Résumé : La sonnette retentit dans l’appartement d’une femme vivant seule avec un enfant. Ignorant qui se trouve derrière la porte, la femme, méfiante, décide de cacher son enfant dans la salle de bains avant d’aller ouvrir. Sur le perron se trouvent deux agents du gouvernement qui l’informent de leur mission :
la mise en application de la directive n° 359/13 exigeant l’installation de la peur dans chaque foyer. Faisant irruption violemment dans le salon, les deux visiteurs se lancent dans une inquiétante performance : tour à tour, ils haranguent la pauvre femme, dressant un tableau horrifique des maux de notre temps. Dans leur discours halluciné, tout y passe : crise, épidémies, catastrophes naturelles, misère sociale, guerre et torture, terrorisme… Ils agrémentent leur diatribe d’histoires effrayantes jouant sur les peurs primales de l’homme (peur de l’autre, de la maladie, de la folie…), qu’ils mettent en scène pour un effet d’épouvante maximum. Petit à petit, ils installent ainsi une violence sourde dans la pièce, entraînant la femme – et le lecteur – dans leur délire paranoïaque. Mission accomplie? Pas sûr. La peur a une vie propre, et ses ravages peuvent parfois se montrer inattendus…

Edition : Agullo

 

Mon Avis : J’avoue, je me suis laissé convaincre par ce livre un peu par hasard. Lors du dernier festival des Utopiales, j’ai découvert que ce roman était nominé aux Prix Européen des Utopiales 2017 (prix qu’il a finalement gagné quelques jours après), ce qui a eu le don de titiller ma curiosité vu que je n’en avais jamais entendu parler. Il faut aussi ajouter à cela un quatrième de couverture que je trouvais accrocheur, ce qui a fini de me convaincre et a fait que ce livre a alors rapidement fini dans ma PAL. Concernant la couverture, je la trouve sobre, même si là, j’avoue, j’ai du mal à voir le lien avec le roman.

Ce livre nous plonge ainsi dans le quotidien d’une femme qui va un jour voir arriver chez elle deux techniciens du gouvernement. En effet selon la dernière réforme mise en place, il est nécessaire d’installer la peur chez l’ensemble de la population sans exception. Après avoir monter leur installation les techniciens vont donc faire leur travail et apprendre à la cliente à avoir peur. Alors je dois bien admettre qu’une fois la dernière page tournée, j’ai été surpris par ce livre qui, finalement, se révélait différent de ce à quoi je m’attendais. On n’est ainsi clairement pas dans un roman dans son aspect romancé, cherchant à construire une intrigue et des personnages. On est plus dans un récit à message politique, un essai, voir un pamphlet d’un auteur qui s’aperçoit que con monde change et pas pour les bonnes raisons. Déjà je vais essayer de recontextualiser un peu l’aspect économique, politique et social lors de la sortie de ce livre. Il a été publié en version originale en 2012 par Rui Zink qui est un auteur Portugais. Le Portugal, comme la Grèce, a subi de plein fouet la crise économique de 2008, allant même jusqu’à un endettement proche de 100% de son PIB en 2010. En 2011, malgré de nombreuses années à chercher à s’en sortir par ses propres moyens et voyant ses taux d’emprunt s’envoler, le pays n’a d’autre choix que de demander de l’aide de l’Europe et du FMI avec tout ce que cela entraine comme bouleversements et austérité.

C’est donc clairement dans ce contexte de crise que l’auteur a décidé d’écrire ce « conte », cette satire politique et sociale pour essayer de montrer les changements que vont opérer les réformes obligatoires que vont connaitre ce Pays. Alors certes on est dans un monde Imaginaire, mais cela lui permet ainsi d’accentuer son message, car on sent bien qu’il parle du Portugal qu’il connait, qu’il aime et qu’il a peur de voir disparaitre. Autre point, malgré que ce roman s’appelle L’Installation de la Peur, il n’est pas franchement là pour nous effrayer ou plonger dans l’horreur dans le sens littérale, mais plus pour nous faire réagir face aux changements de notre société. Il ne cherche ainsi pas obligatoirement la peur qui frappe, mais plus celle insidieuse, oppressante qui doit nous ouvrir les yeux. Il cherche ainsi, à travers les différents contes qui sont présentés par les techniciens à nous faire réfléchir, à nous toucher, nous percuter. Par conséquent si vous cherchez plus un roman, une histoire avec des personnages construits et denses, plus qu’un texte politique il vaudra mieux alors passer votre chemin, vous risqueriez d’être déçu. Pour ma part j’ai passé un bon moment de lecture avec ce livre qui, certes, est loin d’être parfait, mais n’a pas manqué de me faire réfléchir et ne m’a pas laissé indifférent.

