Résumé : In these stories, Jemisin sharply examines modern society, infusing magic into the mundane, and drawing deft parallels in the fantasy realms of her imagination. Dragons and hateful spirits haunt the flooded city of New Orleans in the aftermath of Hurricane Katrina. In a parallel universe, a utopian society watches our world, trying to learn from our mistakes. A black mother in the Jim Crow south must figure out how to save her daughter from a fey offering impossible promises. And in the Hugo award-nominated short story “The City Born Great,” a young street kid fights to give birth to an old metropolis’s soul.

Edition : Orbit

 

Mon Avis : Pour ceux qui suivent mon blog régulièrement, vous devez savoir que je suis N.K. Jemisin depuis un long moment maintenant, c’est bien simple c’est depuis la publication de sa première trilogie en VF chez (feu) Orbit France. Avec sa dernière trilogie, The Broken Earth (Les Livres de la Terre Fracturée), l’autrice a frappé un grand coup dans le cercle de l’imaginaire remportant pas moins de trois prix Hugo du meilleur roman d’affilé pour chacun des tomes de son cycle, ainsi que pour le dernier tome un prix Locus et un prix Nebula. Il y a peu, était publié un recueil de ses nouvelles sur lequel j’ai rapidement craqué, avec l’envie de savoir comment l’autrice allait s’en sortir avec ce format. À noter que ce recueil est composé de 23 nouvelles.

The Ones Who Stay and Fight : Alors, cette nouvelle est un peu spéciale, il s’agit d’une réponse de l’autrice au texte d’Ursula Le Guin : The Ones Who Walk Away from Omelas. En effet, sans trop spoiler, Le Guin n’offrait que deux choix dans sa nouvelle, rester et accepter ou bien fuir. N.K. Jemisin, elle, cherche à montrer dans sa ville Um-Helat qu’on peut aussi se battre face aux maux de la société. Là où Le Guin montrait, d’une certaine façon, qu’il paraissait impossible de battre le système, Jemisin ne dit pas qu’elle va changer les choses, mais que même si le combat est impossible il faut le faire. La nouvelle en soit est bonne, plus qu’intéressante, ne m’a pas laissée indifférent, mais souffre en fait tout simplement de la comparaison avec la nouvelle de Le Guin qui m’a beaucoup plus marqué dans sa construction.

The City Born Great : Dans cette nouvelle, l’autrice imagine que les villes sont des organismes vivants, qui peuvent devenir des entités autonomes, intelligentes et vivantes, mais qui peuvent mourir durant le processus. Ainsi les rues deviennent des veines, le flux de population son sang, etc. New York est ainsi au bord du réveil. L’autrice construit ici un texte assez simple, une sorte de déclaration « d’amour » à la ville de NY, au fait qu’il s’agisse de « sa » ville, que d’une certaine façon elle s’y sente chez elle. Encore une fois une nouvelle intéressante dans ce qu’elle construit, dans l’influence de chacun dans l’évolution de cette ville, mais qui doit fonctionner encore mieux, je pense, si on connait un peu NY.

Red Dirt Witch : Ce texte se situe en plein mouvement des droits civils afro-américins et nous fait suivre Emmeline, une femme noire ayant des pouvoirs, qui cherche à protéger ses enfants à les voir grandir, et qui va devoir se confronter à une Fey qui se nourrit des pouvoirs des autres. Une nouvelle que j’ai trouvé très intéressante dans son mélange de magie, de mysticisme, qui ne m’a pas laissé indifférent sur son aspect politique, ainsi que les thématiques qu’elle soulève. D’une certaine façon, il montre que le chemin sera dur, semé d’embûches, mais qu’il reste de l’espoir de voir un jour les choses changer. Maintenant, je trouve que le texte aurait mérité d’être un peu plus long, cela aurait permis d’éviter ainsi au personnage de la Fey d’être un peu trop stéréotypé.

L’Alchimista : Cette nouvelle nous présente une grande cuisinière qui a perdu son poste et se retrouve à faire la cuisine dans un lieu qui n’est pas obligatoirement à la hauteur de son talent. Un jour, un homme va lui demander de créer une étrange recette qui va bouleverser sa vie. Mélange de magie et de cuisine, l’ensemble avait de quoi me plaire, pourtant sans dire que cette nouvelle soit mauvaise, elle n’a rien non plus de très marquant. Une sorte de récit gentillet, qui se lit vite, mais s’oublie limite tout aussi vite. Cela reste certes divertissant, mais j’espérais plus.

