poupée aux yeux mortsRésumé : Le temps est censé passer moins vite à bord des nefs voyageant à une vitesse proche de celle de la lumière. Pourtant, Kerl n’est plus qu’un vieillard à son retour de la planète Dzêta Bootis, tandis que Sue, demeurée sur Terre, n’a pas pris une ride en cinquante ans.
Ce paradoxe n’est que le premier d’une longue série d’événements en contradiction avec la théorie de la Rationalité. Qui est le fouinain, cet oracle extraterrestre improbable que l’on dirait tout droit sorti d’un dessin animé ? Pourquoi l’austère Merteuil Filvini poursuit Kerl de son impitoyable vindicte ? Que sont devenus les Programmeurs sauvages qui écumaient les supérettes durant la cruelle Ère néopure ?

Edition : Les Moutons Électriques

 

Mon Avis : Roland C Wagner fait partie de ces auteurs qui ont marqué la littérature de Science-Fiction française. Depuis que je tiens ce blog je n’ai pourtant chroniqué que son ultime roman, Rêves de Gloire, que j’avais adoré nous proposant une uchronie des plus fascinantes (ma chronique ici). Les Moutons Électriques ayant décidé de republier certaines de ses œuvres dans une magnifique édition reliée, il ne m’a donc pas fallu longtemps avant de faire rentrer ce livre dans ma PAL. À noter la couverture, illustrée par Caza, que je trouve superbe par son côté sobre et pourtant très SF.

Ce roman nous fait découvrir Kerl, naute, qui a voyagé dans l’espace mais qui, suite à un incident, n’a pas bénéficié du ralentissement du temps lors de son voyage proche de la lumière. Il décide, chose insensée, de retrouver la femme qu’il aime. Il apprend alors qu’elle est toujours en vie, qu’elle n’a pas vieillie et que surtout elle a été conditionnée et se retrouve prostituer. Il va alors tout faire pour la récupérer. On pourrait considérer ce récit comme une simple histoire sentimentale d’un amour perdu, mais il va finalement se révéler bien plus que cela, oscillant alors entre roman d’aventures, roman politique et science-fiction flamboyante. On se retrouve avec un roman dense et plus complexe qu’on pourrait le croire. Malgré un démarrage peut-être un peu lent, on est assez rapidement happé tant l’ensemble se révèle énergique, sans temps morts, explosif, avec son lot de surprises, d’humour et de rebondissements, nous plongeant en plein milieu d’une menace qui devrait complètement bouleverser l’univers tel qu’on le connait. Plus on avance dans le récit et plus on a l’impression que cela part dans tous les sens, mais le tout de façon maîtrisé, sans jamais nous perdre. Certes il y a un côté barré, mais il se révèle cohérent et colle finalement parfaitement à l’univers que nous propose l’auteur.

L’univers qui est développé tout au long du récit ne manque pas d’interpeller et de surprendre. Certes tout n’est pas non plus parfait, tant l’auteur cherche à nous offrir de nombreuses références et à nous faire découvrir de nombreux personnages, mais dans l’ensemble il se révèle abouti et ne manque pas d’attrait. Un univers futuriste qui n’a surtout pas l’air d’avoir perdu sa cohérence tant certains aspects politiques restent encore plausibles comme cette montée au pouvoir des néopurs ou bien encore ce besoin de se replonger dans un passé souvent magnifié et fantasmé. Cette société qui donne l’impression de ne plus avancer tant elle se fige dans des règles. Une histoire qui ne nous laisse donc pas indifférent et qui nous fait réfléchir comme par exemple sur la violence, même si parfois de façon un peu trop facile. D’ailleurs c’est la grande force du récit, nous présenter cette perturbation qui va redistribuer les cartes, tout en restant cohérent et efficace, relançant ainsi complètement l’intrigue. Alors après, j’avoue, j’aurai aimé en savoir plus sur certains aspects comme par exemple les matraqueurs dont on ne sait que peu de choses. Au final un univers qui donne envie d’être découvert et d’en apprendre plus, avec un bon son rock qui offre un plus à l’ensemble.

