Résumé : Danielle Cain is a queer punk rock traveller, jaded from a decade on the road. Searching for clues about her best friend’s mysterious and sudden suicide, she ventures to the squatter, utopian town of Freedom, Iowa. All is not well in Freedom, however: things went awry after the town’s residents summoned a protector spirit to serve as their judge and executioner.
Danielle shows up in time to witness the spirit—a blood-red, three-antlered deer—begin to turn on its summoners. Danielle and her new friends have to act fast if they’re going to save the town—or get out alive.

Edition : Tor

 

Mon Avis : Je me suis lancé dans la lecture de cette novella un peu sur un coup de tête, surtout que je ne connaissais rien de Margaret Killjoy avant de faire entrer ce livre dans ma PAL. J’ai ainsi été rapidement attiré par la promotion qui a été faite par l’éditeur et aussi, j’avoue, par la couverture illustrée par Mark Smith, que je trouve magnifique. Je me suis alors retrouvé à me renseigner et j’ai très vite été intrigué par le résumé du quatrième de couverture de cette novella ainsi que par le commentaire d’Alan Moore en couverture (aspect commercial qui pourtant d’habitude me bloque) qui a titillé ma curiosité et  renforcé mon envie de découvrir ce petit livre.

Ce livre nous fait ainsi suivre Danielle Craig qui vit sur la route depuis des années, refusant le mode de vie actuelle capitaliste. Un jour, suite à la mort d’un ami proche, elle décide d’aller à Freedom, dans l’Iowa, une ville anarchiste limite utopique pour comprendre ce qui l’a poussé à se suicider. Elle va très vite se rendre compte qu’Iowa est loin d’être un paradis, surtout depuis qu’un cerf magique fait la loi et tue des gens. Je dois bien admettre, une fois la dernière page tournée, que cette novella offre de bonnes idées, ne manque pas d’attrait, mais, pour autant, elle m’a laissé un sentiment mitigé. En effet quelques points frustrants ont fait que, même si l’ensemble reste un minimum sympathique, il n’a pas non plus ce petit côté qui l’aurait rendu vraiment prenante et percutante. Pourtant je trouve que le potentiel est là, que si l’ensemble avait été mieux maîtrisé, plus travaillé, et, je trouve, traité sur un format plus long, il y avait la possibilité d’offrir un texte encore plus passionnant.

Ce qu’on ne peut pas retirer au récit c’est qu’il se déroule assez rapidement et offre un rythme assez soutenu, il est vrai bien porté par le côté novella qui doit d’une certaine façon obliger d’aller droit au but. On plonge ainsi dans un récit qui ne manque pas de rebondissements et s’avère vivant, ce qui fait qu’on tourne un minimum les pages avec l’envie d’en apprendre plus. Le tout est porté par une ambiance intéressante, à la fois légèrement mystique et angoissante, bien porté par ce cerf rouge étrange qui se veut la justice et élimine toute personne qui a commis un acte horrible. Il y a ce petit côté frissonnant qui ressort à chaque fois qu’on rencontre l’animal et son « armée » d’animaux qui l’accompagne qui colle bien au récit et apporte un vrai plus au récit dans son atmosphère.

Le gros point fort de ce roman vient de la façon dont l’auteur nous présente le monde punk, anarchiste. Alors je ne suis pas punk, je ne connais rien à ce milieu je ne fais donc pas de comparaison, peut-être que Margaret Killjoy écrit des erreurs ou des aberrations, je ne pourrai pas le dire, tout ce que je sais et qui m’a bien plu c’est la vision de ce monde qui nous est présenté à travers ce mouvement dans ce livre. Cette idée que le pouvoir ne peut pas reposer sur une hiérarchie et sur une notion d’Etat oppressante, mais plus dans une idée et une envie de communauté, avec bien entendu toutes les dérives que cela peut entraîner. On sent que le récit a envie, pas d’ouvrir les yeux du lectorat loin de là, mais de montrer qu’il peut exister autre chose de plus ouvert, de plus respectueux, avec ces aspects de marché ouvert, de travaux ou chacun peut, en fonction de ses aptitudes et des motivations, mettre la main à la patte ou bien encore cet aspect plus « politique » (même si ce n’est pas le mot) qui essaie d’écouter tout le monde. Mais le point fort cette construction vient aussi qu’on ne découvre pas qu’un seul côté de la pièce de cette « utopie », on en découvre aussi un côté plus sombre. Ainsi cette idée qu’une personne peut retourner le système et transformer un rêve en cauchemar, en devenir le dictateur nuance clairement ce rêve par exemple. On se rend ainsi compte que l’anarchie, tout du moins dans le regard de Margaret Killjoy, n’est pas le chaos que l’on pourrait croire, mais qu’il n’est pas non plus parfait et possède lui aussi ses failles et ses problèmes. A défaut d’adhérer obligatoirement, je laisse à chacun se faire son idée, je trouve que cela pousse à minima le lecteur à réfléchir sur notre société, la façon dont nous voyons le monde et dont nous gérons l’avenir et la construction.

