Tau Zéro – Poul Anderson

Résumé : Terre. XXIIIe siècle. Cinquante astronautes. Vingt-cinq femmes, vingt-cinq hommes, parmi les meilleurs dans leurs domaines : astrophysiciens, mathématiciens, biologistes, astronavigateurs… partent pour un impressionnant voyage : rejoindre l’étoile Beta Virginis à trente-deux années-lumière de la Terre. Ils disposent pour ce faire du plus stupéfiant des vaisseaux, le Leonora Christina, dernier né de sa génération, un navire capable de puiser son énergie au cœur même de l’espace et d’évoluer à des vitesses relativistes… À bord du Leonora Christina, ils s’apprêtent à effectuer la plus audacieuse des missions : coloniser une nouvelle planète. Mais leur périple ne se déroulera bien évidemment pas comme prévu, et les emmènera loin, beaucoup plus loin qu’ils ne l’avaient imaginé, à la vitesse de la lumière, vers le Tau Zéro. Jusqu’aux confins de l’univers – et même au-delà.

Edition : Audible

 

Mon Avis : Poul Anderson ne m’est pas un auteur inconnu puisque j’ai déjà lu de lui son « classique » de la Fantasy : L’Epée Brisée. Il m’avait alors offert un excellent moment de lecture à travers un récit riche et prenant (ma chronique ici). Le roman Tau Zéro, lui, est un récit de Science-Fiction et, lui aussi, est devenu une oeuvre marquante de son genre, souvent classé dans des top livres à lire et énormément conseillé. Il est d’ailleurs assez étonnant, malgré le nombre de personnes qui m’en ont parlé et me l’ont présenté comme un excellent livre, que je ne l’ai pas commencé plus tôt. Il est à noter que j’ai découvert cette histoire en audiobook. J’avais un peu peur concernant le format audio avec le côté Hard-Science, mais le narrateur s’en sort très bien se révélant clair et entraînant. J’avais aussi un peu peur de perdre le fil, car j’écoute en grande partie en conduisant, mais finalement je n’ai quasiment pas eu de soucis de ce côté-là.

Ce récit nous plonge au 23ème siècle. Le monde après de nombreuses perturbations connait une paix durable et prospère et, avec les avancées technologiques, se lance de plus en plus dans des expéditions à travers les étoiles. La dernière mission en date est d’envoyer 50 astronautes, 25 hommes et 25 femmes, des génies dans leurs domaines, tenter de coloniser une planète potentiellement habitable : Beta Virginis. Sauf que le voyage ne va pas se passer comme prévu et de nombreuses péripéties vont se dresser devant eux. Alors finalement est-ce que je rejoins les gens qui considèrent ce livre comme un excellent roman ? Oui, clairement, j’ai été fasciné et emporté par ma lecture, par le voyage que nous propose l’auteur. Alors certes tout n’est pas parfait et quelques points m’ont quand même légèrement dérangé, j’y reviendrai plus tard, mais franchement je ne suis pas déçu de ma découverte et quelques semaines après l’avoir terminé il continue à me trotter dans la tête ce qui est souvent le signe d’une lecture marquante. Il faut dire que l’intrigue, pourtant assez simple d’un voyage spatial de quelques années et qui va devenir une quête pour tenter de survivre suite à un incident de parcours, se révèle franchement prenante, incisive et captivante. L’ensemble est clairement maîtrisé, concis ne donnant jamais l’impression de trop en faire, de vouloir trop remplir son récit trouvant ainsi un juste milieu. Tout comme Rama, le format court permet d’offrir une certaine tension efficace et entraînante, mais aussi un aspect percutant ce qui fait que je me suis retrouvé à tourner assez facilement les pages.

Il y a deux aspects importants qui m’ont aussi fascinés avec ce livre. Le premier, en plus de l’intrigue, vient de tout l’aspect voyage, des conséquences de ce dernier, de ce qu’il apporte, des changements que vont rencontrer les personnages. Le voyage en lui-même s’avère ainsi passionnant, bien porté par un côté que je trouve, d’une certaine façon, d’émerveillement dans la découverte de notre univers. Certes on reste majoritairement cloisonné dans le vaisseau, et pourtant il y a un sentiment de grandeur, d’ampleur, de vertige et de fascination qui se dégage. D’un autre côté cela amène aussi un sentiment de cloisonnement à travers le vécu des héros, de huis-clos, d’enfermement, mais aussi ce sentiment de faiblesse, de modestie, voir parfois de peur devant l’inconnu de ce qui est traversé tout du long. Il y a aussi une vraie étude sociologique prenante avec les interactions qui se font entre chacun des personnages, avec la façon dont chacun va devoir changer avec les bouleversements qui vont survenir. Il y a aussi un travail sur les changements, les variations, que ce soit au niveau des sentiments, des émotions, des idées et de la cohésion. En effet on se rend compte que dans un vase clos, avec plusieurs facteurs qui varient, les notions d’amour, de sexualité, de pouvoir, de politique, de nationalité et autres vont énormément varier. Le travail mené par Poul Anderson est, je trouve, remarquable, réaliste, intelligent et efficace, paraissant cohérent et soigné pour donner ce sentiment de logique, d’authenticité. On découvre ainsi avec fascination et aussi avec une légère angoisse comment l’équipage va tenter de survivre, de garder l’équilibre et ne pas tomber dans la torpeur ou la folie. Surtout cela pousse le lecteur finalement à réfléchir sur la notion d’Homme et de société.

