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Fiction n°19

fiction 19Edition : Les Indés de L’Imaginaire

 

 

 

 

 

Mon Avis : Après avoir sorti les Bifrost qui traînaient dans ma bibliothèque (et il en reste encore, ainsi que d’autres magazines), j’ai décidé aussi de découvrir la nouvelle formule de Fiction. J’ai donc rapidement fait rentrer dans ma PAL le n°18, mais aussi, il y a peu, le n°19. Comme je suis quelqu’un de logique j’ai donc, bien entendu, commencé par lire le dernier numéro, le n°19. Il faut dire que le sommaire me tentait vraiment avec deux entretiens croisés, un entre Anne Fakhouri & Ian McDonald et un autre entre Fabrice Colin & Serge Lehman, des articles ainsi que près de 200 pages de nouvelles. À noter la magnifique couverture illustrée par Aurélien Police que je trouve accrocheuse.

Le Bout du Chemin de Robert Silverberg : J’ai fais l’impasse sur cette nouvelle. Étant donné qu’elle est présente dans le recueil Dernières Nouvelles de Majipoor que je veux lire, j’ai donc préféré la découvrir à ce moment-là. D’ailleurs je trouve dommage qu’une nouvelle d’un recueil qui vient de sortir se retrouve dans le magazine même si j’en comprends le côté marketing.

Chienne de Robert Darvel : J’avoue, je n’ai pas accroché à cette nouvelle. J’en comprends bien le message que cherche à faire passer l’auteur, montrant l’évolution d’une société qui tend vers une sexualisation extrême, comme on a pu le voir avec Britney ou encore Miley, une transformation qui tendrait vers le néant et le vide d’une simple image éphémère. Problème, l’auteur le dit lui-même le puritain l’indiffère et a de la tendresse pour l’explicite, il cherche donc à secouer le lecteur, à pourquoi pas le choquer par des scènes crues et c’est là que le texte n’a pas marché avec moi, car il ne m’a ni choqué ni même fait vibrer. Par conséquent le message en perd de son intérêt, a eu du mal à passer et je n’y ai vu plus qu’une simple débauche qui m’a laissé indifférent. Au final, pour apprécier ce texte, je pense que tout va dépendre comment le lecteur se positionne vis-à-vis du ton utilisé.

Avec le Temps de Kate Wilhelm : Cette nouvelle est la plus longue du recueil et je l’ai trouvé agréable et plutôt sympathique. Elle nous plonge auprès d’une équipe de journaliste menant une enquête sur une famille recluse, qui a bâti sa fortune sur des intuitions un peu trop parfaites. L’intrigue se révèle intéressante, bien mené avec des rebondissements et des retournements de situations efficaces et maîtrisés, même si globalement l’histoire reste tout de même assez linéaire. Le récit possède pas mal d’idées originales, comme cette narcolepsie bien particulière, ou cette folie qui vient toucher cette famille. Mais voilà selon moi cette histoire mériterait d’être plus développé, pourquoi pas dans un roman, ce qui permettrait d’éviter certains raccourcis facile, certains aspects un peu trop simpliste, mais aussi offrir des personnages un peu plus consistants, car il est parfois difficile de comprendre les choix ou l’acharnement de certains.

Adjudication Positive de James Morrow : Cette nouvelle nous emmène aux côtés dans une patrouille intergalactique de la vertu, venue corriger une anomalie aux États-Unis, en pleine période esclavagiste des années 1800. Rien ne va se passer comme prévu. J’ai trouvé le texte vraiment divertissant, satirique et ironique par le parallèle entre ce peuple alien vertueux et une humanité qui est loin de toujours l’être avec nombreuses failles, ce qui amène des dialogues plutôt cocasses le tout porté par un style assez efficace. Un texte qui ne cherche qu’à divertir et qui remplit son rôle de façon efficace même si, finalement, il rentre dans les vite lu, vite oublié.

Code 666 de Michael Reaves : Cette nouvelle nous propose une histoire fantastique où un chauffeur d’ambulance va voir sa vie chamboulée après avoir été percutée par un chauffard ivre. Un texte qui trait de la mort, de fantômes et de la vie après la mort, faisant monter doucement la tension au fil des pages, le tout agrémenté de quelques frissons, malgré parfois des passages un peu confus. Un texte que j’ai trouvé au final très sympathique bien porté par une plume efficace, même si la conclusion m’a parue un peu convenue et un peu trop rapide malgré quelques bonnes idées.

