moxylandRésumé : Le Cap, dans un futur proche.
Le monde virtuel a pris le pas sur le réel. Le téléphone portable, qui contient systématiquement les données personnelles de chaque citoyen, est un passeport obligatoire, sinon vital. Par ce biais que le contrôle de l’individu est devenu l’apanage de puissants groupes économiques pour lesquels la police sert de bras armé. L’apartheid, jadis axé sur la ségrégation raciale, a déplacé sa ligne de partage. Seuls ceux qui appartiennent au monde omnipotent de l’entreprise et se soumettent à ses règles ont leur place dans la société, les autres en sont exclus.

Edition : Presses de la Cité

 

Mon Avis : J’ai découvert la plume de Lauren Beukes il y a quelques années avec feu les éditions Eclipse (format de l’époque j’entend) qui publiait le roman Zoo City, offrant une histoire de science-fiction qui nous présentait une société sombre, complexe et offrant des personnages captivants (ma chronique ici). L’auteur m’a ensuite convaincue avec un récit, mélange de science-fiction et de thriller, Les Lumineuses (ma chronique ) qui se révélait efficace et haletant. C’est donc sans surprise que je me suis laissé facilement tenter par ce livre qui se révèle être le troisième édité en France, mais le tout premier publié par l’auteur. A noter la couverture, illustrée par Joey Hi-Fi, un peu dans le même style que celle de Zoo City et que je trouve très réussie.

Ce roman nous plonge dans une Afrique du Sud futuriste, où la technologie a pris encore plus d’importance dans la vie de chacun au point d’en devenir indispensable, ne pas être connecté signifiant ici ne pas exister, être marginalisé sans aucun accès. On va alors suivre quatre personnages dont le destin va s’entrecroiser dans ce monde au bord de l’explosion. On se retrouve ainsi plongé dans un univers qui décide de faire le croisement entre l’aspect totalement sécuritaire de 1984 et une petite nuance de Cyberpunk ce qui, j’avoue pour ma part, s’est révélé être un monde intéressant et complexe à découvrir. J’ai accroché à ce futur où la plus grande peur de chacun est de se retrouver déconnecté, ou l’Homme devient une marchandise et un objet commercial, où la surveillance à travers toutes ces nouvelles technologies trouve son paroxysme, où le contrôle de la population par la communication est accrue par toutes les nouvelles technologies et où les termes de vie privée et liberté devient rapidement flou. Certes parfois il tombe légèrement dans une caricature, voir par certains aspects parait un peu simpliste et aurai mérité plus de développement, mais il fonctionne bien, se révélant solide, efficace et ne laisse pas le lecteur indifférent soulevant son lot de réflexions. Comme par exemple sur les inégalités qui ne sont pas pour autant supprimées dans cette vision futuriste, elles se révèlent clairement exacerbées et de ce point de vue-là on sent que l’auteur arrive à faire passer un message. La grande force de l’univers se révèle finalement dans sa densité, que ce soit dans l’imaginaire de l’auteur sur toutes les nouvelles technologies, comme dans les nombreuses questions qu’elle soulève, surtout qu’elle ne tombe jamais vraiment dans des passages lourds ou ennuyeux.

C’est dans cette ville du Cap futuriste qu’on va découvrir quatre héros, quatre jeunes en pleine désillusions, blasés, immatures, cyniques, rebelles et égoïstes, n’ayant aucun grand projet que de vivre leurs vies du mieux qu’ils peuvent sans vraiment se soucier du reste. Un concentré de ce que produit ce monde de technologie ou l’humanité passe au second plan, où les gens fuient dans une virtualité tellement facile car maîtrisée. On suit ainsi au fil des pages une programmeuse informatique de génie et arrogante, un gosse de riche qui veut devenir la nouvelle star du stream, un jeune révolutionnaire qui cherche à faire bouger les choses et enfin une jeune artiste qui veut trouver son indépendance et qui, pour cela, décide d’offrir son corps devenant ainsi une pub humaine pour une marque de boisson.  Ce qui fascine dans ces personnages c’est que finalement on les comprend, ils sont clairement l’évolution de notre société, ce besoin de s’affirmer, d’être reconnu par de plus en plus de monde, d’être écouté, entendu et vu de tout, de faire quelque chose de marquant de sa vie. Voilà ce que sont, d’une certaine façon, chacun d’entre eux à une exception près. Alors certes on peut clairement ne pas les trouver attachants par moment, tant certaines de leurs réactions peuvent paraitre poussées à leur paroxysme dans leurs lâchetés, leurs faiblesses, mais d’une certaine façons on les comprend tout de même sauf quelques exceptions où, c’est vrai, on a quand même un peu envie de les baffer.L’exception vient d’un personnage dont je n’ai jamais réussi à vraiment ni m’accrocher, ni m’attacher, ce qui est vraiment dommage.

