Le Jeu du Démiurge – Philippe-Aubert Côté

Résumé : 2901 – Calendrier universel terrestre
Les Éridanis, lointains descendants hermaphrodites des humains, ont entrepris de coloniser la Voie lactée en s’établissant de planète en planète. À bord du Lemnoth, ces posthumains de chair et de métal s’apprêtent à accomplir un nouveau saut interstellaire afin de fonder une autre colonie sur Selckin-2. Parmi eux, Nemrick, de la caste des Ludis, qui a intégré la mission afin de suivre l’amour de sa vie, le Techno Rumack, qui rêve de créer un milieu de vie idéal pour leurs descendants…
3045 – Calendrier universel terrestre
Plus d’un siècle après l’arrivée des Éridanis, de nombreuses cités s’éparpillent sur Selckin-2. Elles sont habitées par les Mikaïs, une race à mi-chemin entre homo habilis et homo sapiens créée par Rumack. Ce sont eux qui ont construit les prodigieux édifices de ces villes pourtant prévues pour des Éridanis.
Takeo habite Nagack, la somptueuse ville qui s’élève sur le flanc du mont Lemnoth. Comme ses congénères, il vénère les « Maîtres », mais ne s’en inquiète pas moins de la progression du Mal de Rumack qui les condamne à sombrer dans la sauvagerie s’ils ne reçoivent pas l’aide des arbres-machines. Pendant que des rumeurs de guerre se propagent dans la ville, Takeo cherche à sauver son grand-père de la régression. Mais une rencontre fortuite avec le fantôme de Rumack fera de lui la pièce maîtresse d’un jeu qui a débuté bien avant sa naissance, celui du Démiurge !

Edition : A Lire

 

Mon Avis : Lors du festival des Imaginales de l’année dernière (donc celui de 2016), j’ai été fortement intrigué par la couverture de ce roman. L’illustration, réalisée par Gregory Fromenteau, n’arrêtait pas d’attirer mon regard se révélant, je trouve, très réussie et accrocheuse. Je me suis donc arrêté au stand des éditions A Lire, où le quatrième de couverture plutôt accrocheur et une discussion avec l’auteur m’ont convaincu de le faire entrer dans ma PAL. J’avoue j’ai un peu traîné à l’en faire sortir, comme souvent avec une PAL comme la mienne. Il faut dire aussi que c’est un joli pavé de plus de 700 pages, mais il y a peu j’ai décidé de lui laisser sa chance et de me lancer dans sa découverte.

Le roman nous plonge dans un futur lointain où des descendants humains fortement modifiés, les Eridanis, se retrouvent obliger de coloniser l’espace pour survivre. Le récit se construit sur deux narrations, celle de Takeo un mikaï, race crée par les Eridanis pour les aider dans la colonisation de la planète Selckin-2, qui cherche à sauver son grand-père et les souvenirs de Nemrick qui nous présente la mission de colonisation et les aventures et péripéties qu’elle a vécu. La quête de Takeo va alors soulever de nombreux secrets et bouleverser la vie sur la planète. J’avoue qu’en me lançant dans ce roman, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais je dois bien admettre qu’une fois la dernière page tournée, même si certaines erreurs de jeunesse se font ressentir, j’ai passé un bon moment de lecture, divertissant et efficace. L’auteur nous propose ainsi une intrigue qui, même si elle possède un côté assez classique, ne manque pas d’attraits ni de mystères et que l’auteur déroule à un rythme plutôt calme, posé, permettant au lecteur d’entrer facilement dans l’histoire et de s’approprier l’univers. Cela ne veut pas pour autant dire que le récit est lent ou ennuyeux, plusieurs scènes de tension et d’action venant régulièrement parsemé le récit et font qu’on ne s’ennuie jamais malgré la taille du roman. Le début du roman demande par contre de s’accrocher un peu, on peut se sentir un peu perdu dans ce monde foisonnant le temps que les repères et les premières places se mettent en place.

