Le Papillon – Andrus Kivirähk

Résumé : Estonie, début du XXe siècle. Un soir, au sortir de l’usine dans laquelle il travaille, August rencontre par hasard le directeur du théâtre l’Estonia. Il quitte son emploi d’ouvrier et intègre la troupe, qui s’avère aussi loufoque qu’hypersensible : Pinna, le fondateur, les comédiens Alexander, Eeda, Sällik, Oskar… mais aussi Erika, sa future femme, qui rejoint le théâtre peu de temps après lui. Elle symbolisera le Papillon, l’emblème du théâtre, en lui insufflant la légèreté dont le début de siècle prive le pays. Les planches de l’Estonia sont bientôt le seul lieu où la liberté et l’amour peuvent encore résonner, où les rires de l’amitié, les jeux et l’espièglerie ont encore leur place. Mais le théâtre, comme le papillon, est gracile : la brutale réalité du monde s’y invite, et, aux alentours, le chien gris qui la représente rôde et menace de soumettre cette troupe de rêveurs solidaires à la violence, à la séparation et à la mort.

Edition : Le Tripode

 

Mon Avis : Andrus Kivirähk est un auteur que j’ai découvert il y a bien quatre ans maintenant avec son roman L’Homme qui Savait la Langue des Serpents, premier livre publié en VF mais dernier édité dans la chronologie de l’auteur. Il m’avait offert un excellent moment de lecture, fascinant dans son imaginaire avec de nombreuses réflexions intéressantes (ma chronique ici). Je m’étais assez rapidement tenté par son second livre publié en VF Les Groseilles de Novembre (Chronique de quelques détraquements dans la contrée des Kratts), qui m’avait lui aussi offert un très bon moment de lecture, même si moins percutant (ma chronique ). Il était donc logique que je me laisse facilement tenter par la dernière publication VF de l’auteur, s’agissant finalement, si je ne me trompe pas, d’un de ses premiers roman en VO, même si c’est vrai le livre a un peu trainer dans ma PAL. Concernant la couverture, illustrée par Denis Dubois, elle est dans la même lignée que les autres de l’auteur et je la trouve très réussie.

Ce roman devait initialement, comme le dit la préface, être un travail de recherche et une étude de l’auteur sur l’histoire du théâtre Estonien. Il a finalement décidé d’en faire un roman mélangeant personnages qui ont réellement existé et personnages romancés. Le récit nous fait ainsi découvrir August, qui vient de décéder et dont le fantôme vient nous raconter sa vie qui l’a vu basculer un jour d’ouvrier à acteur de théâtre. Il va ainsi, sur un peu plus de 150 pages, nous raconter sa vie, mais aussi l’histoire du théâtre en Estonie et des évènements qui ont bouleversé le pays au début de XXème siècle. J’avoue, au final j’ai passé un sympathique moment de lecture avec ce livre, qui s’avère agréable et entrainant, même si, j’y reviendrai, je l’ai quand même trouvé moins marquant que les deux premiers écrits de l’auteur. On y retrouve, comme dans les précédents romans, la capacité de l’auteur à construire un conte où vient se mélanger le réel et l’imaginaire, une fable qui ne manque pas de se révéler efficace et percutante sur la vie de ce héros finalement commun, mais qui va, d’une certaine façon, avoir un impact sur l’époque. On y voit déjà les prémices de ce côté envoutant et poétique des futurs romans de l’auteur tant il y a dans certains passages un vrai côté lyrique et captivant qui se dégage. Mais ce récit ne s’arrête pas là, il va aussi venir brasser de nombreux sujets et, finalement, d’une certaine façon, permettre à travers chacun de ces livres de nous faire découvrir un peu plus l’Estonie.

On sent aussi que l’auteur s’amuse avec le lecteur, en effet le narrateur nous dit régulièrement que son histoire est vrai, mais qu’il nous ment, qu’il édulcore son récit, il leurre ainsi le lecteur un peu comme au théâtre pour rendre finalement son récit plus vivant, plus percutant. On est ainsi obligé, d’une certaine façon de remettre en cause ce qu’il nous dit tout en sachant qu’il y a un cœur de vérité. Est-on vraiment dans cette idée de réalisme magique? L’aspect fantastique existe-t-il ou bien est-il une manipulation de l’auteur ? On y retrouve d’ailleurs cette capacité d’imagination que possède l’auteur, même si c’est vrai comparer à ses deux autres romans publiés en VF elle est un peu moins fascinante et dense. En effet elle se révèle par moment un peu trop classique, moins marquante. Cela ne l’empêche pas pour autant de brosser une toile de fond qui ne manque pas de dépayser et, d’une certaine façon, de donner envie d’en apprendre plus sur le pays et l’époque. Ce court roman ne manque pas non plus de réflexions, car outre nous montrer la montée du théâtre dans le pays, il vient ici nous faire réfléchir sur l’importance de celui-ci. Sa capacité à faire évader le public, à lui montrer de nombreuses vies différentes, à finalement jouer sur l’illusion pour envouter et les faire sortir d’une vie compliqué. Cela se ressent encore plus quand la guerre gronde aux portes du pays, que la mort, sous la forme d’un chien, rode autour du théâtre le Papillon. Car en fin de compte le théâtre snobe la mort à chaque représentation, vient offrir un espoir, une magie aux spectateurs, leur donne d’une certaine façon envie de continuer. Finalement, un récit qui en plus de nous montrer l’Histoire, certes déformée et un peu fantastique du pays, vient aussi nous poser des questions.

