Porcelaine, Légende du Tigre et de la Tisseuse – Estelle Faye

porcelaineRésumé : Chine, vers l’an 200.
Xiao Chen est un comédien errant, jeté sur les routes par un dieu vengeur. Un masque à forme humaine dissimule son faciès de tigre, tandis que son coeur est de porcelaine fêlée. Son voyage va durer plus de mille ans.
Au cours de son périple, il rencontrera Li Mei, une jeune tisseuse, la Belle qui verra en lui plus qu’une Bête. Celle qui, sans doute, saura lui rendre son coeur de chair. Cependant Brume de Rivière, fille-fée jalouse et manipulatrice, intrigue dans l’ombre contre leur bonheur.
Pendant presque quinze siècles, rivalités et amour s’entrecroisent, tisant une histoire de passion, de tendresse et de sacrifice, sur fond de magie et de théâtre.

Edition : Les Moutons Électriques

 

Mon Avis : Au moment de sa sortie ce livre m’intéressait fortement, déjà par son aspect conte chinois qui se révélait très tentant, mais aussi par sa couverture, illustrée par Amandine Labarre, que je trouve magnifique et tout en finesse. Pourtant j’ai bien failli ne jamais me lancer dans sa lecture, en effet les retours sur le roman jeunesse de l’auteur, La Dernière Lame, se révélaient plutôt mitigé et m’avait à l’époque bloqué. Vu que depuis plusieurs personnes m’ont plus que fortement conseillé de lire Porcelaine, et vu les différents retours, j’ai décidé de l’emprunter à la Marmotte pour ainsi me faire mon propre avis.

Finalement je suis bien content de m’être lancé dans la lecture de ce roman. L’auteur nous offre ici une histoire en trois actes qui reprend clairement le style des contes chinois. Dès les premières pages je me suis alors retrouvé emporté par la vie de Xiao Chen sur près de 15 siècles, même si le roman finalement ne se concentre que sur le 3ème et le 18ème. Une vie mouvementée pleine de surprises, de péripéties, d’aventures, d’émotion et d’art où il va passer de fils aimé et délaissé, à adolescent rejeté à la tête de Tigre pour finalement trouver sur les routes amis et amour. Et pourtant l’histoire en elle-même n’a rien de non plus révolutionnaire, et même se révèle assez linéaire, mais voilà ce roman a réussi, pas tant en révolutionnant le fond, mais en travaillant sur la forme, pour m’offrir quelque chose qui possède un je ne sais quoi de magique et de féérique. Pour peu qu’on s’intéresse aux contes, aux fées et aux mystères alors on se laisse totalement emporter par ce récit qui mélange de façon vraiment efficace et la réussite en vient justement à l’équilibre des genres, des mythes et des personnages que l’auteur met en place.

Concernant l’univers, ce n’est pas un secret, l’auteur nous plonge en Chine, mais dans une chine mouvante, médiévale, qui évolue en fonction des différents empereurs et des différents changements structurels qui se dessinent en toile de fond. La magie, les dieux et l’envoutement s’étiole au fil des siècles pour laisser place à l’humanité, au concret, au tangible et la Chine monte doucement en puissance. L’ensemble se révèle vraiment magnifique, à travers les descriptions de l’auteur pourtant courtes, arrivant à offrir une atmosphère, une ambiance et un paysage vivant, vibrant, sublime et éclatant. On a vraiment l’impression de se retrouver au milieu de ce pays en plein changement et on n’a pas du tout envie de la quitter. L’auteur offre aussi une réflexion vraiment intéressante sur l’art, et plus principalement sur le théâtre, qui est littéralement la vie de Xiao Chen lui offrant le souffle et le frisson dont il a besoin. L’auteur joue aussi sur les masques, ceux magiques qui transforment le héros en tigre, comme ceux humains face aux différents personnages que l’on peut être. Qui est vraiment Xiao? même lui le cherche. L’auteur nous fait aussi réfléchir sur les petites mains de Chine, ce travailleurs et travailleuses de l’ombre mis en avant par Li Mei la couturière, ou bien encore sur ce besoin d’immortalité qui n’apporte pas toujours ce que l’on souhaite.

