Le Serpent Ouroboros, Volume 1 – E.R. Eddison

Résumé : Sur la lointaine Mercure, les trompettes de la guerre viennent de retentir, les tambours de chanter le fracas des armes et les épées de se parer de leur manteau de pourpre. L’honneur des Démons a été foulé aux pieds par le roi de Sorcerie, et pour laver l’affront, le seigneur Juss et ses alliés s’apprêtent à livrer un combat épique. Leur périple les conduira à travers forêts et déserts, mers et marais, au cœur des fabuleuses contrées de la terre du milieu, depuis leur majestueuse Démonie aux mille montagnes jusqu’aux plus hautes cimes enneigées de la terre.

Edition : Callidor

 

Mon Avis : Il y a quelques temps je me suis laissé tenter à la découverte des éditions Callidor à travers leur publication de Lud-En-Brume qui m’avait offert un excellent moment de lecture. J’avoue que le travail de cette maison d’édition pour mettre en avant des auteurs disparus, voir des écrits qui n’ont jamais connu de publication en France est très intéressant. C’est d’ailleurs le cas de ce roman qui n’a jamais été publié chez nous, malgré une certaine reconnaissance dans le monde de l’Imaginaire. Publié en 1922 il a ainsi influencé de nombreux auteurs comme Tolkien, Lewis, Wagner, Le Guin et d’autres encore. Par conséquent quand on m’a proposé de découvrir ce livre, j’avoue ne pas avoir longtemps hésité avant d’accepter. Les illustrations, que ce soit celle de la couverture comme celles qui agrémentent les pages du roman et réalisées par Emily C. Martin, sont vraiment magnifiques et apportent un vrai plus à l’objet livre en lui-même.

Ce roman nous plonge ainsi à la découverte du monde de Mercure où s’affrontent différent peuples humains que ce soit les Sorciers, les Démons ou les Gobelins. Un jour le roi de Sorcerie, confiant en sa puissance, décide de tenter d’humilier publiquement le roi de la Démonie. Pour éviter une guerre inutile, Juss le roi des Démons décide de lancer un défi à son opposant. Ce défi aura alors de graves conséquences. Alors, au final, ce roman méritait-il de sortir de l’anonymat en France ? Pour moi oui, car ce premier volume m’a offert un très bon moment de lecture, nous plongeant dans une Fantasy qui ne manque pas de se révéler, certes dans ses grandes lignes finalement assez classique, mais au final épique, captivante et entraînante. Le tout est porté par un style qui pourra en déranger ceux qui le trouveront un peu ampoulé et archaïque. Pour ma part il apporte un vrai plus à l’ensemble. Il colle parfaitement à l’univers et offre aussi un certain « cachet » a ce genre de récit, en accentuant la beauté dans le travail descriptif. Alors pour cela encore faut-il maîtriser ce genre d’écriture et j’avoue que là, l’auteur et son traducteur, ont vraiment réussi ce pari, offrant ainsi une véritable immersion dans le récit sans jamais que le style lourd ou pompeux.

J’avoue que le démarrage s’est pourtant révélé étrange, nous présentant Lessingham qui finalement va se révéler être le témoin de l’épopée qui nous est conté dans ce livre, mais qui va disparaitre dès le second chapitre. D’une certaine façon cette entrée en matière détonne et interpelle, poussant à tourner les pages pour en apprendre plus et mieux comprendre. Concernant l’intrigue, dans les grandes lignes elle s’avère finalement classique, avec ces deux peuples qui se détestent et qui cherchent, d’une certaine façon, à s’imposer, mais voilà cela n’empêche pas pour autant ce récit de se révéler solide, dense, travaillé et prenant. Surtout, l’auteur arrive clairement à construire une histoire qui ne manque pas de se révéler épique avec son lot de batailles et de duels, tout en prenant le temps de bâtir un univers franchement dense et intéressant. L’ensemble des scènes captivent d’une certaine façon le lecteur offrant ainsi de nombreuses surprises et rebondissements, le tout porté par une narration fluide et efficace. On est clairement dans le récit d’aventures, dans un monde où la guerre et les hauts faits sont la norme, où la paix n’existe jamais vraiment, où le but des quêtes est finalement de gagner en popularité et en pouvoir, cela pourra peut-être en déranger certains, mais pour ma part je me suis laissé emporter, attendant de voir comment l’auteur va faire évoluer son intrigue par la suite.

