Les Chambres Inquiètes – Lisa Tuttle

les chambres inquietesRésumé : Recueil composé de 14 nouvelles de Lis Tuttle, sélectionnées et traduites par Nathalie Serval.

 

Edition : Dystopia

 

 

Mon Avis : J’ai découvert Lisa Tuttle il y a plus d’un an avec la parution d’un recueil de six de ses nouvelles, toujours aux éditions Dystopia, qui m’avait rapidement happé à travers ses écrits, mélange de réalité et de fantastique ou l’angoisse n’est jamais très loin, tout en se révélant réfléchi (ma chronique ici). Par conséquent quand j’ai appris qu’un nouveau recueil de textes de l’auteur était publié je n’ai pas mis longtemps à le faire rentrer dans ma PAL. À noter de nouveau une couverture, illustrée par Stépahne Perger, qui se révèle magnifique. Ce livre est ainsi composé de 14 nouvelles.

Un Nid D’insectes : Ellen décide d’aller se réfugier quelques jours chez sa tante suite à l’infidélité de son mari, espérant s’y ressourcer. Elle y découvre alors une maison au bord de la ruine et une vieille femme malade, elle va alors tout tenter pour aider sa tante. Un texte assez classique dans sa construction, devenant lentement de plus en plus angoissant au fil des pages, où la réalité dérape dans la dernière partie pour mieux tenter de surprendre. Je trouve juste dommage que l’auteur donne trop d’indices, ce qui fait que j’avais deviné la conclusion, mais rien de non plus trop bloquant tant elle se révèle marquante, voir perturbante et risque de ne pas laisser indifférent.

Sans Regrets : Cette nouvelle nous fait découvrir Miranda, poétesse connue et reconnue, obligée de revenir enseigner dans sa ville natale pour des raisons financières. Le passé va alors la rattraper. Un texte peut-être moins percutant et moins angoissant que le précédent, mais qui se révèle réussi soulevant de nombreuses questions que ce soit, comme souvent avec l’auteur, sur la possibilité de mélanger vie de famille et vie professionnelle, mais aussi plus globalement sur la position de la femme dans la société. Un travail de fond efficace et intéressant, même si la forme n’est pas non plus oublié pour autant avec un univers fantastique réussi et des personnages attachants.

En Pièces Détachées : On découvre à travers cette nouvelle une jeune femme qui n’arrive pas à trouver l’amour, mais qui, après chaque fin de relation, retrouve dans son lit un bout de son ancien amant. Elle va alors décider de les collectionner. Une nouvelle qui se révèle cynique et pleine d’humour noir sur la quête pour chacun de la moitié parfaite à tous les égards. On plonge ainsi avec plaisir dans cette lente folie qui s’installe chez l’héroïne, qui se retrouve ainsi à expérimenter pour essayer de mieux comprendre ce qui lui arrive et d’obtenir le corps parfait. Un texte à la fois surprenant, drôle angoissant et qui offre une conclusion des plus frappante.

La Tombe de Jamie : Cette nouvelle nous fait découvrir une mère qui ne vit que pour son fils et a du mal à être séparé de lui. Sauf que son fils va trouver une nouvelle lubie qui va l’éloigner un peu plus d’elle : creuser. Ce qu’il va découvrir va alors les changer tous les deux. Un texte très intimiste, offrant une réflexion sur la maternité et plus précisément sur l’amour étouffant d’une mère vers son fils, sur la liberté de l’un par rapport à l’autre le tout au milieu d’une famille séparée. Comme toujours l’auteur sait jouer avec le lecteur pour glisser peu à peu dans une histoire angoissante, où le fantastique apparait pour mieux nous surprendre dans un final assez surprenant. J’ai par contre eu un peu de mal à vraiment m’associer à l’héroïne, mais je ne saurais trop dire pourquoi.

Lézard du Désir : Une femme se retrouve dans un monde parallèle où le sexe, plus précisément la dominance, ne se fait pas d’un point de vue biologique, mais avec un lézard. Un texte qui parait aux premiers abords principalement très sombre et violent, mais qui finalement nous offre une réflexion intelligente sur notre société et plus précisément sur ses fameux « avantages » lié aux organes sexuels, pour nous faire comprendre que finalement homme ou femme on est tous les mêmes dans le meilleur, comme dans le pire. Une nouvelle efficace et réussie.