Le gros point intéressant du roman vient, selon moi, de l’univers que construit l’auteur et plus précisément de sa cohérence et sa solidité. On sent clairement que l’auteur cherche à proposer quelque chose d’un minimum dense, de logique et cela fonctionne plutôt bien. On se retrouve ainsi facilement emporté par l’ambiance et le contexte, ainsi que par les nombreux secrets, complots et trahisons qu’il cache et qui se dévoile au fil des pages. Ainsi le travail sur l’évolution de l’humanité, les castes, le besoin de conquête de l’univers pour survivre, mais aussi celle sur les Mikaïs, l’aspect limite divin des Eridanis et toutes les questions que cela soulève dans le contrôle de ce peuple et dans la notion de liberté ne manquent pas d’attrait. Ainsi le récit ne laisse pas complètement indifférent et offre plusieurs réflexions intéressantes, comme par exemple sur le pouvoir, les technologies ou encore plus personelles, sans non plus se révéler trop lourd ou trop ennuyeux. Alors c’est vrai parois l’auteur nous présent son monde de façon un peu trop didactique, j’ai trouvé, mais voilà rien de non plus trop gênant. D’ailleurs il est a noté que Philippe-Aubert Côté a fait des études en Biologie, ce qui se ressent dans son univers, offrant une certaine crédibilité supplémentaire, sans jamais, je trouve, tomber dans de la Hard-Science qui pourrait perdre certains lecteurs. L’aspect technologique s’avère aussi intéressant à découvrir, même si par moment il cherche à trop en faire. Au final un univers plus qu’agréable et efficace qui ne manque pas, selon moi, d’attrait et que l’auteur construit efficacement.

Concernant les personnages, ils ne sont, en soit, pas mauvais, mais ils auraient pu être un peu plus surprenant je trouve. Ils s’avèrent pourtant bien construits, avec un minimum de profondeur et un minimum entrainants, sauf que voilà j’ai trouvé qu’ils avaient un peu de mal à sortir de leurs rôles d’archétypes par moment ce qui les rend aussi d’une certaine façon, assez prévisible dans leurs actes comme dans leurs réflexions. Cela n’empêche pas pour autant pas de s’intéresser et s’attacher un minimum à eux à eux et ainsi de les suivre avec un minimum de plaisir, mais voilà il manque ce petit plus qui aurait pu les rendre franchement marquants. Que ce soit Takeo notre héros Mikaï qui va par la force des choses révéler les sombres secrets des Eridanis pour sauver ses amis et sa famille ou bien Nemrick qui joue un peu le rôle de mentor au grand coeur, mais qui cache de nombreux secrets, ils possèdent tous un peu cet air de déjà-vu. Ils restent quand même solides et entraînants. Les personnages secondaires ne sont pas non plus en reste, s’avérant eux-aussi un minimum soignés et construits, offrant ainsi plus que de simple vis-à-vis servant à faire avancer l’intrigue. La double narration entre présent et passé permet aussi à certains d’entre eux d’offrir une complexité supplémentaire qui est bienvenue et éviter de tomber pour certaine dans un côté un peu binaire.

Je regretterai par contre deux, trois points concernant ce roman. Le premier c’est l’oubli parfois de l’auteur de la fameuse règle du « Show, don’t tell », du montrer plutôt que de le dire. Hors ici l’auteur utilise un peu trop les dialogues pour tenter de montrer ce qui est parfois dommage. Cela se ressent principalement d’ailleurs dans le dialogue entre Nemerick, le Prince et Takeo où le prince nous raconte tout par dialogue, stoppé régulièrement dans son récit par Nemrick qui vient y apporter des ponts supplémentaires. J’ai trouvé ce passage plutôt froid et haché, alors que romancé il aurait gagné en puissance je trouve. Ensuite, certaines longueurs se font parfois ressentir, surtout dans le démarrage l’auteur prenant parfois un peu trop son temps à construire son monde. Enfin l’autre point qui m’a laissé perplexe c’est la conclusion qui m’a paru traité par contre un peu trop rapidement. Il y a de nombreuses lignes d’intrigues et l’auteur donne l’impression qu’il lui restait une cinquantaine de pages pour tout boucler ce qui est, sur certains points, comme le retour de Takeo à Nagack, j’ai trouvé cela un peu frustrant. Au final malgré ces quelques défauts j’ai trouvé ce roman solide et sympathique à lire, je me suis ainsi plongé dedans avec un minimum de plaisir, le tout bien porté par une plume simple et efficace. Je lirai sans doute d’autres écrits de l’auteur pour voir ce qu’il pourra proposer par la suite.

En Résumé : J’ai pass un agréable moment de lecture avec ce roman qui nous plonge dans un futur lointain à la découverte des Éridanis et des Mikaïs et leurs nombreux secrets qui vont être dévoilés par la quête de Takeo qui cherche à sauver son grand-père. Le gros point fort du roman, selon moi, vient de l’univers que construit l’auteur qui s’avère très solide et efficace, bien porté par un aspect technologique et scientifique soigné et qui soulève des réflexions intéressantes. Les personnages ne sont pas mauvais, s’avérant un minimum soignés et complexes, mais ont du mal à sortir des archétypes dans lequel ils sont construits. Ce n’est en rien gênant, mais ils auraient pu offrir plus je trouve. Les personnages secondaires sont eux aussi intéressant à découvrir, apportant ainsi plus qu’un simple vis-à-vis faisant avancer l’intrigue. Je regretterai par contre quelques longueurs ici ou là, une conclusion qui m’a paru un peu précipité pour tout boucler correctement et parfois le fait que l’auteur oublie la règle du « Show, don’t tell » abusant des dialogues là où une explication romancée aurait eue plus de force. La plume de l’auteur s’avère simple et efficace et nous plonge assez facilement dans son monde, malgré un démarrage où le lecteur pourrait se sentir perdu le temps que les pièces se mettent en place. Au final un roman sympathique, efficace et je lirai avec plaisir d’autres écrits de l’auteur pour voir ce qu’il proposera.