The Effluent Engine : Une nouvelle qui se situe à la Nouvelle-Orléans, au début du 19ème siècle, qui nous propose un récit d’espionnage avec des sociétés secrètes, des jeux politiques et du steampunk. Une nouvelle sympathique, efficace, qui offre des personnages intéressants et vient même soulever une ou deux thématiques de façon solide. Pour autant je trouve que ce texte aurait gagné en intérêt s’il avait été un peu plus long et plus développé. Cela reste au final un texte divertissant et un minimum entraînant.

Cloud Dragon Skies : Une nouvelle qui nous fait découvrir un monde où une partie de l’humanité a quitté la terre, suite aux effets de pollution, pour aller vivre dans une station. Un groupe de scientifique revient alors étudier le fait que le ciel ait changé de couleur. Un texte très classique dans sa construction, qui est très prévisible et a du mal à clairement se démarquer. Certes, l’autrice y apporte un peu de son imaginaire et de sa culture, mais j’ai trouvé le reste beaucoup trop convenu et balisé pour me convaincre. Même les personnages sont prévisibles. En soit le texte n’est pas mauvais, juste qu’il ne m’a pas accroché car très déjà-vu.

The Trojan Girl : Une nouvelle qui nous présente un monde ou certains codes, certains programmes informatiques sont devenus autonomes. Un jour, une jeune fille étrange va venir dans leur monde. Franchement l’idée en soit est bonne, la fin avec sa révélation finale est plaisante, mais la construction m’a, à nouveau, paru trop convenue pour vraiment se démarquer. Certes ce n’est pas mauvais, mais il manque de quoi offrir quelque-chose de plus marquant. Il y a aussi certaines facilités un peu frustrantes. Un texte vite lu, sympathique, mais rien de marquant.

The Valedictorian : Cette nouvelle, si je ne me trompe pas, est dans le même univers que la nouvelle précédente. On découvre ainsi des gens qui vivent reclus dans le Firewall qui, d’une certaine façon, les protège du monde extérieur. J’ai trouvé ce récit plus intéressant que les précédents.  Il y a une lente montée en tension dans ce texte, qui démarre fort et qui est accrocheur. Que ce soit à travers l’héroïne, comme dans l’univers que l’on découvre il se détache quelque-chose et je me suis retrouvé entraîné par ce texte qui ne manque pas d’attrait et de réflexions. le seul soucis vient que le format m’a paru trop court, il y avait de quoi proposer plus, mais rien de dérangeant.

The Storyteller’s Replacement : Pour cette nouvelle, l’autrice se lance dans le conte, nous contant ainsi l’histoire d’un homme, qui possède le pouvoir, qui est riche, mais qui n’a pas d’héritier. Il décide donc d’envoyer ses héros lui rapporter un cœur de dragon qui aurait, selon la légende, le pouvoir de l’aider à enfanter un fils. Une nouvelle que j’ai trouvé réussi, que ce soit dans son côté cynique et pleine d’humour noir, ses réflexions, ou bien encore dans une construction assez sombre et à l’atmosphère tendue. J’ai passé un bon moment avec ce texte.

The Brides of Heaven : Cette nouvelle nous plonge sur une planète où il ne reste plus que des femmes. L’une d’entre elle vient de se faire arrêter pour avoir tenter de saboter des réserves d’eau. Sauf qu’elle paraît avoir une raison. Je suis un peu passé à travers de cette nouvelle, j’en comprends les idées, je ne nie pas que c’est construit de façon solide, mais voilà j’ai trouvé l’ensemble trop bancal. Le côté un peu magique et SF ont du mal à vraiment bien cohabiter, selon moi, et la chute est finalement très prévisible. Le côté mystique m’a aussi paru un peu trop simpliste.

The Evaluators : Cette nouvelle décide de traiter du premier contact, à travers une narration éclatée à travers des transcriptions de rapports, de dialogues et autres. Franchement l’idée de base est sympathique, le traitement n’est pas mauvais, loin de là, mais j’ai plus eu l’impression d’avoir entre les mains un texte d’une autrice qui se faisait la main sur ce type de narration, qu’une nouvelle à publier on va dire. Attention, ce n’est pas mauvais, juste que c’est convenu, archétypal, banal et sans surprises.