L’autre point important du roman vient de l’aspect scientifique. On est clairement dans un roman de Hard-Science. Alors on est ici dans des notions qui sont amenées de façon assez didactiques, très précises et globalement compréhensibles, évitant un peu le côté dur du « hard-science » comme peuvent le proposer Greg Egan et d’autres. Pour autant je ne doute pas que cet aspect puisse bloquer certains lecteurs, les notions présentées ici demandant quand même des connaissances de bases ou parfois faire une ou deux recherches. Pour ma part, vous devez le savoir, je suis assez friand de ce genre de travail, du fait qu’il me pousse parfois à mener des recherches sur des sujets que je connais peu, à me faire cogiter et surtout imaginer. Avec Tau Zero c’est assez fascinant de voir comment l’auteur associe toutes ses idées, ses notions scientifiques, les rendant fascinantes et intéressantes à découvrir et surtout cohérentes, donnant l’impression qu’un jour on pourra aller dans les étoiles, nous faire voyager, nous faire rêver. Alors oui, la science de l’époque de publication de ce roman (1970) et celle d’aujourd’hui des changements sont apparus, des théories ont été mise de côté, comme le démontre Roland Lehoucq dans une postface fascinante, mais de nombreuses idées sont encore d’actualités. Surtout le côté scientifique, je trouve, se glisse parfaitement dans le récit à travers une sorte de « double narration ». Une première qui parle du voyage dans l’espace, du vaisseau et du côté scientifique, puis une seconde qui se concentre sur l’équipage et ses péripéties. Il trouve ainsi le juste milieu tout en maintenant une narration fluide et efficace, ne hachant jamais le récit.

Alors après, c’est vrai, même si j’ai été emporté par ce roman et qu’il offre de nombreuses qualités, il n’est pas non plus exempt de quelques petits défauts. Le premier vient qu’on sent, dans les relations entre les personnages, que ce roman est des années 70, principalement au niveau, je trouve, du rôle de la commandante en second. Elle se coule un peu trop facilement dans son rôle mis en place par l’auteur, certes avec cette idée de rédemption à la fin, mais qui donne une impression de soumission et d’acceptation frustrante. L’autre point vient des personnages qui, autant en groupe fascinent par leurs interactions, leurs évolutions, mais que plus on regarde avec précision plus finalement ils s’avèrent quand même un chouïa trop archétypaux. Rien de trop bloquant, mais si vous aimez vous attacher à un ou deux personnages, partager un lien émotionnel avec eux, c’est ici un peu compliqué. Finalement les sentiments reposent plus sur la notion d’équipe et d’évolution sociale que sur la profondeur et la richesse des uns et des autres. Enfin un dernier point, malgré le fait que j’ai trouvé l’étude sociologique efficace et fascinante, elle répond parfois un peu trop à la logique. Un peu comme si elle répondait parfaitement au scénario établi oubliant qu’une notion de « chaos » peut toujours exister. Après cela ne gêne en rien ma lecture et j’ai passé un excellent moment avec ce livre qui m’a emporté, porté par une plume efficace et dense. Certes je me doute bien qu’il ne plaira pas à tout le monde, mais si vous vous y retrouvez dans ma chronique alors n’hésitez pas à lui laisser une chance et vous faire votre propre avis.

En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec ce roman qui nous plonge dans le futur ou 50 astronautes, 25 hommes et 25 femmes, vont tenter de coloniser une planète lointaine. L’intrigue, qui parait classique, ne manque pas de s’avérer rapidement solide, prenante et entraînante. Le format court du roman permet aussi d’offrir une tension efficace et trouve le juste milieu sans jamais donner l’impression de trop en faire. Le premier point qui m’a fasciné, c’est justement ce voyage, cette notion d’émerveillement, d’évasion, de grandeur et de vertige avec en parallèle cette impression dans le vaisseau de cloisonnement, de huis clos, d’enfermement ou encore d’humilité. La travail social et l’étude que nous propose Poul Anderson ne manque pas non plus de faire réfléchir et s’avère passionnante et très bien construite. L’autre point qui m’a captivé c’est le côté scientifique. On est dans un roman de Hard-Science, certes plus compréhensible et moins, on va dire, « austère » que du Greg Egan par exemple. Pour ma part j’adore ce développement de théories et d’idées, qui pousse même parfois à se renseigner, mais je sais que ce point ne plaira pas à tout le monde. Pour autant je trouve que le récit ne se perd pas dans cet aspect scientifique, qu’il n’en fait pas le coeur de son histoire et l’ensemble reste fluide et entraînant. Alors après je regretterai le sentiment que sur les relations entre les personnages, le roman ait un peu vieilli. Je trouve aussi, toujours au niveau des personnages, que si le groupe est fascinant, chacun individuellement parfois s’avère légèrement archétypaux. Enfin concernant le côté sociologiques et principalement la façon dont son traitées les péripéties j’ai trouvé que ça sonnait parfois un peu trop juste, répondant parfois un peu trop à la logique. Rien de non plus trop bloquant tant j’ai passé un excellent moment avec ce livre, bien porté par une plume dense et efficace.

 

Ma Note : 8,5/10

 

Autres avis : Lohrkan, Efelle, Valunivers, Marc Ang-Cho, …

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  1. Beau texte, j’adore son côté vertigineux personnellement.

    • Oui cette capacité d’émerveillement, de grandeur, de voyage qui se dégage est vraiment marquante je trouve aussi.

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