Concernant les personnages j’avoue ils se révèlent vraiment saisissants et passionnants mais m’ont aussi, par moment, d’une certaine façon, un peu dérangé. Je m’explique. L’auteur arrive clairement à nous dessiner des héros qui se révèlent attachants, possédant des émotions et qui font des choix intéressants et cohérents avec l’histoire et l’évolution de leurs vies, mais parfois ils se révèlent tellement apathique, à accepter tout ce qui leur arrive sans jamais vraiment broncher qu’on a, de temps en temps, envie de les secouer. Oh rien de gênant, j’ai apprécié chacun des personnages principaux, ils m’ont touchés, mais voilà parfois c’était tout de même légèrement frustrants. Alors, après, je sais bien que je lisais une histoire basée sur les contes, que c’est un peu souvent le cas avec ce genre de personnages, que ça rentre dans leurs codes. Concernant les personnages secondaires ils ne manquent pas d’attraits non plus et se révèlent intéressants. L’auteur a décidé de limiter son nombre de protagonistes, ce qui est une bonne chose et évite de trop se disperser je trouve.

Alors, après il y a quand même quelques points qui m’ont légèrement dérangés. Je pense par exemple à la troisième partie dont j’ai trouvé qu’elle manquait un peu de rythme et tournait parfois, sur certains passages, en longueur. Rien de bloquant ou ennuyeux, juste une légère différence de tempo entre les deux premières parties beaucoup plus vives et vivantes par rapport à la dernière. Ce qui est marrant c’est que, par contradiction, une fois la dernière page tournée j’aurai aimé rester encore dans cet univers, surtout qu’il y a matière à le faire je pense. Ensuite je trouve aussi que certains passages se révèlent parfois légèrement confus. Enfin, concernant la fin je l’ai trouvée sympathique ; je sais que c’est un conte, mais voilà vu la façon dont la fin se présentait j’attendais peut-être autre chose qu’un happy-end. Que de petites remarques qui sont vite balayés tant j’ai finalement été emporté par ce roman du début à la fin.

Il faut aussi dire que la plume de l’auteur se révèle vraiment soignée, poétique et magique ; elle nous transporte véritablement dans cette histoire et m’a complètement touché. Finalement je trouve que Porcelaine porte bien son nom, offrant un fragile équilibre réussi, délicat, ensorcelant et tout en finesse, entre différents thèmes et qui dévoile toute sa beauté au fil des pages que le lecteur tourne avec grand plaisir. Amoureux des contes laissez-vous tenter vous ne devriez pas être déçu, les autres tentez votre chance et vous y trouver une très belle histoire dans un univers coloré et vivant. Je lirai sans soucis d’autres romans de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman présenté en forme de conte asiatique qui nous plonge dans le destin fascinant, à la fois tragique et émouvant, de Xiao Chen. L’histoire, en trois actes, se révèle entrainante, alternant de façon vraiment efficace aventures, magie et émotions pour le plus grand plaisir des lecteurs. L’univers, développé sur près de 15 siècles offre une vision d’une Chine changeante et pleine de surprises, où la magie s’efface peu à peu au profit du concret et des hommes. Les personnages sont vraiment attachants et entrainants, même si parfois je leur reproche d’être trop attentistes, ce qui donne envie de les secouer. Je regrette juste que la troisième partie manque un peu de rythme et se révèle un peu répétitive, mais par contradiction j’aurai aimé resté plus longtemps dans cet univers, surtout qu’il y a matière pour. Concernant la conclusion en forme de léger « Happy-end », elle se révèle sympathique, mais je l’aurai préféré plus mélancolique je pense. Rien de bien bloquant ou dérangeant de toute façon. Dans tous les cas la plume de l’auteur se révèle vraiment poétique, fluide et entrainante emportant le lecteur dans cette histoire pleine de féérie et de beauté. Je lirai sans soucis d’autres récits de l’auteur.

 

Ma Note : 8,5/10

 

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  1. Moi je me souviens avoir bloquer sur la grosse ellipse au milieu de l’histoire, mais sinon j’en garde un chouette souvenir aussi !

    • J’ai lu ta chronique après avoir écrit la mienne, j’avoue que moi ça ne m’a pas dérangé plus que cela même si comme je le dis il y a matière à développer plus.

  2. C’est vrai que ce livre porte très bien son nom, je n’avais jamais fait le rapprochement. ^^
    J’en garde en tout cas un très bon souvenir.

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