des questions. Outres les habituelles réflexions que l’on peut retrouver avec ce genre de roman sur la position de l’Homme, sa capacité à s’autodétruire plutôt que d’avancer, à son besoin de se croire unique, supérieur, sa gestion de la science. Mais autour de ça il y a aussi d’autres réflexions sur la notion de technologie, de survie, d’immortalité, de choix de vies ou bien encore sur la notion d’art, de religion, de divinité le tout de façon très percutante. Une autre idée est traité, je trouve, de façon très intéressante c’est la notion d’égalité des sexes, mais non pas du côté des humains, mais des araignées. En effet elles reposent sur une société très matriarcale, où les arachnides mâles ne sont soit-disant bons qu’aux tâches subalternes, à la reproduction voir à être dévoré pour le plaisir. Il va y avoir un vrai travail de fond pour amener des changements, pour montrer qu’on peut tous y gagner. Au final un récit qui brasse de nombreuses idées de façon très intéressantes. Cette démarche efficace et soignée pousse le lecteur à cogiter et pourquoi pas approfondir.
Concernant les personnages, là de ce point de vue-là je suis peut-être un chouïa moins fasciné. Autant suivre les araignées, dans cette idée de narration qui offre le même prénom aux protagonistes à chaque nouvelle génération, est intéressante et accrocheur dans la façon dont elles évoluent entre elles et se construisent. Autant les humains m’ont paru, par moment, un peu trop distants dans leurs relations. Rien de bien méchant, mais ça les rend un peu froids, il est vrai pas toujours aidés par des dialogues qui, quelques fois, s’avèrent un peu « arides », manquant d’émotions. Rien de non plus trop bloquant, tant ils s’avèrent quand même solide dans leurs constructions, intéressants à découvrir et à suivre dans leurs aventures et dans les choix qu’ils font, mais voilà cela donne quand même parfois l’impression d’un léger voile entre le lecteur et eux. Je regretterais peut-être aussi une légère baisse de tension dans la sixième partie ainsi que, peut-être, une ou deux facilités un chouïa trop visibles, mais ce n’est pas gênant tant j’ai été finalement happé par ce récit, par tout ce qu’il développe et aussi par toutes les évolutions qu’il nous fait découvrir et les idées que cela amène. La conclusion aussi ne manque pas de s’avérer réussie, percutante, apportant une petite dose épique, même si peut-être un chouïa convenue sur certains aspects. La plume de l’auteur est efficace, soignée et entraînante, ayant réussi à me captiver quasiment du début à la fin de son récit. Bon, il ne me reste plus qu’à sortir son autre roman que j’ai dans ma PAL en VO.
En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec ce roman de science-fiction qui nous offre un récit efficace, intelligent et maîtrisé montant lentement en tension. Ce qui m’a paru très intéressant c’est la construction en miroir qui est menée entre l’évolution des derniers humains et le développement de la société des araignées qui s’avère fascinant et captivant. Les deux groupes se répondent ainsi dans leurs choix, leurs évolutions et surtout l’auteur ne tombe jamais dans l’anthropomorphisme. L’univers développé tout du long, même s’il a un air de déjà vu, ne manque pas de s’avérer solide et surtout Adrian Tchaikovsky arrive à y apporter sa touche personnelle tout en le rendant cohérent, plausible. L’aspect temporel a aussi une grande importance dans le récit que ce soit aussi bien dans la construction que dans l’évolution de l’intrigue. Il s’agit aussi d’un récit qui brasse de nombreuses réflexions que ce soit sur la guerre, la religion, l’égalité des sexes, l’Homme et sa capacité à s’autodétruire, la technologie, la notion de premier contact et tout ce que cela amène et d’autres. Surtout ces idées sont amenées de façon intelligente et efficace, ne laissant pas le lecteur indifférent. Concernant les protagoniste, autant toute la construction sur la société des arraignées et leurs protagonistes accroche, autant la partie humaine, sans être mauvais loin de là, parait par moment un peu froide. Un peu comme s’il y avait un léger voile entre le lecteur et eux. J’ai aussi senti une baisse de tension dans la sixième partie, ainsi qu’une ou deux facilités un peu trop visible mais ce n’est en rien bloquant. Le tout est porté par une plume vivante, soignée et entraînante et je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.
Ma Note : 8,5/10
Autres avis : Apophis, L’Epaule d’Orion, Cédric Jeanneret, …
L'ours inculte
Vous donnez bien envie de découvrir cet auteur, toi et les autres, avec toutes les chroniques récentes
BlackWolf
Alors après ce qu’il fait en Fantasy je n’ai pas encore découvert, mais franchement ce livre de SF, pour moi, je trouve qu’il vaut vraiment le coup.
Il ne reste plus qu’à voir si tu craques et te laisse tenter ^^
La tête dans les livres
Je ne connaissais pas du tout mais je pense que ça pourrait me plaire 🙂
BlackWolf
Je ne peux que te souhaiter une bonne lecture 🙂
Apophis
Ta critique, excellente comme d’habitude, rend tout à fait justice à ce livre qui l’est tout autant. J’ai, pour ma part, lu deux autres romans de l’auteur qui, sans atteindre tout à fait le niveau stratosphérique de celui-ci, sont également très intéressants chacun dans leur genre. En plus de Guns of the dawn, je te conseille vivement Dogs of war (à moins que tu ne veuilles attendre la VF de ce dernier chez Lunes d’Encre en 2019), qui soulève aussi d’intéressantes problématiques.
BlackWolf
Ah je note. Je vais déjà lire Guns of the dawn qui est dans ma PAL, après pour Dogs of war si j’ai envie de me jeter dessus en VO ou attendre patiemment la VF. Mais avant il va falloir que je fasse un tri dans ma PAL, ça me parait un bonne idée de départ. Merci pour les conseils en tout cas.
Syl
Il a l’air génial !!!!!!!!! Je le mets dans ma wish 😀
Merci pour cet avis :3
BlackWolf
De rien, j’espère qu’il te plaira autant qu’à moi.
lutin82
je viendrais partager mon avis, une fois achevée. Je suis en pleine lectire alors je ne veux pas être influencée.
BlackWolf
Bonne lecture, je viendrai lire ton avis.