Petites Villes de Felicity Shoulders : Cette nouvelle nous fait découvrir le destin de deux personnages : une jeune fille ne mesurant qu’une vingtaine de centimètres, née après la fin de la seconde guerre mondiale et qui ne peut vivre sa vie, cachée par sa mère pour la protéger d’un monde qui a prendrait pour un monstre ; ainsi que celui d’un fabricant de jouet qui cherche sa place dans un monde moderne et en pleine évolution, le tout sous forme de conte. Le monde que nous dévoile l’auteur se révèle vraiment captivant et d’une certaine façon féérique et bien retranscrit par des descriptions efficaces. L’histoire se laisse lire facilement, un peu comme un bonbon doux qu’on savoure. Je regrette juste que les personnages manquent de profondeur et que certains aspects, qui auraient pu densifier l’histoire, restent à l’état d’ébauche.

Et in Arcadia ego de Estelle Faye : Je n’avais encore jamais lu une de ses nouvelles et je dois dire que je ressors encore une fois conquis. L’auteur possède toujours cette plume vivante et magnifique qui fait qu’on se retrouve emporté dans son univers magique. L’histoire qu’elle nous raconte ici c’est le récit d’un jeune homme, perdu au milieu d’une guerre qu’il ne comprend pas, ancien joueur de MMORPG qui va se reconnecter à son jeu et y retrouver un but et la beauté d’un monde inconnu. On retrouve ici un véritable appel au voyage, à la liberté et à l’imagination où chacun tente, à travers son imagination à rêver et rendre sa vie un peu meilleure. Un texte touchant et efficace même si la fin est facilement devinable. En tout cas Estelle Faye prouve qu’elle est une des plumes de l’imaginaire français qui monte et dont je lirai d’autres textes avec grand plaisir.

Lun’ D’Argent de Steven Utley : Cette nouvelle nous propose de mélanger passé et futur grâce à la possibilité de voyager dans le temps. Un scientifique, qui croit aux extra-terrestre, décide donc de se payer un voyage avec sa fortune pour découvrir l’ère Paléozoïque. Un texte où les personnages se révèlent vraiment intéressants, avec leurs failles, leurs forces, ainsi que les combats qu’il mène envers eux-mêmes et face aux autres mais qui surtout se révèlent attachants. L’auteur ouvre aussi à la réflexion avec  question de l’influence de races aliens dans l’évolution de l’homme par ce scientifique marginal, mais qui pourtant possède de solide théories, face au rejet de sa profession devant ce qu’ils considèrent comme un rêve de gosse. J’ai, par contre, trouvé la fin trop abrupte, certes elle ouvre sur l’espoir et le soutien, mais ne répond finalement qu’à peu de questions, comme si l’auteur avait prévu d’écrire une suite.

La Tête aux Souhaits de Jeffrey Ford : Ce texte nous plonge au milieu d’une Amérique des années 30, on suite un coroner appelé pour examiner le corps d’une femme flottant dans une rivière, un étrange sourire aux lèvres. L’univers développé par l’auteur se révèle vraiment vivant, vibrant et efficace, ajoutant une certaine tension à l’ensemble. Le personnage se révèle vraiment dense et riche, ancien militaire, revenu de la première guerre mondiale un pied en moins, une prothèse en porcelaine et hanté par des douleurs fantômes, qui tente d’avancer et de survivre. Le tout est mâtiné d’un folklore assez troublant, original et convaincant qui rappelle que parfois tous les souhaits ne sont pas bons à faire. Une nouvelle réussie selon moi.

Il y eut un Soir, Il y eut un Matin de Sonia Quémener : J’avoue que je ressors de cette nouvelle avec un sentiment plus que mitigé, je pense que l’auteur a voulu trop en faire mélangeant trop d’idées et de concepts, rendant l’ensemble de son texte brouillon. On suit ici une famille qui décide d’aller vivre dans un univers figé au quatrième jour de la création, car oui les premières explorations temporelles ont montré que l’univers a finalement été crée de façon biblique. L’auteur nous propose ici clairement un texte acerbe sur la surutilisation de la technologie, la science, la religion et aussi sur les différents contrats qu’un homme peut signer avec ses nombreuses clauses et chartes souvent traitres. Le soucis c’est que l’auteur essaie de mettre trop de chose à mon goût oscillant entre le texte de SF divertissant, tout en y ajoutant un peu de folie et aussi un peu de hard science avec du Planck et de la théorie des cordes. De plus, pour vraiment rentrer dans le texte faut accepter que l’auteur jette aux orties la théorie de l’évolution comme ça. Au final un texte que j’ai trouvé désordonné avec des personnages un peu stéréotypés par moments ainsi que certaines révélations convenues, mais qui m’a tout de même fait sourire par moment.