L’ensemble proposé se révèle ainsi, selon moi, efficace, nous proposant une plongée prenante et captivante, sans temps morts ou l’on alterne les points de vue, faisant monter cette tension, cette rébellion jusqu’à aboutir à une conclusion assez tendue et explosive. L’auteur arrive vraiment à faire tourner les pages de son lecteur en jouant de façon habile, et sans tomber non plus dans la frénésie d’action et de nervosité, avec les surprises, les rebondissements et surtout en jouant sur les interactions des personnages, ainsi que la critique qui s’en détache en toile de fond. On sent que les origines sud-africaines de Lauren Beukes joue dans le message qu’elle cherche à faire passer, sans non plus se révéler parasitaire ou tenter de s’imposer. Alors après, tout n’est pas non plus parfait dans ce roman, déjà on sent qu’il s’agit d’un premier roman, certes il est efficace, mais j’ai eu l’impression certains passages étaient mal gérés comme par exemple la conclusion qui accélérait trop par rapport au reste du récit et surtout me paraissait amené un peu trop rapidement. Ensuite vouloir mettre en avant quatre personnages est un projet ambitieux, car chacun d’entre eux doit posséder sa propre voix et j’avoue que par moment, principalement dans le dernier tiers du livre, l’auteur a du mal à maintenir cet état de fait tant on commence à avoir l’impression qu’ils se ressemblent de plus en plus tous, ce qui est tout de même frustrant. J’aurai aussi une remarque à faire concernant le lexique de mots d’argot mis en place à la fin, c’est une bonne idée, mais ici il n’apporte pas grand-chose et surtout parait utilisé par les personnages parfois de façon trop aléatoire.

La plume de l’auteur se révèle entrainante, efficace simple et percutante et on y constate clairement déjà ce qui m’a fait apprécier ces récits dans ses précédents romans que j’ai lu. Un premier roman qui se révèle sympathique, même si avec certains défauts et qui surtout pousse le lecteur à se poser de nombreuses questions que ce soit sur notre société comme l’importance de la technologie dans celle-ci. Il ne me reste plus qu’à me procurer le dernier roman publié par l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un agréable moment de lecture avec ce roman qui, certes possède quelques défauts, mais se révèle vraiment intéressant et propose de nombreuses réflexions. L’univers futuriste mis en avant dans ce récit est clairement dense, efficace et pose de nombreuses questions sur notre société et aussi sur l’importance de la technologie ou encore sur les inégalités, même si c’est vrai parfois traité de façon un peu simpliste. Les personnages ne manquent pas d’attraits, se révélant un pur produits de cette société se révélant désabusés, égoïstes, cyniques dont le seul but est de trouver une place. Alors certes parfois ils se révèlent parfois à baffer, mais on le comprends. Par contre gérer quatre personnages différents n’est pas facile et on s’en rend compte dans le dernier tiers ou l’auteur a du mal à leur faire garder leurs voix propres, ce qui est légèrement frustrant. On sent aussi qu’il s’agit d’un premier roman, certains aspects me paraissant légèrement mal géré , mais rien de non plus dérangeant. La plume de l’auteur se révèle entrainante, simple et efficace et m’a offert une histoire sympathique. Il ne me reste plus qu’à faire rentrer le dernier roman de l’auteur dans ma PAL.

 

Ma Note : 7/10

Autres avis : nymeria, gruz, Chiwi, …