Vol pour Byzance : On suite une jeune auteur qui est invité à une convention dans un bourg perdu au Texas. Elle va alors se rendre compte que ce voyage est un piège pour elle. Un texte étrange, qui nous offre de nombreux axes de réflexions que ce soit d’un point de vue identitaire, mais aussi au niveau de la création, mettant en avant qu’il faut peut-être rester soi-même pour ne pas perdre cette muse qui est au plus profond de soi. Un texte efficace, mais je ne sais pas trop, j’ai trouvé que le traitement avec cet aspect stressant qui se dessine au fil des pages le dessert un peu. Rien de non plus dérangeant.

L’autre Chambre : Un homme retourne dans l’ancienne maison de son grand-père où, plus jeune, il avait découvert une chambre secrète mystérieuse. Un texte finalement assez classique que ce soit dans sa réflexion et aussi dans sa capacité à jouer avec le fantastique. Il n’est pas mauvais et possède de bonnes idées, mais est loin de m’avoir marqué autant que certains autres ici.

Oiseaux de Lune : On plonge ici dans un récit étrange où on découvre une jeune femme dont le mari s’éloigne d’elle depuis son voyage vers la lune et qui ont une jeune fille malade. Une histoire déroutante, dont j’ai du mal à comprendre totalement les tenants et les aboutissants avec cette fascination pour le satellite lunaire, mais qui a pourtant réussi à me captiver par son ambiance poétique et mélancolique.

Propriété Commune : Cette nouvelle nous plonge au milieu d’un couple en pleine séparation et qui se déchire pour leur chien. Un texte qui se révèle terriblement cynique, à l’humour noir, grinçant, qui se révèle saisissant et qui ne manque pas de faire réfléchir et de se poser des questions sur l’importance du couple et plus principalement de ce qui se retrouve lié au couple. Comme souvent la conclusion se révèle percutante et m’a surpris. Un texte réussi malgré son côté très sombre et des personnages assez froids.

Une Amie en Détresse : Dans cette nouvelle on suit Cecily qui va à l’aéroport chercher sa mère et se lie d’amitié avec une autre jeune femme qui n’est pas sans lui rappeler une connaissance de jeunesse. Un texte beaucoup moins sombre que les précédents, mais qui ne manque pas de se révéler passionnant et intrigant. L’auteur nous plonge ainsi dans un récit où l’imaginaire est moins tranché, plus nuancé, traitant d’amitié imaginaire et du besoin d’être rassuré, d’être soutenu et d’être un minimum aimé surtout dans des périodes de grandes détresses.

L’autre Mère : Cette nouvelle nous fait découvrir une femme, peintre et mère de deux enfants, qui va voir sa vie bouleverser après avoir entraperçu une femme en blanc dans la forêt en face de chez elle. De nouveau l’auteur traite ici de la capacité à mélanger vie privée et vie professionnelle, à travers une famille séparée en nous offrant un texte surprenant, montant lentement en tension, la folie se glissant lentement au fil des pages chez l’héroïne, pour aboutir à une conclusion des plus surprenante, effrayante et saisissante comme sait si bien l’offrir l’auteur.

Les Mains de Mr. Elphinstone : Eustacia va voir sa vie bouleverser après sa rencontre avec le médium Mr. Elphinstone. L’auteur traite ici de la folie et de la différence, mais à travers une époque plus 19ème siècle. On se rend compte ainsi que selon la façon dont on en vient à présenter les choses, on n’a pas toujours le même ressenti, oscillant entre émerveillement et rejet. Pourtant j’ai eu un peu de mal à accrocher à ce texte, je voyais les choses arriver beaucoup trop rapidement, même si la fin se révèle efficace nous faisant réfléchir sur la façon dont on nie ce que l’on ne comprend pas.

