Résumé : Par-delà le Vortex s’étend l’Archipel du Rêve, une zone de neutralité épargnée par la guerre qui ravage les continents austral et septentrional. On rêve d’y séjourner et, une fois prisonnier de ses langueurs tropicales, on ne peut que succomber à une autre forme de guerre, celle que se livrent les êtres de désir et de pouvoir qui peuplent les différentes îles de cette géographie hors du temps, singulière en diable.

Edition : Denoël Lunes d’Encre (7 nouvelles)
Poche : Folio SF (9 nouvelles)

 

Mon Avis : Cela faisait un petit moment que je ne m’étais pas lancé dans un livre de Christopher Priest. Après vérification sur le blog cela faisait même plus de un an et demi. Il a fallu que je croise l’auteur lors du dernier festival des Imaginales pour me dire que j’avais encore certains de ses livres dans ma PAL, d’autres à acquérir, et qu’il serait intéressant que je les lise. Mon choix s’est donc porté, un peu par hasard, sur L’Archipel du Rêve dont j’ai déjà un peu visité les contrées à travers d’autres écrits de l’auteur. Concernant la couverture, illustrée par Manchu, je la trouve très réussie. Concernant ce livre il s’agit d’un recueil de sept nouvelles (j’ai lu la version Denoël et non Folio SF qui comporte deux nouvelles supplémentaires si je ne me trompe pas) et, pour une fois, je ne vais pas chroniquer chacun des textes, mais plus une chronique plus globale tant je trouve qu’une certaine cohérence ce dégage, même si c’est peut-être moins exhaustif.

En effet chacun des textes va ainsi nous faire découvrir, à travers des récits et des personnages différents, cet Archipel du Rêve, ensemble d’île aux frontières floues, dont aucune carte précise ne permet d’en tracer les contours et qui est entouré de deux autres contrées en guerre. L’archipel du rêve est ainsi une zone neutre qui, de façon un peu biaisée, devient finalement un acteur secondaire de cette guerre, mais surtout est composé d’île mystérieuses reposant sur une notion d’espace et de temps étranges et déroutants. J’avoue une fois la dernière nouvelle lue, je ne vais pas dire que je n’ai pas accroché à ce recueil, loin de là tant il y a des idées et de l’originalité, mais dans l’ensemble je n’ai pas autant accroché qu’à travers d’autres écrits de l’auteur. Pourtant il y a ici des nouvelles que j’ai trouvé marquantes, qui ne m’ont pas laissé indifférent, mais quelques points et certaines nouvelles qui m’ont moyennement accroché ont fait que j’ai trouvé ce livre, certes, plus que sympathique, mais dont j’attendais peut-être un peu plus. Cela vient peut-être aussi du fait que j’ai lu des textes plus récents de l’auteur, j’aurai peut-être du commencer par ce recueil qui, d’une certaine façon, pose un peu les bases de cet archipel. Je pense d’ailleurs que mon ressenti est plus une question d’attente vis-à-vis de l’auteur, que mon avis aurait pu être autre si je l’avais lu en premier. Pour autant, malgré l’impression que pourrait laisser cette introduction, il y a quand même de très bonnes choses qui se dégagent de ces textes et je suis tout de même content de ma plongée dans ce recueil.

On y retrouve, comme souvent avec Christopher Priest, dans l’ensemble de ces textes la construction d’un univers étrange, limite onirique, mélancolique, qui cache une beauté éblouissante, mais qui peut aussi offrir des zones d’ombres, quelque-chose de plus horrible, étrange et dérangeant. J’aime toujours autant replonger dans ces îles aux lois de la physique et du temps complètement différentes, bien porté par un travail d’imagination de l’auteur fascinant, parfois déroutant, mais qui a le don, je trouve de transporter le lecteur. Il est d’ailleurs toujours assez difficile de décrire les oeuvre de Priest qui jouent énormément sur les mystères, les questionnements, le trouble, c’est une sorte de jeu avec le lecteur où chacun peut, limite, appréhender l’oeuvre de façon différente. C’est d’ailleurs possible que ce soit assez déroutant pour certains, tant parfois la construction du récit par l’auteur s’avère ouverte et laisse la part à chacun de se faire ses propres découvertes, ses propres réflexions, ses propres conclusions. Plonger dans l’univers de l’auteur c’est pourtant, je trouve, toujours quelque chose de dépaysant, d’original, de surprenant et, d’une certaine façon, d’envoutant avec toujours cette envie, une fois qu’on l’a quitté, d’y retourner pour mieux le comprendre, le découvrir encore plus.