Concernant l’univers qui est construit au fil des pages, il ne manque pas d’attrait, non pas dans son originalité, il a été tellement copié depuis, mais plus dans la façon dont il nous est présenté, dans son élaboration à travers cette plume riche et travaillée. L’auteur a ainsi un vrai sens du détail, rendant les scènes très visuelles et somptueuses tout en sachant ne pas alourdir son récit ou  le rendre trop long. Rien que dès les premiers chapitres et la plongée dans la salle du trône des Démons on sent à quel point l’ensemble va se révéler dense, soigné et impressionnant. Cette idée de mélange SF et Fantasy est d’ailleurs assez étonnante, nous emmenant ainsi sur Mercure à la découverte de ce monde imaginaire. Certes cela ne change rien au récit, il pourrait tout aussi bien être situé sur un monde imaginaire, mais offre un certain décalage intéressant dans l’idée, certes impossible, qu’en levant les yeux il puisse se passer tant de choses. Dans tous les cas j’ai plongé avec plaisir dans la découverte de ce monde très typé médiéval, où les guerres sont incessantes, où les jeux de pouvoirs, de manipulations n’ont aucunes limites et où la magie est présente mais mal perçue : qu’y a-t-il de pire pour l’honneur que de gagner une bataille avec la magie et non pas par ses propres capacités à se battre? Cet univers nous fait aussi réfléchir sur la folie des gens de pouvoirs, sur ces batailles qui amènent des milliers de morts sans que cela n’émeuve les dirigeants. Au final un univers soigné, captivant, le tout bien porté par une ambiance lyrique et séduisante qui fait qu’on s’imagine assez facilement arpenter et découvrir les lieux visités.

Pour les personnages, déjà il faut savoir que même si on parle de Démons, de Sorciers ou encore de Gobelins ce sont tous des humains, la Démonie, Sorcerie ou Gobelinie n’étant finalement que le nom des régions dont ils sont originaires. L’auteur nous fait alors découvrir des héros intéressants à suivre, certes tous des guerriers amoureux de récompenses, de gloire et de pouvoir, mais qui pour autant évitent de tomber dans la caricature. Cela n’empêche pas pour autant certains protagonistes de se révéler stéréotypés, mais ils s’avèrent malgré tout plus que solides, ce qui fait qu’on suit leurs aventures avec l’envie d’en apprendre plus et de savoir comment ils vont se sortir de tous ces pièges tendus. Les Démons sont ainsi nobles, sans peur et sans reproche, francs, là où les sorciers sont plus manipulateurs, fourbes et amoureux du pouvoir. Au final ce n’est pas tant les personnages principaux qui se dégagent du récit, ne se révélant pas mauvais mais finalement assez classiques, mais plus les personnages secondaires comme Gro, Coronde ou encore dame Prezmyra en qui se cache finalement plus de complexité et peut-être aussi, d’une certaine façon, plus d’humanité et de doute. C’est un parallèle assez intéressant je trouve entre des héros qui sont plus, d’une certaine façon, ce fantasme d’aventurier que beaucoup d’adolescents ou adolescentes ont pu rêver d’être, avec au second plan des personnages plus terre à terre. A voir comment l’auteur va gérer cela par la suite. L’autre point intéressant vient aussi du fait que finalement, Démons, Sorciers, ou Gobelins, malgré ce qu’on pourrait croire, sont loin d’être parfaits et aucun n’est meilleur que les autres. On pourrait ainsi trouver les Démons sont plus attachants que les Sorciers qui les persécutent, ils pourraient représenter d’une certaine façon « les bons », pourtant on se rend rapidement compte qu’ils sont aussi égoïstes, prêt à sacrifier de nombreuses vies pour leurs propres buts. Sans être « mauvais » pour autant, tous autant qu’ils sont, ils sont juste bourrés d’idéaux et d’envies. Ce sont finalement des puissants qui voient le monde comme un jouet sans se soucier des conséquences, ce qui fait réfléchir. Cela n’empêche pas pour autant de se laisser porter par leurs aventures vivantes, pleines de panache et de surprises.