 

Concernant le reste du magazine, il se révèle efficace et passionnant avec deux interviews croisés, une entre Anne Fakhouri & Ian McDonald sur l’Irlande, la magie, la littérature ou encore le rock et une, peut-être plus classique, entre Fabrice Colin & Serge Lehman, sur le processus de création ou encore la dépression. Les articles de fond ne manquent pas d’attrait se révélant soignés et documentés avec en sujet le gulf-futurism, l’hyper espace et le temps détourné. De L’autre Côté du Miroir propose plusieurs photographies que j’ai trouvé réussies de plusieurs héros tournés un peu Steampunk. Par contre je n’ai pas vraiment accroché aux différents strip de BD qui parsèment le magazine, ce n’est pas mon truc je pense. Au final un magazine que je trouve réussi, aussi bien sur le fond que sur la forme, et qui propose des nouvelles, certes pas toutes aux mêmes niveaux, avec du bon et du moins bon, mais qui, dans l’ensemble, se laissent lire et se révèlent plaisantes.

Ma Note : 7/10 (Note ne reposant que sur les nouvelles)

Un Eclat de Givre – Estelle Faye

un eclat de givreRésumé : Un siècle après l’Apocalypse. La Terre est un désert stérile, où seules quelques capitales ont survécu. Dont Paris.
Paris devenue ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Ville-sortilège où des hybrides sirènes nagent dans la piscine Molitor, où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent et où, par les étés de canicule, résonne le chant des grillons morts. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille les histoires d’amour foireuses, et les jobs plus ou moins légaux, pour boucler des fins de mois difficiles.
Aussi, quand un beau gosse aux yeux fauves lui propose une mission bien payée, il accepte sans trop de difficultés. Sans se douter que cette quête va l’entraîner plus loin qu’il n’est jamais allé, et lier son sort à celui de la ville, bien plus qu’il ne l’aurait cru.

Edition : Les Moutons Electrique

 

Mon Avis : Il y a quelques jours je terminais Porcelaine d’Estelle Faye, roman qui m’a fait passer un excellent moment de lecture, le tout porté par une plume que je trouvais clairement intéressante et poétique (ma chronique ici). Donc quand j’ai vu que le nouveau livre de l’auteur était disponible en avant-première aux Imaginales j’ai été rapidement tenté de le faire entrer dans ma PAL, surtout que la couverture, illustrée par Aurélien Police, est sublime. Il faut aussi ajouter à cela un quatrième de couverture qui se révélait intrigant et accrocheur, allant à l’opposé de ce que proposait Porcelaine, puisque ce roman est plus un roman de SF post-apocalyptique, et qui a fini de me convaincre.

Et j’avoue, je ressors en étant agréablement surprise de ma lecture. Alors certes, l’histoire en soi n’a rien de grandement révolutionnaire avec son héros solitaire qui oscille entre la légalité et l’illégalité pour tenter de survivre et gagner sa vie, qui se retrouve au milieu d’une mission qui va le dépasser, mais elle se révèle vraiment solide. En effet l’auteur nous offre une intrigue qui se révèle clairement entrainante et haletante, le tout sans temps mort, tout en gardant un aspect descriptif qui est très intéressant. On se laisse alors happer par les aventures et, surtout, les mésaventures, que va rencontrer Chet, le héros. Chaque chapitre apporte ainsi sont lot de rebondissements et de surprises qui font que le lecteur tourne les pages facilement pour essayer d’en apprendre plus sur cette mission qui, pourtant démarrait simplement, mais se révèle être finalement un complot beaucoup plus complexe qui pourrait menacer la ville entière. Dans l’ensemble une intrigue efficace et agréable.