Walking Awake : Une nouvelle qui nous fait découvrir un monde où une certaine caste de personne, les Masters, peuvent à volonté demander à changer de corps et ainsi vivre éternellement. Pour cela on élève et fait grandir des gens qui n’auront d’autres fonctions que de fournir des corps. Franchement, l’idée de base a déjà été vu et revu dans la SF et même si l’autrice y apporte un peu de sa patte personnelle, dans la notion de combat de rébellion et de mysticisme, il manque un petit truc pour vraiment me convaincre. Attention, le texte n’est pas mauvais, il est même plutôt bon et un minimum percutant, mais à ce moment du recueil, j’avoue aussi, j’étais toujours à la recherche du texte de l’autrice qui se démarquerait vraiment du recueil, celui qui me marquerait clairement.

The Elevator Dancer : Il s’agit ici d’une nouvelle très courte, d’un homme qui regarde régulièrement une jeune femme danser dans un ascenseur quand elle est seule. Franchement, un texte court, qui n’a rien de marquant et qui est facilement oubliable, au point que j’ai du ressortir mon recueil pour me souvenir de quoi il était question pour écrire cette chronique.

Cuisine des Memoires : Une nouvelle qui nous fait découvrir deux amis qui vont dîner dans un restaurant un peu spécial. En effet on ne choisit pas vraiment le menu, on définie plutôt une date et un évènement précis, et le restaurant fournira le menu qui y était servi. Franchement, cette nouvelle reprend un peu les avis que j’ai sur les autres. C’est gentillet, c’est mignon, ça ne manque pas d’imagination, ça se laisse lire sans déplaisir même si c’est prévisible, mais ça manque quand même de force et de densité pour franchement marquer plus le lecteur. Certes ça se lit facilement, c’est divertissant, il y a aussi quelques bonnes idées sur la notion d’évolution, d’avancer dans la vie, mais rien qui vienne me bouleverser.

Stone Hunger : Il s’agit d’une nouvelle qui se situe dans le même univers que Broken Earth. Une histoire qui m’a plus captivé que les précédentes, on y retrouve le côté percutant, violent, de ce monde avec un personnage principal qui ne manque pas de m’avoir accroché dans sa quête et son développement. Certes la construction de l’intrigue est assez simpliste, ce qui est dommage, mais pour autant cela ne gêne en rien le fait que j’ai trouvé le récit prenant, captivant. Il vient aussi soulever quelques questions intéressantes sur la notion de haine, de vengeance ou encore de différence. Au final un bon texte.

On the Banks of the River Lex : Cette nouvelle nous fait suivre la mort dans un monde post-apocalyptique qui a vu l’humanité disparaitre. Seul les dieux et êtres mystiques restent. Une nouvelle très sympathique, qui nous offre une sorte de voyage symbolique de la mort, que ce soit dans cette notion d’entropie, comme dans l’imagination de l’autrice que j’ai trouvé ici rafraichissante et riche. Pas obligatoirement la plus grande nouvelle qui soit, mais ça se lit bien et c’est efficace.

The Narcomancer : Un village subit les assauts de bandits qui paraissent utiliser la magie, car quand cela arrive tout le village s’endort avant chaque attaque. Des membres du village partent donc chercher un prêtre de la Déesse des Rêves pour les aider. Sauf qu’une lutte de pouvoir se joue aussi dans le village et la mission ne va pas être aussi simple que prévu pour notre prête. Franchement, sûrement le meilleur texte, je trouve, du recueil que ce soit dans la richesse de son univers, dans les thématiques qu’il soulève comme dans les aventures qu’il propose. Les personnages s’avèrent aussi très intéressants à découvrir, se révélant complexes et soignés avec leurs envies et leurs faiblesses. Certes la conclusion est un peu facile et rapide, mais ce texte reste une très bonne nouvelle. Vu qu’elle fait partie du cycle Dreamblood, cela m’a donné envie de lire le diptyque.

Henosis : Une nouvelle à propos d’un prix décerné et d’un kidnapping. Un texte pas mauvais dans les réflexions, cette idée d’imaginer que pour impacter encore plus les gens il faut aller bien plus loin qu’offrir un prix, mais qui m’a paru rester trop en surface pour vraiment m’accrocher. J’ai ainsi trouvé la nouvelle trop simple et trop esquissé, dommage.