La Plaie : Cette nouvelle nous fait découvrir Olin qui a du mal à se remettre de sa séparation avec sa femme Dove jusqu’au jour où il se lie d’amitié avec Seth. Il s’agit ici d’un des textes les plus étrange et les plus surprenant du recueil, proposant au lecteur de nombreuses surprises et de nombreux rebondissements percutants tout en nous offrant une réflexion terriblement efficace ; de nouveau sur l’aspect social lié à notre sexe, mais aussi tordre le cou à de nombreux préjudices et idée reçues de façon efficace et percutante. Peut-être l’une des meilleures nouvelles du recueil par son côté étrange et intelligent.

Le Nid : On suit ici deux sœurs qui décident de s’acheter une maison et vivre ensemble après le décès de leur mère. Un texte qui vient ici conclure parfaitement ce recueil, nous offrant une lente montée en tension entre une sœur trop protectrice et une autre qui se révèle insouciante, cherchant à vivre pleinement sa vie, même si ça risque de la faire souffrir. Une réflexion réussie sur la famille, l’amour entre sœurs et le tout avec sa dose de fantastique qui s’insinue lentement au fil du récit offrant ainsi une tension de plus en plus angoissante et stressante aboutissant à une conclusion efficace.

 

Comme avec son précédent recueil, la grande force de Lisa Tuttle est de nous offrir des situations normales qui plongent peu à peu dans une ambiance malsaine, flirtant facilement avec l’horreur et l’effroi sans non plus tomber dans la surenchère ou dans le trop visuel , mais travaillant plus dans la subtilité. Ce sont clairement des nouvelles d’ambiance et elles se révèlent réussis tout en nous faisant réfléchir sur de nombreux sujets, souvent intimes, comme par exemple l’amitié, la famille, l’amour, ou encore la maternité et tout ce qu’elle occasionne comme changements dans une vie. Je regrette peut-être quelques personnages qui m’ont paru un peu trop froids et détachés, mais rien de non plus dérangeant. Le tout est par contre porté par une plume efficace, jouant facilement avec le lecteur pour mieux le surprendre et le happer. Je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur. On notera aussi la cohérence de la construction de ce recueil.

En Résumé : J’ai de nouveau passé un très bon moment de lecture avec ce nouveau recueil de nouvelles de Lisa Tuttle. Comme à son habitude elle nous offre des textes qui démarrent de façon très banales pour mieux flirter au fil des pages avec l’angoissant et l’effroyable, sans non plus tomber dans la surenchère. Mais surtout l’auteur n’oublie pas de nous offrir des récits qui font réfléchir le lecteur avec des thématiques soignées et bien amenées, souvent intimes et qui touchent n’importe quel lecteur. Alors c’est vrai, certaines nouvelles m’ont moins marqués que d’autres et certains personnages m’ont paru trop froid pour vraiment s’attacher à eux, mais rien de très bloquant tant l’ensemble se révèle efficace. La plume de l’auteur se révèle efficace, entrainante et soignée et je lirai sans soucis d’autres écrits.

 

Ma Note : 8/10

 

Autres avis : Vert, Lelf, Lune, Efelle, …

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Mes Achats du Mois de Février 2015

  1. C’est un superbe recueil. Y’en avait certaines que j’avais déjà lu ailleurs, mais j’ai adoré découvrir En Pièces Détachées.

  2. Il à l’air bien intéressant celui là ! 🙂

  3. Je n’ai toujours pas acheté ce recueil mais il me fait sacrément envie !

  4. Les premières nouvelles m’ont mise mal à l’aise et j’arrivais moins à être détachée que pour le recueil « Ainsi naissent les fantômes » et j’étais plutôt intriguée par les autres. La traduction est vraiment bonne, mais c’est vrai que je préfère la patte de Mélanie Fazi ; de manière totalement subjective, c’est parce que j’avais lu quelques uns de ses écrits avant de me plonger dans le recueil qu’elle a traduit.

    • Après pour moi les deux auteurs, Mélanie Fazi et Lisa Tuttle, n’ont pas obligatoirement le même « fantastique » ça joue surement sur la façon d’appréhender les textes.

  5. Je possède « Ainsi naissent les fantômes » mais je ne l’ai toujours pas lu.
    Les critiques lues sur cette auteure sont toujours extrêmement positives, il va falloir que je la découvre rapidement.

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