 

Ma Note : 7/10

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  1. Je me souviens bien de vous! J’avais noté le nom de votre blogue dans mon carnet 😀 (Pour ce qui est de votre visage exact par contre il faudra me redonner un indice, je ne suis pas physionomiste.)

    Merci d’avoir pris le temps de me lire et content que vous avez passé un bon moment de lecture 🙂

    En dialogue avec vos commentaires, j’aimerais apporter une précision au sujet de votre affirmation : « […] l’oubli parfois de l’auteur de la fameuse règle du « Show, don’t tell […]». Ce n’est pas un « oubli » de ma part : je connais bien cette règle et l’applique 😉 Seulement, pour certaines sous-intrigues, il faut faire des choix, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Si je prends la sous-intrigue que vous citez en exemple (l’histoire personnelle du prince Arghen) le choix de la raconter au lieu de la montrer est volontaire et les inconvénients sont assumés : je me suis demandé longuement si j’allais la montrer et j’ai constaté que cela nuisait plus au récit qu’autre chose. En effet, cela l’allongeait considérablement et obligeait l’introduction d’un nouveau personnage point-de-vue (le prince – le faire raconter par Sakurah ne fonctionnait pas), ce qui causait d’autres ennuis de montage en amont et en aval. En examinant les avantages et les inconvénients de chaque solution, j’ai donc opté pour le « dire ». J’ai aussi opté pour le « dire » pour d’autres sous-intrigues, mais j’ai aussi opté pour le « show » à d’autres endroits.

    Juste pour être clair : vous avez tout à fait le droit de ne pas aimer ce choix, d’en déplorer les conséquences et de préférer autre chose, c’est un droit sacré 🙂 Moi-même quand je lis un roman je me questionne sur certains choix de l’auteur et j’en déplore certains. Si je me permets d’intervenir, c’est parce que votre commentaire spécule que l’oubli d’une règle est la raison derrière mes choix narratifs, alors qu’il n’en est rien 🙂 Je tiens à ce que les lecteurs le savent 🙂

    Au plaisir de vous recroiser dans un futur festival. Je devrais fouler le sol de l’Hexagone dans un futur proche pour un festival. Ce serait intéressant de continuer à discuter 😀

    (P.S. Je ne peux pas m’empêcher : selon vous, Takeo est donc le héros de l’histoire ? 😀 Vraiment ? 😉 )

    • Bonjour, qui sait on se recroisera peut-être dans d’autres salon.

      Concernant votre retour sur mon avis, je le comprend parfaitement. Je ne cherchais pas à considérer que c’était un oubli de votre part. Mon retour ne cherche nullement à être une science exacte, mais simplement à exprimer un ressenti. Donc, quand je voulais parler d’oubli je présentais cela comme un ressenti. Si j’en reviens au dialogue, je trouvais que c’était dommage, surtout à chaque fois que Nemrick coupait un peu la parole pour apporter son point de vue, ce qui rendait la scène hachée. Ce n’est au final qu’un ressenti personnel, je ne cherchais nullement à chercher à expliquer la façon dont vous avez fait ce choix et la façon dont vous avez écrit cette scène et je ne me le permettrais pas. Après je me suis peut-être mal explique dans le choix de mes mots.

      Pour le PS, disons que Takeo est un personnage clé, il est celui par lequel le changement va se faire. En est-il un héros du roman? Pour moi oui, mais il n’est clairement pas le seul. Le point central du récit reste quand même Nemrik et sa relation avec Rumack

  2. Il n’y aucun problème ^!^ Je m’en voudrais juste de laisser l’impression d’être négligent ^!^

    Si je vous disais que Takeo n’est pas le héros? :-p En tout cas, pour moi il ne l’est pas ^!^ Mais gardons ces cogitations pour le jour où l’on se recroisera :-p Il ne faudrait juste pas oublier de porter une étiquette ou de vous identifier : je ne suis vraiment pas physionomiste — quand j’enseignais, c’était un méchant problème. Mais si vous me dites « Blackwolf » et « Blog-o-livre », je vais vous situer instantanément).

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