L’Île de Peter – Alex Nikolavitch

Résumé : « Tout bien considéré, vous avez eu de la chance dans votre malheur. Vous avez échoué sur cette île-ci, et pas sur celle où les enfants se transforment en ânes, ni celle où les marins deviennent des cochons. Y avez-vous pensé à ça, capitaine ? »
Qui est ce vieux marin qui traîne sa dégaine dans les rues de l’East Village à la recherche d’herbes médicinales très particulières et pourquoi Joab, le caïd du quartier, cherche-t-il sa piste dans des vapeurs narcotiques ?
Ce sont ces questions auxquelles devra répondre Wednesday, policière à New York, alors qu’elle se retrouve exilée sur une île tropicale étrange et pourtant familière…

Edition : Les Moutons Electriques

 

Mon avis : Avant de me lancer dans la lecture de ce petit livre, d’Alex Nikolavitch j’avais lu son roman, Eschatôn, qui proposait un récit de Space-Opera mélangé avec les mythes Lovecraftiens et qui m’avait offert un sympathique moment de lecture, mais dont, j’avoue, j’espérais peut-être un peu plus (ma chronique ici). Cette fois l’auteur décide de quitter Lovecraft pour revisiter, avec ce récit, le mythe de Peter Pan et dont, j’avoue, le résumé m’a paru assez intrigant pour que je me laisse facilement tenter. Concernant la couverture, illustrée par Melchior Ascaride, elle est superbe, je trouve, avec ce mélange entre monde réel et île fantastique.

Ce roman nous plonge ainsi dans une époque qui paraît contemporaine où un marin, qui semble perdu, part à la recherche d’herbes spécifiques. Joab, l’un des plus gros caïd de la ville, souhaite qu’il soit attrapé, car il a des réponses à obtenir. Wednesday, policière dont son chef a fait de Joab une obsession, cherche à arrêter le caïd. Ces trois personnages vont ainsi se retrouver au moment ou notre marin, qui est en fait le célèbre Mouche, fume ses herbes étranges ce qui les transporte tous sur une drôle d’île : l’île de Peter Pan. J’ai passé un agréable moment avec ce roman qui offre ainsi de nombreuses idées intéressantes, même si quelques aspects m’ont tout de même dérangé, me faisant penser que le récit aurait pu être encore meilleur. Déjà, contrairement à Moi, Peter Pan de Michael Roche que j’ai lu il y a peu et qui cherchait principalement a mettre en avant une poésie et des aspects philosophiques où chaque chapitre se révélait limite indépendant, Alex Nikolavitch construit son livre comme une histoire classique (introduction, développement, conclusion) sur lequel il vient greffer ses réflexions. On se retrouve ainsi dans une intrigue à voie multiple, où chaque personnage se lance alors dans sa propre quête, dans sa propre recherche de vérité, montant alors en tension au fil des pages et des révélations, pour aboutir à un final qui s’avère tendu et ne manque pas d’action et de rebondissements. Certes, le fil rouge dans sa construction est plutôt classique, mais il s’avère solide et remplit parfaitement son rôle, permettant ainsi à l’auteur d’offrir plus dans les aspects qui gravitent autour de son récit.

Le premier point intéressant de ce récit vient de l’univers que construit l’auteur. Alors bien entendu, pour peu que vous connaissiez Peter Pan, l’univers n’a rien de vraiment révolutionnaire avec son crocodile qui fait tic-tac, ses pirates, ses indiens, ses fées, etc … Non, l’intérêt vient plutôt de la façon dont l’auteur présente cette île « immortelle » qui a vécu tellement de vie qu’elle en est devenue aigrie, déphasée, souffrante, dont elle a peu à peu perdue sa beauté intérieure pour quelque-chose de plus sombre. Ainsi une tristesse et une mélancolie se dégage de ce monde au fil des pages, qui va progressivement laisser place à de sacré bouleversements que je vous laisse découvrir. Surtout, l’auteur vient ancrer son récit en offrant un background à des personnages comme Mouche ou Crochet, qui deviennent ainsi des pirates de l’époque de l’âge d’or de la piraterie, mais aussi à Peter Pan. Alex Nikolavitch propose à partir de là des idées très intéressantes sur le développement de l’île et ses mystère, et même si toutes n’ont pas toujours très bien fonctionné, mais j’y reviendrai, dans l’ensemble il arrive ainsi à densifier de façon un minimum intéressante cet univers déjà existant. L’aspect mystique et magique ne manque pas non plus d’attrait, avec ce mélange de féérie et de vaudou, même si je l’ai trouvé par moment un peu facile.