Concernant les personnages, je suis par contre un peu plus circonspect, ils n’ont pas la consistance qu’avaient les personnages des autres romans de l’auteur. Alors certes, cela n’empêche pas certaines scènes, certains passages, de marquer le lecteur construisant une émotion qui vient toucher le lecteur, que ce soit face à l’amour, la perte, la souffrance. Certes les personnages viennent d’une certaine façon nous faire sourire, parfois nous faire rire, mais voilà ils auraient mérité un travail, je trouve, un peu plus soigné et complexe. Le défaut principal vient finalement qu’il y a la présence en très peu de pages, de beaucoup de personnages, ce qui fait que, mis à part August le narrateur, la majorité des autres héros sont à peine esquissés. Ils en viennent ainsi à donner cette impression qu’ils ne sont que des outils qui servent à l’auteur à développer ses anecdotes, ses thématiques. De plus, cela se ressent aussi parfois dans certaines scènes qui manquent parfois de force dans les émotions qu’elles cherchent à transmettre, vu que finalement le lecteur est un peu en retrait de certains protagonistes. Maintenant, comme je l’ai dit, ils ne sont pas non plus mauvais, loin de là et on sent qu’il y a du potentiel qui se dégage d’eux, mais on se rend aussi compte qu’on est dans un des premiers romans de l’auteur.

D’ailleurs c’est finalement le principal reproche que je ferai un roman, c’est qu’il s’agit d’un des tout premiers romans de l’auteur (en VO en 1999) et qu’en France on les découvre finalement après la publication de deux romans plus récents (en VO en 2000 et 2007). Certes on voit ainsi l’évolution de l’auteur, le potentiel qu’il montrait déjà à ses débuts et comment il l’a développé, mais obligatoirement il y a aussi un écart entre ce que j’ai ressenti à la lecture de ses précédents romans VF et celui-là. C’est un peu le soucis quand on remonte parfois la bibliographie d’un auteur. Pour autant même si Le Papillon est un roman qui se cherche, qui passe parfois à côté ou qui aurait mérité plus de développement, il reste un roman sympathique, qui se lit bien et ne manque pas de bons passages qui arrivent à toucher le lecteur et d’idées intéressantes. Peut-être que s’ils avaient été publiés dans l’ordre j’aurai accroché différemment, l’élément de comparaison étant inversé, maintenant pas dit que les romans de l’auteur aurait connu le même succès non plus chez nous. Difficile à dire. La plume de l’auteur est en tout cas efficace, fluide, entraînante et plonge facilement le lecteur dans le récit.

En Résumé : J’ai passé un sympathique moment de lecture avec ce roman, même s’il m’a moins marqué que les précédents livres de l’auteur. Ce récit nous fait ainsi découvrir le théâtre en Estonie ainsi que des évènements qui ont bouleversé le pays au début du XXème siècle. On y retrouve ainsi la capacité de l’auteur à construire un conte, une fable qui vient mélanger réalisme et fantastique, le tout de façon plutôt efficace et intéressante. Il y a surtout un jeu avec le lecteur, en effet le narrateur, August qui nous raconte sa vie, nous annonce que son histoire est vraie mais qu’il ment. On est ainsi obligé de remettre en cause son récit tout en l’acceptant et se laissant porter par ce dernier. On y retrouve aussi l’imagination de l’auteur, même si moins marquante et efficace que ses précédents livres. Le récit vient aussi nous offrir quelques réflexions intéressantes que ce soit sur le théâtre son importance dans la notion de divertissement, surtout en période de guerre. Concernant les personnages je suis un peu plus circonspect, ils ne sont pas mauvais, mais il y en a trop ce qui fait que de nombreux personnages paraissent creux et une distance se crée avec le lecteur. Cela n’empêche pas pour autant certains scènes touchantes. Au final le reproche que je ferai à ce roman est finalement qu’on sent qu’il s’agit d’un de ses premiers romans, là où en France on a déjà lu ses plus récents. Certes on sent l’évolution de l’auteur, on voit les prémices et le potentiel qu’il avait à l’époque. Sauf qu’on y voit aussi ses défauts, le fait que le roman se cherche, en fasse parfois trop ou pas assez, et cela donne l’impression d’un récit moins captivant, moins maîtrisé. Attention il reste sympathique, mais je ne peux m’empêcher de le comparer à ses autres écrits. La plume de l’auteur est en tout cas efficace, fluide, entraînante et je lirai sans soucis d’autres de ses livres.

 

Ma Note : 7/10

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  1. J’avais beaucoup aimé L’homme qui savait la langue des serpents et je serai assez curieuse de découvrir un autre roman de cet auteur (j’aime beaucoup le cadre, notamment, ça permet de changer un peu de perspective…). Merci pour la chronique, ça donne envie 🙂

    • De rien, après tout dépendra de ce que tu recherches pour te décider entre Les Groseilles de Novembre ou Le Papillon.

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