J’ai tout de même regretté par moment certaines facilités qui se font ressentir ici ou là, qui font que nos héros, certes sont loin de s’en sortir toujours trop bien, mais ne paraissent jamais non plus trop souffrir. Ensuite, même si je sais que c’est fait exprès, je trouve que certains héros sont parfois un chouïa trop puissants. Certes d’une certaine façon ils répondent à l’idée de certains personnages d’héroïc fantasy qui peuvent tenir tête à des dizaines de guerriers, mais voilà par moment, pour ma part, l’auteur en faisait un peu trop. Je regrette aussi parfois un souci du détail un peu trop poussé, principalement dans certaines descriptions. Enfin, et c’est  mon point de vue personnel, le récit a été coupé pour faire deux tomes, ce que je trouve dommage, car la conclusion manque de naturel et m’a plus paru légèrement frustrante. Au final rien de très bloquant, du moment qu’on adhère à ce genre de récit et à un style ancien et très dense qui demandera peut-être un minimum d’effort. J’ai passé un très bon moment de lecture. En fin de compte j’ai trouvé avec ce livre un roman épique, riche, entrainant qui, pour peu que mon retour vous tente et que vous appréciez les récits d’héroïc fantasy riches et denses, mérite d’être découvert.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous offre un récit épique, riche, dense et soigné. Le tout est porté par une plume qui pourra en déranger certains par son style plutôt « archaïque » mais qui, à mon avis, donne un cachet supplémentaire au récit et une certaine beauté au travail descriptif de l’auteur. L’intrigue est somme toute assez classique, mais ne manque pas d’être épique et d’offrir des aventures entraînantes et captivantes avec leur lot de surprises et de rebondissements. L’univers, même s’il n’a rien de révolutionnaire, s’avère solide et fascinant à découvrir. On s’imagine clairement arpenter les différents lieux visités qui s’avèrent fastes, dépaysants et lumineux. L’aspect politique repose grandement sur la guerre, l’honneur et la gloire ce qui rend l’ensemble entraînant, même si j’attends de voir comment l’auteur va gérer la suite. Les héros ne manquent pas non plus d’attrait et même si ils se révèlent un peu stéréotypés, ils évitent clairement de tomber dans un manichéisme facile. Les personnages secondaires sont très intéressants à mon avis, offrant un parallèle intrigant avec les personnages principaux. Après je regrette quelques facilités ici ou là, une ou deux descriptions trop poussées, parfois un aspect un peu trop guerrier parfait qui ressort… Je suis aussi un peu frustré du choix de couper ce roman en deux volumes, ce qui n’offre pas obligatoirement une conclusion naturelle, mais cela n’empêche pas pour autant ce roman de s’avérer efficace, épique, séduisant et je lirai la suite sans soucis.

 

Ma Note : 8/10

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  1. Ah! tiens, je ne connaissais pas du tout, et voilà ma curiosité bien éveillée.
    EN fait, il a un côté vintage et épique qui en font tout son charme?…
    Je le note!
    Merci!

    • C’est un peu ça oui, mais là où certains n’ont que ce côté vintage et divertissant comme atout, j’ai trouvé ce roman quand même un cran au-dessus.

  2. Je pense que j’y jetterais un œil, mais je préfère attendre que les 2 volumes soient sortis. Ca a l’air fort sympathique comme Lud-en-Brume

    • Pas obligatoirement le même genre de récit où Lud-En-Brume jouait plus sur la féérie là où Ouroboros est plus sur la Fantasy épique, mais tous les deux des romans très intéressant et m’ayant offert de très bon moments de lecture à mon avis

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