L’autre point très intéressant du recueil vient aussi des nombreuses thématiques qui sont soulevées de façon très intéressante à chaque fois. Ainsi que ce soit sur la notion de mémoire, d’identité, de fuite ou bien encore sur la littérature, l’histoire, l’Homme, l’amour, la sexualité mais aussi d’une certaine façon sur la Guerre, son absurdité, sa souffrance, son utilité et ses conséquences. L’auteur brasse ainsi de très nombreux thèmes de façon plus ou moins marquantes, de façon toujours très intelligentes, je trouve, et bien amenées venant coller parfaitement à l’univers construit, tout en nous faisant réfléchir sur nous même et notre société actuelle. L’ensemble est aussi porté par des personnages que je trouve très prenants dans leurs constructions, s’avérant complexes, humains et d’une certaine façon captivants à suivre et à découvrir dans leurs quêtes et la façon dont ils évoluent. L’érotisme est aussi au coeur de ce recueil de nouvelles, mais de ce point de vue autant je l’ai trouvé parfois très intéressant, que ce soit dans sa sensualité comme dans son côté froid qui peut déranger et faire réfléchir, autant parfois pour certaines nouvelles j’ai trouvé qu’il apportait peu au récit alourdissant même, par moment je trouve, la lecture. Je pense principalement à La Cavité Miraculeuse qui possède des aspects intéressants et un retournement de situation que je n’avais pas vu venir, mais dont certaines scènes érotiques me donne plus l’impression de simplement ralentir le récit.

Au final pour essayer d’être un peu plus précis dans mon ressenti, j’ai clairement adoré les nouvelles Le Regard et son thème traité de façon fascinante sur le voyeurisme ainsi que La Négation qui m’a marqué par son message sur la guerre, son absurdité à travers ce mur et ce que cela amène comme contrôle. J’ai trouvé sympathique La Crémation et Les Putains, offrant quelques bonnes idées mais qui m’ont paru en faire trop sur certains points ou ne trouvant pas toujours le ton juste. Concernant L’Instant Equatorial, ce n’est pas une mauvaise introduction mais le texte m’a paru facilement oubliable. La Cavité Miraculeuse, comme je l’ai dit n’est pas un mauvaise nouvelle non plus, mais en fait trop à mon goût, m’a paru très linéaire et, malgré le twist intéressant, la conclusion m’a paru convenue. Enfin reste La Libération dont j’ai eu du mal à rentrer dans le récit, sans franchement savoir pourquoi. Une impression de manque de rythme et d’un récit moins prenant peut-être. J’ai aussi trouvé, de façon plus globale, qu’il y avait une certaine redondance dans la construction par moment de ces textes. Alors après, comme je l’ai dit, obligatoirement vu que j’ai lu d’autres textes de l’auteur, même certains dans le même univers, je ne peux pas manquer de faire certaines comparaisons ce qui influe sur mon ressenti. Finalement même si j’attendais plus, je dois quand même dire que j’ai passé un agréable moment avec ce recueil bien porté par une plume soignée, dense et captivante.

En Résumé : L’archipel du Rêve est un recueil de sept nouvelles (neuf chez FolioSF), qui m’a fait passer un agréable moment de lecture, même si j’avoue j’avais peut-être des attentes plus grandes ayant déjà lu d’autres textes de l’auteur. Ce ressenti est purement subjectif et personnel (comme toutes mes chroniques), et je dirai même que si j’avais lu ce recueil en premier de l’auteur j’aurai plus accroché. On retrouve en tout cas avec plaisir cet Archipel du Rêve qui nous propose un univers toujours autant fascinant, envoûtant et déroutant nous offrant de découvrir aussi bien ses beautés que ses zones d’ombres. C’est clairement un univers qui me donne envie, à chaque fois que je le quitte, d’y retourner pour encore mieux le comprendre et en découvrir plus. Les personnages que l’on croise sont toujours aussi intéressants à suivre dans leurs évolutions, se révélant denses, complexes et surtout humains. Les thématiques soulevées le sont de façon intelligentes et ne laissent pas indifférent le lecteur que ce soit sur notre société, la guerre, l’Histoire, l’amour, la sexualité et autre. Concernant l’aspect érotique, même s’il ne m’a pas toujours convaincu, il a parfois trouvé le ton juste que ce soit dans son aspect sensuel comme dans son côté froid, dérangeant qui collait bien à certains textes. Alors après, c’est vrai, tous les textes ne m’ont pas marqué de la même façon, certains comme Le Regard ou La Négation sortant du lot, là où d’autre se révélaient sympathique ou ont eu du mal à complètement m’accrocher. Concernant la plume de l’auteur elle est dense, soignée et prenante.

 

Ma Note :  7/10

 

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