Mais finalement ce livre s’avère être aussi une ode à la science-fiction, une définition de  genre passant par plusieurs de sess états. La postface est d’ailleurs là pour nous permettre de mieux comprendre, car oui ce roman finalement offre de nombreuses variations de ce que peut bien composer la SF, allant d’un univers normé et scientifique pour plonger peu à peu dans l’improbable voir l’impossible redéfinissant les règles du jeu, tout en nous offrant une dystopie et le tout mâtiné légèrement de Space-Opera. L’auteur s’amuse clairement avec les différents genres sans jamais s’embrouiller ni tomber dans l’absurde et cela pour le plus grand plaisir du lecteur.

La palette de personnages qui nous sont présentés se révèle vraiment vivante, entrainante et surtout, je trouve, attachante. Comment ne pas s’accrocher à Kerl dans sa quête impossible d’un amour qu’il a fui par peur d’un futur et par idéologie, se retrouvant coincé dans un schéma qu’il ne comprend pas et qui pourtant va tout faire pour s’en sortir, ou bien encore Sue coincé dans son conditionnement, qui a tout oublié ou encore le Fouinin personnage excentrique, type héros de dessin animé, oracle obscur qui offre ses indices goutte à goutte. Même les protagonistes plus sombres possèdent une certaine ambiguïté et une certaine profondeur qui les rend intéressants. Mon seul regret vient finalement du héros principal, Kerl, ou plutôt de son âge. Il est présenté comme ayant plus de 70  ans et franchement c’est difficile à croire devant tout ce qu’il arrive à faire, même aidé par des implants. Mais rien de non plus gênant ou bloquant.

Après tout n’est pas non plus parfait dans ce roman, il s’agit d’un des premiers roman de l’auteur et parfois ça se sent un peu dans certains artifices pour garder accroché le lecteur qui manquent un peu de finesse. Ensuite vers les deux tiers du récit un certain essoufflement se fait ressentir, multipliant les rebondissements pour garder le plus tard possible cette dernière surprise qui, certes, est rattrapé par un final des plus cosmique, flamboyant et fascinant, mais frustre légèrement. Enfin j’avoue ne pas avoir complètement accroché à l’humour, principalement des Salvoïdes, à base de jeux de mots, mais là ça dépendra clairement de chacun, je pense simplement ne pas avoir le même humour. Cela ne gâche en rien le récit, juste une petite impression de passer à côté de quelque-chose.

La plume de l’auteur se révèle vivante, entrainante, efficace nous plongeant facilement dans son récit rempli d’aventures tout en oubliant pas de nous faire réfléchir. Un récit globalement enlevé qui, je pense, mérite d’être découvert et qui en plus permet de se faire une idée sur un panel assez large du genre de la science-fiction. Au final j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman et je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous propose de suivre Kerl dans sa quête d’un amour impossible, qui va se révéler être un récit bien plus complexe et fascinant que cela. Entre aventure, amour, satire politique et humour on obtient une histoire dense et terriblement efficace malgré un démarrage peut-être un peu lent. L’univers qui nous est présenté se révèle solide et offre de nombreuses réflexions, même si j’aurai aimé en savoir plus sur certains aspects. Surtout avec ce roman l’auteur nous offre une définition large de la science fiction, allant du raisonné vers l’improbable en passant par d’autres genres et surtout sans jamais se perdre ni rendre l’ensemble absurde ou ennuyeux. Les personnages se révèlent complexes, attachants et entrainants, j’ai juste eu du mal à accepter le fait que le héros ait plus de 70 ans au vu de toutes les péripéties qu’il rencontre. Je regrette par contre une certaine longueur qui apparait dans le dernier tiers du récit, un humour à base de jeux de mots dont j’ai eu du mal à accrocher et certains artifices facilement devinables, mais bon rien de bloquant ou de complètement dérangeant. La plume se révèle entrainante, efficace et soignée et je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

 

Ma Note : 8/10