Mais voilà, là où l’auteur arrive à faire passer un palier à son récit et le rendre plus fascinant c’est déjà, premièrement, par l’univers qu’elle développe. En effet le Paris post-apo qu’elle nous dévoile au fil des pages se révèle absolument fascinant et enchanteur par son mixe de technologie et de nature. Mélange de beauté et d’aspect sauvage, on découvre un monde qui, à force de pomper toutes les énergies, a connu la guerre et les populations ont dû alors se regrouper dans des capitales de plus en plus surpeuplées. Des villes qui d’ailleurs redécouvrent, d’une certaine façon, le partage même si les clans sont toujours présents. Chaque quartier se révèle alors avoir sa propre particularité, sa propre féérie, sa propre magie et j’avoue avoir été emporté dès les premiers instants du récit par ce monde, palpable, qui ne demande qu’à être découvert. Attention tout n’est pas non plus roses, Paris possède aussi ses zones d’ombres, ses galeries des monstres, à la fois attirants et effrayants. Un mélange clair-obscur qui se marie de façon captivante avec les quartiers justement utilisés par l’auteur. Une véritable fascination pour Paris qui en devient une ville magique qui colle parfaitement à l’histoire.

L’auteur nous dévoile aussi, comme dans Porcelaine, sa passion pour l’art et, après avoir découvert le monde du théâtre chinois, ici elle amène le lecteur à découvrir le monde du jazz et des cabarets. Un milieu à la fois lumineux, de strass et de paillette, libre, mais qui possède aussi ses mauvais côtés. Mais surtout on y trouve une musicalité qui se ressent à l’oreille, que l’auteur nous partage à travers ses mots, et qui se révèle vibrante pour peu qu’on apprécie un minimum le jazz. Autres aspect récurrent ce sont les contes, certes beaucoup moins présent que dans son précédent roman, mais à travers des clins d’œil et des petites histoires on y retrouve un peu cette magie du conte. Au final un univers à la fois sombre et flamboyant qui donne envie.

Autre point fort c’est le travail de l’auteur sur les personnages, ou plus principalement sur Chet, héros ambigu, bisexuel qui chante déguisé en fille et qui offre une véritable réflexion sur la sexualité et la liberté surtout en ce moment. Son côté un  peu androgyne lui offre ainsi une palette très vaste et intéressante à découvrir. Un personnage à la fois attachant et fascinant que ce soit aussi bien à travers ses forces comme ses failles, sa sensibilité et qui par son charisme, sa différence, sa timidité et son côté solitaire ne manque pas d’intérêt et se révèle nettement accrocheur. Un héros à la fois séduisant et prenant, même s’il tombe quand même légèrement dans le syndrome que j’appelle « super-héros » qui fait qu’il continue toujours à se relever et à se battre malgré tous les coups et toutes les blessures qu’il encaisse. Le problème vient que, d’avoir un tel personnage, complexe et riche, cela donne un peu l’impression que les autres protagonistes qui gravitent autour sont un peu moins travaillés, voir même certains ne servent qu’à véhiculer des indices. Cela ne dérange en rien la lecture ou l’immersion dans le récit, mais je trouve parfois cela frustrant de manquer d’informations sur certains personnages secondaires, surtout quand ils paraissent posséder un certain potentiel.

Je trouve juste légèrement dommage, selon moi, une certaine baisse de régime vers le milieu du livre, dû un peu à une répétition d’une fuite en avant du héros devant l’ampleur de sa mission. Certes cela permet aussi de souffler un peu, mais je l’ai trouvé légèrement trop longue. Ensuite, je reproche aussi l’auteur d’amener certaines révélations ou encore certains aspects futuristes de façon un peu trop brusque, comme si cela devait être logique pour le lecteur alors que ça ne l’est pas obligatoirement. Je pense par exemple aux enfants qui apparaissent un peu comme par magie pour débloquer une situation qui paraissait amener à une impasse. Dans l’ensemble ce ne sont que de petits points qui ne dérangent en rien la qualité du récit, mais qui se révèlent parfois légèrement frustrants.

La plume de l’auteur se révèle franchement entrainante et possède surtout une certaine poésie, une certaine mélancolie, une certaine magie qui lui permet clairement de se différencier des romans post-apo plus énergiques, tout en conservant une certaine dose d’action. Elle a de nouveau réussi à me toucher à travers son univers qui est superbe et son personnage principal qui se révèle attachant et humain. Au final je ne suis pas déçu de ma lecture, un roman complètement différent de ce que propose Porcelaine, mais qui se révèle réussi et efficace. Je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec le nouveau roman d’Estelle Faye. Certes l’histoire en soi se révèle classique dans son intrigue et sa façon de se dérouler, mais ça ne l’empêche pas d’être solide et intéressante. Mais là où l’auteur a clairement réussi à m’emporter c’est par son univers, à la fois par la construction clanique de la ville de Paris ainsi que ses descriptions, mais aussi par sa plongée dans le monde artistique et du Jazz ou encore dans son univers post-apocalyptique sombre, sauvage et aussi lumineux et poétique. Le personnage de Chet, à la fois ambigu et charismatique, se révèle extrêmement attachant à travers ses forces et ses faiblesses, mais éclipse un peu les autres personnages, ce qui est parfois un peu dommage tant certains ont du potentiel. Je regrette juste une petite baisse de régime vers le milieu du livre, ainsi que certains éléments qui m’ont paru parfois mal amenés, mais franchement rien de gênant tant l’œuvre globale possède une certaine magie. J’ai de nouveau été emporté par la plume de l’auteur toujours aussi entrainante, mélancolique et soignée qui m’a facilement happée. Au final un roman complètement différent de Porcelaine, plus sombre aussi, mais intéressant. Je lirai sans soucis d’autres récits de l’auteur.