L’autre point intéressant vient des idées et des réflexions que nous propose l’auteur et qui s’avèrent riches et intrigante. En effet que ce soit dans la notion de jeunesse, de pouvoir, d’envie, mais aussi sur la notion de changement, ou bien encore sur les archétypes et la façon dont il se fige, l’auteur brasse de nombreux points qui ne manquent pas d’attrait au fil de la lecture. Il y a aussi un vrai travail sur la notion de choix et de liberté, où il faut parfois savoir tout « casser », avec tout ce que cela impose comme conséquence, pour mieux repartir, pour se relancer dans la vie. Il y a aussi un écho avec notre société, sur ce qu’elle impose, la façon dont elle joue sur notre construction, notre évolution, principalement à travers le personnage de Wednesday. D’ailleurs concernant les personnages, j’ai vraiment bien aimé le travail de l’auteur sur Mouche, qui sort vraiment de ce que l’on connait de lui pour nous offrir un héros attachant, à la fois manipulateur et blasé, qui cherche à s’extraire de ce qu’il est tout en sachant, qu’il est compliqué de changer, de sortir de son train-train habituel. Concernant les autres personnages de l’île ils ne sont, en soit, pas mauvais, s’avèrent plutôt solides, mais voilà ils m’ont paru finalement très classiques et ont parfois eu du mal à complètement me marquer. Pourtant l’auteur essaie bien d’offrir quelque-chose à Crochet et à Peter, mais voilà cela m’a paru déjà vu et aurait, je pense, mérité un travail plus complexe. Wednesday est intéressante à découvrir au début, mais va peu à peu devenir justement une accumulation d’archétype qui m’ont paru figer l’évolution de ce personnage. Concernant Joab il m’a laissé perplexe, il a du potentiel, mais il parait savoir tout sur tout, sans qu’on comprenne vraiment pourquoi, outre par l’explication qu’il ait un peu touché à la magie vaudou dans son enfance, ce qui m’a un peu bloqué.

Alors, malgré les qualités de ce livre et ses bonnes idées, j’ai pourtant eu l’impression que le roman perdait un peu de son intérêt dans la seconde partie. J’ai ainsi trouvé qu’après le récit sur le passé de Mouche l’histoire ne retrouvait pas complètement de ses qualités initiales pour peu à peu se révéler balisé voir même devenir linéaire dans sa construction. Cela ne veut pas dire que cette seconde partie est mauvaise, loin de là, elle possède même quelques fulgurances intéressantes, mais dans l’ensemble je l’ai trouvé moins entraînante, moins prenante, malgré, c’est vrai, un final assez explosif. J’ai ainsi eu l’impression que, pour un roman qui parle de briser les archétypes, finalement il n’y arrivait pas complètement dans cette seconde partie. J’ai aussi trouvé que certaines scènes étaient traitées un peu rapidement, voir même un peu facilement. Dans l’ensemble ce roman reste tout de même très plaisant à lire et à découvrir, se révélant assez court, entraînant et offrant quelques réflexions et aspects philosophiques qui ne manquent pas d’attrait. L’ensemble est porté par une plume entraînante, simple et efficace.

En Résumé : J’ai passé un sympathique moment de lecture avec ce court roman qui se situe dans l’univers et le mythe de Peter Pan. L’auteur nous propose ainsi un fil rouge, qui peut paraître classiques, mais propose de nombreuses idées intéressantes, même si dans l’ensemble certains aspects m’ont tout de même dérangé. L’univers est, certes, connu mais Alex Nikolavitch ne manque pas de le densifier en nous présentant ne île qui a « vieillie », qui est devenue sombre, mélancolique, qui a perdu sa beauté et son insouciance. Il vient aussi apporter un background intéressant à des personnages comme Mouche, Crochet ou encore Peter Pan, les rendant ainsi humain avant d’être des mythes. Le point fort du roman vient clairement des réflexions que sont proposées autour de l’intrigue, que ce soit sur la notion de changement, de liberté, d’archétype, de se retrouver figer dans un rôle que l’on connait par coeur, et d’autres encore on se retrouve ainsi à se questionner, même si parfois ça manque quand même de profondeur. Concernant les personnages j’ai beaucoup aimé le travail de l’auteur sur le héros, Mouche, qui ne manque pas de se révéler intéressant et un minimum touchant. Concernant les autres protagonistes, même s’ils ne sont pas mauvais, je suis plus mitigé, soit ils ont un côté je sais tout sans qu’on comprenne pourquoi, soit ils ont du mal à sortir de leurs côtés classiques, soit ils vont tomber dans les archétypes. Je regretterai aussi une seconde partie qui m’a paru un peu moins entrainante, ainsi que quelques passages un peu simplistes et faciles. Au final un roman qui, certes, a des défauts, mais s’est révélé tout de même plaisant à découvrir et à lire ben porté par une plume simple et efficace.

 

Ma Note : 7/10

 

Autres avis : Au Pays des Cave Trolls, Boudicca, Elhyandra, …

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  1. J’ai hésité à le prendre et puis j’ai renoncé. Ta critique me confirme que j’ai peut être bien fait de ne pas me lancer dans l’aventure.

  2. J’avais bien aimé ce petit roman. Surtout l’aspect mythologie.
    En autres avis, outre le mien, il y a celui de Boudicca (https://lebibliocosme.fr/2017/07/03/lile-de-peter/#more-27231) et d’Elhyandra (https://lemondedelhyandra.wordpress.com/2017/12/11/lile-de-peter-par-alex-nikolavitch/)

    • Oui il est sympa et se lit vite. Concernant l’aspect mythologique c’est vrai qu’il y a de bonnes idées.

      Merci pour les liens j’avais manqué de temps pour faire des recherches. Je les ai intégré.

  3. J’en garde un plutôt bon souvenir aussi, mais je suis d’accord avec les points négatifs que tu soulèves (merci pour le lien ^^)

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