Sous la forme un peu théâtrale ou nos deux techniciens, tel des Laurel et Hardy, vont alors lancer leur spectacle bien rôdé où va alors être disséminé de nombreux messages sur les peurs de plus en plus accentués de notre société. Que ce soit la peur de l’autre, le rejet de l’étranger qui est le « mal absolu », la peur de la maladie, de la guerre ou bien encore de la vieillesse qui fait passer chacun d’entre nous comme improductif dans une société de plus en plus coincé dans les marchés, l’argent, les classes sociales et les chiffres. Rui Zink devient ainsi, à travers ce petit théâtre et ces personnages, le conteur qui cherche à nous ouvrir les yeux à nous forcer à tirer une morale de ce qu’il nous présente à force de parabole et de métaphores, le tout porté par une plume que j’ai trouvé fine et entraînante qui ne cherche jamais à s’imposer. L’ironie et le cynisme bien présent offre aussi un côté plus marquant au message qui est transmis.

Maintenant, comme je l’ai dit, ce roman n’est pas non plus parfait, car entre un démarrage prenant et une conclusion déroutante et percutante, l’entre-deux manque un peu de force, perd ce côté oppressant et captive moins. Je ne vais pas dire qu’on s’ennuie, mais l’accumulation de contes et de jeux rhétoriques commencent à faire de moins en moins mouche et on se lasse tout de même un peu. Heureusement comme je l’ai dit la conclusion nous réveille clairement, cherchant à prendre le lecteur à contre-pied, qui nous montre que la peur a différents visages, que parfois ce n’est pas celle que l’on croit ou qu’on nous montre partout, et qu’il ne faudrait pas l’oublier. Autre point, autant je pense qu’à sa sortie en VO en 2012 il se révélait très pertinent, autant aujourd’hui, même si sa pertinence et son mordant restent de mise, il a dans ses thématiques et ses idées tout de même un petit air de déjà-vu, voir parfois trop rabâchés même si, c’est vrai, parfois un rappel ne fait pas de mal. Je ne regrette pas ma lecture, car même si tout n’était pas parfait, dans l’ensemble j’ai trouvé que ce roman ne laissait pas indifférent, soulevant de nombreuses questions et offrant des nombreuses réflexions.

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce court livre qui n’est pas un roman à proprement parler, mais plus un conte, un pamphlet politique d’un auteur qui voit son pays changer. Il faut rappeler qu’au moment de la publication en VO de ce livre le Portugal, dont est originaire l’auteur, subit la crise de plein fouet, doit demander de l’aide à l’Europe et au FMI qui l’oblige à réformer. Ainsi à travers cette installation de la peur, l’auteur cherche à nous faire réfléchir sur ces changements, cette peur de l’autre, les marchés, la bourse, l’argent, les classes l’auteur devient le conteur qui cherche d’une certaine façon à nous ouvrir les yeux. Alors après tout n’est pas parfait, le milieu du récit perdant du côté percutant et déroutant de l’introduction et trainant un peu en longueur, faisant moins mouche, avant de se reprendre pour un final qui nous rappelle que la peur n’est pas toujours annoncées. J’ai aussi trouvé que ce conte, à sa sortie en 2012, devait plus marquer que maintenant ou ce genre de thématique est de plus en plus discuté. AU final une lecture intéressante, bien porté par une plume fine qui ne manque pas de cynisme et d’ironie ce qui accentue le message, ne cherchant jamais à s’imposer.

 

Ma Note : 7,5/10

 

Autres avis : Mr K, Le Chien Critique, …