Faux-Semblance – Olivier Paquet

Résumé : Nous recherchons les correspondances entre les univers…
Quatre zones de conflit. Entre humains et extraterrestres ; entre mémoire et oubli ; entre adultes et enfants ; entre nature déchaînée et ce qu’il reste de la civilisation. Sous les cieux étrangers de galaxies lointaines, sur des champs de bataille envahis de cadavres, ou bien face à la vague qui a tout balayé, il faut imaginer de nouvelles façons d’aller plus loin. Même s’il faut achever de détruire pour renaître.
Les personnages d’Olivier Paquet ne renoncent jamais. Ce sont avant tout des survivants, des héros abîmés qui tentent de redonner du sens à leur vie. Grâce à la catastrophe qui les a laissés nus, ils redécouvrent ce qu’ils sont. Et ils trouvent la force de tendre la main vers l’autre, l’étranger, pour ouvrir ensemble des portes.

Jean-Claude Dunyach

Edition : L’Atalante

 

Mon Avis : Pour ceux qui suivent mon blog depuis longtemps, vous devez savoir que je suis un admirateur des différentes publications d’Olivier Paquet. Depuis ma découverte de ses écrits avec Les Loups de Prague, je ne suis jamais passé à côté d’une de ses publications et je n’ai jamais non plus été déçu, car il offre à chaque fois des récits de Science-Fiction humains, prenants et efficaces. Il était donc normal, lors des dernières Utopiales, que je reparte avec ce nouveau recueil de nouvelles. Après, comme souvent avec une PAL ingérable, j’ai mis un peu de temps avant de laisser une chance à ce Faux-Semblance, mais il y a quelques jours j’ai décidé de le sortir de ma bibliothèque. Concernant la couverture, illustrée par Aurélien Police, je la trouve franchement très réussie. Ce recueil comporte ainsi quatre nouvelles, trois qui avaient déjà été publiées et une inédite et je vais faire un retour sur chacune d’entre elles.

Synesthésie : Il est à noter que cette nouvelle a gagné le Grand Prix de l’Imaginaire 2002 de la nouvelle francophone. Ce texte nous plonge dans un avenir lointain où les humains se sont étendus dans l’univers. Cette expansion n’a pas plu a tout le monde et une guerre a éclatée avec une race alien : les Arkosiens. On suit ainsi les tractations sur une planète entre un gouverneur humain , qui a quasiment perdu la bataille, et une émissaire Arkosienne qui ne peut traverser la Porte et souhaiteraient un accès. J’ai passé un très bon moment avec cette nouvelle, qui nous plonge assez rapidement et facilement dans un univers qui s’annonce dense et complexe. En quelques pages à peine l’auteur a clairement réussi à brosser une toile de fond fascinante, visuelle, complètement dépaysante et captivante, jouant énormément sur les différents sens du lecteur, même si parfois, c’est vrai, il en fait peut-être un peu trop. Concernant les personnages, le récit nous brosse des protagonistes humains, soignés, attachants qui font face à un conflit, qui ont leurs propres valeurs, doivent faire leurs propres choix.

Car finalement le principal message de cette nouvelle est de se révéler humaniste, de vouloir s’ouvrir aux autres, de montrer que la paix est peut-être possible non pas en répondant par la violence, mais en trouvant des similitudes, de points de compréhension et d’acceptation. Je trouve aussi qu’une certaine beauté se dégage de cet ensemble, une certaine sensualité qui apporte un plus au récit. Après je regretterais peut-être par moment une envie de trop vouloir en faire, parfois aussi d’offrir quelques scène un peu conventionnelles, et j’aurai aimé que un ou deux points soient un peu plus développés, comme par exemple cette notion d’Hommes et de Femmes chez les Arkosiens. Finalement rien de très dérangeant tant j’ai trouvé cette lecture intéressante et ne m’a pas laissé indifférent.

Rudyard Kipling 2210 : Cette nouvelle est un hommage au célèbre écrivain, qui a perdu son fils lors d’une bataille en 1915. Elle nous plonge dans un futur lointain où une guerre terrible entre les Humains et les Rôdeurs est actuellement en cours, qui fait son lot de morts. Kipling a pour rôle d’identifier les soldats tombés au combat et leur offrir une sépulture. Un jour une veuve vient le voir pour qu’il retrouve son mari et qu’elle puisse ainsi faire  son deuil. Encore une fois un texte qui propose de bonnes idées et ne laisse pas indifférent, sur la notion de perte, les sentiments, la mort, le besoin d’aller de l’avant, d’apprendre d’une certaine façon à tourner la page, ou encore sur la guerre et la mort. Le tout est porté par des personnages qui ne manquent pas d’intérêt dans leurs quêtes, leurs envies et leurs visions de ce monde, une toile de fond efficace et une ambiance assez triste, mélancolique qui colle parfaitement au récit.