 

Ma Note : 8/10

Porcelaine, Légende du Tigre et de la Tisseuse – Estelle Faye

porcelaineRésumé : Chine, vers l’an 200.
Xiao Chen est un comédien errant, jeté sur les routes par un dieu vengeur. Un masque à forme humaine dissimule son faciès de tigre, tandis que son coeur est de porcelaine fêlée. Son voyage va durer plus de mille ans.
Au cours de son périple, il rencontrera Li Mei, une jeune tisseuse, la Belle qui verra en lui plus qu’une Bête. Celle qui, sans doute, saura lui rendre son coeur de chair. Cependant Brume de Rivière, fille-fée jalouse et manipulatrice, intrigue dans l’ombre contre leur bonheur.
Pendant presque quinze siècles, rivalités et amour s’entrecroisent, tisant une histoire de passion, de tendresse et de sacrifice, sur fond de magie et de théâtre.

Edition : Les Moutons Électriques

 

Mon Avis : Au moment de sa sortie ce livre m’intéressait fortement, déjà par son aspect conte chinois qui se révélait très tentant, mais aussi par sa couverture, illustrée par Amandine Labarre, que je trouve magnifique et tout en finesse. Pourtant j’ai bien failli ne jamais me lancer dans sa lecture, en effet les retours sur le roman jeunesse de l’auteur, La Dernière Lame, se révélaient plutôt mitigé et m’avait à l’époque bloqué. Vu que depuis plusieurs personnes m’ont plus que fortement conseillé de lire Porcelaine, et vu les différents retours, j’ai décidé de l’emprunter à la Marmotte pour ainsi me faire mon propre avis.

Finalement je suis bien content de m’être lancé dans la lecture de ce roman. L’auteur nous offre ici une histoire en trois actes qui reprend clairement le style des contes chinois. Dès les premières pages je me suis alors retrouvé emporté par la vie de Xiao Chen sur près de 15 siècles, même si le roman finalement ne se concentre que sur le 3ème et le 18ème. Une vie mouvementée pleine de surprises, de péripéties, d’aventures, d’émotion et d’art où il va passer de fils aimé et délaissé, à adolescent rejeté à la tête de Tigre pour finalement trouver sur les routes amis et amour. Et pourtant l’histoire en elle-même n’a rien de non plus révolutionnaire, et même se révèle assez linéaire, mais voilà ce roman a réussi, pas tant en révolutionnant le fond, mais en travaillant sur la forme, pour m’offrir quelque chose qui possède un je ne sais quoi de magique et de féérique. Pour peu qu’on s’intéresse aux contes, aux fées et aux mystères alors on se laisse totalement emporter par ce récit qui mélange de façon vraiment efficace et la réussite en vient justement à l’équilibre des genres, des mythes et des personnages que l’auteur met en place.

Concernant l’univers, ce n’est pas un secret, l’auteur nous plonge en Chine, mais dans une chine mouvante, médiévale, qui évolue en fonction des différents empereurs et des différents changements structurels qui se dessinent en toile de fond. La magie, les dieux et l’envoutement s’étiole au fil des siècles pour laisser place à l’humanité, au concret, au tangible et la Chine monte doucement en puissance. L’ensemble se révèle vraiment magnifique, à travers les descriptions de l’auteur pourtant courtes, arrivant à offrir une atmosphère, une ambiance et un paysage vivant, vibrant, sublime et éclatant. On a vraiment l’impression de se retrouver au milieu de ce pays en plein changement et on n’a pas du tout envie de la quitter. L’auteur offre aussi une réflexion vraiment intéressante sur l’art, et plus principalement sur le théâtre, qui est littéralement la vie de Xiao Chen lui offrant le souffle et le frisson dont il a besoin. L’auteur joue aussi sur les masques, ceux magiques qui transforment le héros en tigre, comme ceux humains face aux différents personnages que l’on peut être. Qui est vraiment Xiao? même lui le cherche. L’auteur nous fait aussi réfléchir sur les petites mains de Chine, ce travailleurs et travailleuses de l’ombre mis en avant par Li Mei la couturière, ou bien encore sur ce besoin d’immortalité qui n’apporte pas toujours ce que l’on souhaite.