Too Many Yesterdays, Not Enough Tomorrows : Cette nouvelle nous offre un récit où les héros se retrouvent coincés dans une boucle temporelle qui revient à chaque fois dans le passé avant que tout s’effondre. Franchement la nouvelle m’a paru à nouveau être plus un exercice de style qu’autre chose, jouant sur la notion de temporalité ainsi que la narration par mail et blog. Sauf que voilà le message, qui voudrait que si les gens disparaissent c’est parce qu’ils ont des sentiments et ceux qui restent coincé dans la boucle sont ceux qui passent leur temps de façon négative sur le net par exemple, m’a paru capillotracté et tellement facile. Une nouvelle qui m’a laissé de côté, finalement.

The You Train : Une sorte de récit qui nous donne l’impression de plonger dans un narrateur qui écoute régulièrement une personne au téléphone. On a ainsi un seul côté du dialogue, puisque le narrateur n’entend jamais  les réponses qui sont faites. C’est un, pour une fois, exercice de style intéressant, la nouvelle est plutôt sympathique, l’ensemble se lit facilement, mais pour autant c’est à nouveau loin d’être marquant malgré la chute du récit qui lorgne du côté du fantastique.

Non-Zero Probabilities : Une nouvelle qui voit les lois de la probabilité complètement changer et ainsi les évènements rares, bon ou mauvis, deviennent de plus en plus habituels. Une jeune femme va alors devoir faire face à ses bouleversements. Une nouvelle que j’ai trouvé intéressante, porté par une plume plutôt soignée et entraînante et qui offre dans son développement quelque-chose d’efficace. Certes une fois la dernière page tournée, j’en espérais plus, mais dans l’ensemble, sans dire que le texte est exceptionnel, il fonctionne bien.

Sinners, Saints, Dragons, and Haints, in the City Beneath the Still Waters : Ce texte nous plonge en pleine ville de la Nouvelle-Orléans, qui voit arriver une nouvelle tempête. En conclusion de ce recueil, j’ai trouvé cette nouvelle efficace, que ce soit dans l’imaginaire qu’elle développe ou encore les thématiques qu’elle soulève, que ce soit sur la peur, le rejet des autres ou encore l’entraide. Le récit m’a ainsi rapidement captivé, se révélant efficace, prenant et montant en tension au fil des pages pour un final réussi. Les personnages sont solides et prenants. On y retrouve aussi cette idée de ville qui sont plus que des villes et qui apporte un plus au récit. Une bonne nouvelle, qui vient parfaitement clôturer ce recueil.

A noter que les droits de ce recueil ont été acquis en France et il devrait, normalement, être publié chez J’ai Lu dans la collection Nouveaux Millénaires je pense.

En Résumé : Concernant ce recueil, je dois bien admettre que j’attendais un peu plus. N.K. Jemisin m’a paru ainsi plus percutante et marquante dans les romans qu’elle écrit que dans ses nouvelles. Au début du recueil elle dit clairement que les nouvelles lui ont permis de travailler son style et d’affiner sa voix et c’est peut-être là le soucis, car au final les textes ne sont jamais en soit mauvais, mais il m’a paru leur manquer quelque-chose. On oscille ainsi entre le texte moyen et le bon avec seulement deux ou trois nouvelles qui arrivent à se démarquer plus que les autres. Après peut-être aussi qu’en me lançant dans la lecture de ce recueil j’avais des attentes trop grandes suite à ma lecture des romans de l’autrice qui m’ont marqué. J’attendais peut-être d’être autant touché, là où l’autrice se sert peut-être plus des nouvelles comme d’un divertissement. J’ai aussi trouvé ici que les nouvelles de N.K. Jemisin avaient du mal à se démarquer, proposant souvent des textes sur des sujets déjà, certes en y apportant des thématiques qui lui sont chères, comme le diversité, le combat face à l’injustice et la haine, mais qui restent très déjà-vu. Après c’est vrai qu’on a un panel large de textes, allant de ses débuts vers 2004 à aujourd’hui, cela peut influencer sur certains textes par rapport à mes attentes. Alors oui, comme dit dans le quatrième de couverture, l’autrice cherche à analyser notre société, mais il m’a paru régulièrement manqué un petit quelque chose. Au final How Long ‘Til Black Future Month ? n’est pas un mauvais recueil de nouvelles, s’avérant tout de même plutôt sympathique et un minimum divertissant, mais rien de très marquant à mon goût.

 

Ma Note : 6/10