Sauf que voilà, je trouve que cette nouvelle en fait parfois trop, que ce soit dans l’aspect un peu théâtral des personnages, ce qui les rend parfois même légèrement caricaturaux, voir dans certaines facilités qui apparaissent ici ou là. Cette nouvelle reste tout de même un texte qui offre un bon moment de lecture, assez sombre dans son développement, mais qui ne manque pas de montrer que, d’une certaine façon, qu’il y a toujours un espoir de s’en sortir, d’évoluer, de continuer à vivre malgré la douleur. La plume de l’auteur est soignée, fluide et tout en finesse je trouve et joue beaucoup sur le côté prenant du récit.

Cauchemar d’Enfants : Cette nouvelle est construite avec comme point de départ l’idée suivante: imaginer une société qui aurait décidé de mettre les enfants au pouvoir, de leur laisser faire les lois. On se retrouve ainsi à suivre le lieutenant Dobrozumsky, adulte, et son partenaire le Capitaine âgé de 14 ans qui vont devoir enquêter sur une famille, suite à l’appel de leur fille unique qui pense que ses parents font de la revente de ses jouets pour s’offrir des sorties. Un texte qui ne manque pas de se révéler rapidement glaçant, légèrement dérangeant dans ce qu’il développe, d’imaginer le monde aux mains des enfants avec tout ce que cela peut amener comme immaturité et problématiques d’une jeunesse sans plus aucun cadre. Certes pour cela il faut accepter l’idée de base, mais j’ai été rapidement happé par cette nouvelle qui ne manque pas, d’une certaine façon de frapper fort et juste je trouve. On découvre ainsi une certaine résignation, une certaine acceptation chez le lieutenant, qui se retrouve devant un couple qui veut simplement pouvoir vivre un peu et ne pas simplement offrir leurs vies à leur fille.

L’ensemble est porté par des personnages convaincants, qui ne laissent pas indifférents et qui s’avèrent aussi complexes dans leurs visions et leurs envies. Un texte qui s’avère aussi d’une certaine façon angoissant sur l’avenir d’un tel monde, de ce qui pourrait arriver dans les générations à venir et qui nous montre que, finalement, les enfants sont des « humains » comme les autres, loin d’être toujours des anges. Il y a aussi, je trouve, une notion de réflexion sur l’aspect politique, la capacité à accepter des lois, des règlements, à accepter l’improbable une fois qu’il est ancré de peur de perdre un certain confort. Le tout est porté par une plume incisive, qui sonne juste et qui colle parfaitement au récit.

Une Fille aux Pieds Nus : Cette nouvelle nous fait suivre le destin d’une jeune fille juste après le passage d’un tsunami. Elle erre parmi les ruines et les survivants, et va voir les choses changer. Une nouvelle qui m’a offert un très bon moment de lecture, se révélant très touchante et marquante dans ce qu’elle présente et ce qu’elle soulève comme idées et comme messages. Un récit humain, plein d’émotions qui nous montre finalement la capacité de résilience de l’Homme, qui malgré la catastrophe trouve la capacité de se relever et d’avancer. Mais aussi d’une certaine façon le récit nous fait réfléchir sur nos différences, nos soucis d’incompréhensions, des divergences qui sont finalement balayées par de telle épreuves et montre que, parfois, l’humanité peut apprendre à faire front commun des adversités et s’entraider, s’accepter pour aller de l’avant. Il y a aussi, j’ai l’impression en message de fond, cette idée de nous rappeler qu’on a qu’une vie qui peut être vite balayée, qu’il faut parfois s’ouvrir à ce qu’on a, ne pas obligatoirement se jeter dans le rejet ou l’oubli, ne pas avoir de regrets pour se lancer dans l’avenir.

Un texte bien porté par une plume fine et soignée, qui vient offrir à cette nouvelle une certaine poésie et une certaine beauté malgré le fait qu’elle parle de tragédie. Comme souvent avec l’auteur une notion d’espoir transparait, d’humanisme aussi qui apparait au fil du récit, tout en trouvant le ton juste, sans jamais trop en faire. Les personnages sont denses, attachants et très rapidement accrochent le lecteur. Le tout est teinté de culture japonaise, qu’affectionne particulièrement Olivier Paquet, mais aussi d’une légère pointe de fantastique qui apporte un plus à l’ensemble. Un excellent texte qui ne laisse pas indifférent et vient parfaitement conclure ce recueil.

En Résumé : J’ai passé un bon, voir un très bon moment de lecture avec ce recueil de quatre nouvelles de science-fiction qui, même si elles ne sont pas toutes au même niveau, s’avèrent intéressantes à découvrir et ne laissent pas indifférent le lecteur. La grande qualité de chacune des nouvelles vient clairement des réflexions qu’elles soulèvent, de ce côté toujours humaniste présent, offrant toujours un espoir et le tout porté par une plume soignée, incisive. Olivier Paquet a une capacité a créer des univers denses, accrocheurs et visuels qui donnent clairement envie d’en apprendre plus, et le tout porté par des personnages humains, complexes et touchants. Au final une belle réussite que ce petit recueil et je suis bien content de l’avoir sorti de ma PAL.

 

Ma Note : 8/10

 

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  1. Il a atterri dans ma PAL il y a peu, je pense que je ne vais pas l’y laisser longtemps ^^ Merci pour ta critique !

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