Concernant les personnages j’avoue ils se révèlent vraiment saisissants et passionnants mais m’ont aussi, par moment, d’une certaine façon, un peu dérangé. Je m’explique. L’auteur arrive clairement à nous dessiner des héros qui se révèlent attachants, possédant des émotions et qui font des choix intéressants et cohérents avec l’histoire et l’évolution de leurs vies, mais parfois ils se révèlent tellement apathique, à accepter tout ce qui leur arrive sans jamais vraiment broncher qu’on a, de temps en temps, envie de les secouer. Oh rien de gênant, j’ai apprécié chacun des personnages principaux, ils m’ont touchés, mais voilà parfois c’était tout de même légèrement frustrants. Alors, après, je sais bien que je lisais une histoire basée sur les contes, que c’est un peu souvent le cas avec ce genre de personnages, que ça rentre dans leurs codes. Concernant les personnages secondaires ils ne manquent pas d’attraits non plus et se révèlent intéressants. L’auteur a décidé de limiter son nombre de protagonistes, ce qui est une bonne chose et évite de trop se disperser je trouve.

Alors, après il y a quand même quelques points qui m’ont légèrement dérangés. Je pense par exemple à la troisième partie dont j’ai trouvé qu’elle manquait un peu de rythme et tournait parfois, sur certains passages, en longueur. Rien de bloquant ou ennuyeux, juste une légère différence de tempo entre les deux premières parties beaucoup plus vives et vivantes par rapport à la dernière. Ce qui est marrant c’est que, par contradiction, une fois la dernière page tournée j’aurai aimé rester encore dans cet univers, surtout qu’il y a matière à le faire je pense. Ensuite je trouve aussi que certains passages se révèlent parfois légèrement confus. Enfin, concernant la fin je l’ai trouvée sympathique ; je sais que c’est un conte, mais voilà vu la façon dont la fin se présentait j’attendais peut-être autre chose qu’un happy-end. Que de petites remarques qui sont vite balayés tant j’ai finalement été emporté par ce roman du début à la fin.

Il faut aussi dire que la plume de l’auteur se révèle vraiment soignée, poétique et magique ; elle nous transporte véritablement dans cette histoire et m’a complètement touché. Finalement je trouve que Porcelaine porte bien son nom, offrant un fragile équilibre réussi, délicat, ensorcelant et tout en finesse, entre différents thèmes et qui dévoile toute sa beauté au fil des pages que le lecteur tourne avec grand plaisir. Amoureux des contes laissez-vous tenter vous ne devriez pas être déçu, les autres tentez votre chance et vous y trouver une très belle histoire dans un univers coloré et vivant. Je lirai sans soucis d’autres romans de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman présenté en forme de conte asiatique qui nous plonge dans le destin fascinant, à la fois tragique et émouvant, de Xiao Chen. L’histoire, en trois actes, se révèle entrainante, alternant de façon vraiment efficace aventures, magie et émotions pour le plus grand plaisir des lecteurs. L’univers, développé sur près de 15 siècles offre une vision d’une Chine changeante et pleine de surprises, où la magie s’efface peu à peu au profit du concret et des hommes. Les personnages sont vraiment attachants et entrainants, même si parfois je leur reproche d’être trop attentistes, ce qui donne envie de les secouer. Je regrette juste que la troisième partie manque un peu de rythme et se révèle un peu répétitive, mais par contradiction j’aurai aimé resté plus longtemps dans cet univers, surtout qu’il y a matière pour. Concernant la conclusion en forme de léger « Happy-end », elle se révèle sympathique, mais je l’aurai préféré plus mélancolique je pense. Rien de bien bloquant ou dérangeant de toute façon. Dans tous les cas la plume de l’auteur se révèle vraiment poétique, fluide et entrainante emportant le lecteur dans cette histoire pleine de féérie et de beauté. Je lirai sans soucis d’autres récits de l’auteur.

 

Ma Note : 8,5/10

 

Autres avis : Anassete, Cornwall, Vert, Minidou, joyeux-drille, sylphe, etc…

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