Après comme je l’ai dit, même si dans le fond l’auteur arrive à ne pas tomber dans le côté bisounours de son système, offrant un système complexe, parfois sur la forme elle n’y arrive pas toujours complètement. On sent ainsi, par moment, qu’il cherche à casser l’image du punk, mais qu’il tombe parfois dans l’extrême opposé, cherchant trop à nous convaincre ce qui donne un peu un aspect « regardez tout le monde il est beau, il est gentil ». Cela se ressent principalement dans le groupe que rencontre l’héroïne où il y a cette facilité d’acceptation et de liberté qui manque de complexité. Alors c’est plutôt léger, ça ne gâche en rien la lecture, mais vu que des suites sont prévues il faut espérer que ce point ne prendra pas de l’ampleur et tomber dans le côté guimauve. Maintenant soyons clair, cette idéologie, même si comme je l’ai dit, a de nombreux attraits, elle n’est ici qu’à l’état d’esquisse. Une esquisse déjà solide et intéressante, mais qui demande à en apprendre plus par la suite, car une novella d’à peine 120 pages ne permet pas de tout développer. J’avoue rien que pour en découvrir plus de ce point de vue là je pourrai me laisser tenter par la suite. Il faut aussi dire que le personnage de Danielle Cain n’est pas non plus inintéressant, montrant une héroïne forte, entraînante dont on se trouve à suivre les aventures avec un minimum de plaisir. Gravite autour d’elle des personnages solides, qu’on découvre au fil des pages et qui gagnent un peu en complexité au fil du récit. Certes la caractérisation est limitée encore une fois par la taille du texte, ce qui fait que certains protagonistes secondaires paraissent un peu creux ce qui est dommage surtout pour certains antagonistes. L’autre soucis c’est que l’ensemble est un peu trop manichéen, c’est limite si les méchants et les gentils n’ont pas une pancarte sur la tête pour les différencier.

Il y a aussi quelques réflexions intéressantes dans cette novella. Déjà, comme assez souvent avec cette collection chez Tor, le récit nous propose une grande diversité de personnages, permettant ainsi de les mettre en avant, de ne plus les cacher, amenant une variété plus réaliste et tout de même bienvenue tout en apportant quelque-chose aussi au récit sur la notion d’acceptation, de différence. En plus du point que je viens de soulever et de cette idée de courant philosophique et politique, le récit nous fait aussi réfléchir sur la notion de moral, avec ce cerf qui élimine seulement les personnes qui ont commis un « crime », sur cette notion de loi du talion, certes parfois de façon un peu facile, mais qui, quand même marche bien. En fait le gros reproche que je fais à cette novella, et que je fais aussi à un certain nombre de textes de cette collection, c’est l’oubli de raconter une histoire. Margaret Killjoy a un message à faire passer, une diversité à mettre en avant, mais oublie qu’elle a aussi une intrigue à construire de façon logique. Là on découvre un cerf « magique » qui a l’air de déranger personne, une évolution d’intrigue qui, c’est vrai, va vite, mais oublie d’approfondir et aussi certaines surprises beaucoup trop téléphonées.

Ecrire une nouvelle ou une novella, ne veut pas non plus dire de couper pour enlever la substance du récit ou n’apporter qu’un message. Il faut que ce message repose sur un récit qui m’accroche et soit logique, autrement c’est plus un essai. Ici, même si la « colonne centrale » du récit n’a pas complètement disparu, elle m’a paru précipitée, reposant sur la facilité d’acceptation des héros et du lecteur, mais aussi manquant clairement de complexité et de densité pour vraiment accrocher. Attention, je ne demande pas un fil rouge qui me retourne obligatoirement le cerveau, mais un truc simple, cohérent, construit et logique ce qui n’est pas toujours le cas ici. Clairement je dirai que si le récit avait été plus gros il aurait pu avoir la possibilité d’être plus dense. La plume est simple, efficace et je ne sais pas encore si je lirai la suite. Il y a de bons points qui me donnerait bien envie d’en apprendre plus, mais d’autres qui font qui font que j’ai plus envie de mettre cette série de côté tant il y a d’autres livres à lire.

En Résumé : J’avoue je ressors de ma lecture de cette novella avec un sentiment légèrement mitigé. Dans l’ensemble elle est sympathique à lire, offrant des idées et des développements intéressants, mais par certains points elle m’a laissé en partie de côté. Le côté court offre au récit une côté plutôt incisif, qui va vite, droit au but et pousse le lecteur à tourner les pages pour en apprendre plus. Le gros point fort de ce récit vient clairement de la façon dont nous est présenté le monde anarchiste, punk. Alors je ne le connais pas vraiment, je ne peux pas comparer, mais je l’ai trouvé très intéressant dans ce qu’il soulève comme réflexions. Surtout que Margaret Killjoy nous en présente une version nuancée, avec ses forces, ses attraits, mais aussi ses failles et ses défauts. Certes il a quelques défauts, et aurait mérité d’être encore plus développé, ce que ne permet pas l’aspect novella, mais au final il donne envie d’en apprendre plus. Concernant les personnages, l’héroïne et les personnages ui gravitent autour d’elle ne sont pas mauvais, s’avérant solides et gagnent un peu en complexité, ce qui est dommage c’est que le personnages secondaires sonnent parfois un peu creux et un manichéisme se dégage tant il est facile de repérer les méchants des gentils. Le récit nous propose aussi des réflexions que ce soit sur l’acceptation, les différences, mais aussi sur une notion de moralité et de loi du talion. Mais, comme je l’ai déjà constaté avec cette collection de novella chez Tor, le message prend parfois trop le pas sur le récit qui est simpliste, repose sur l’acceptation de beaucoup de choses de la part du lecteur et des héros et parait précipitée pour tenir dans le format. C’est dommage car dans un autre format avec plus de page je pense que le récit aurait pu être encore meilleur. La plume  est simple, plutôt efficace et même si ce récit a des qualités je ne suis pas sûr de lire la suite. Je vais y réfléchir, mais il y a beaucoup à lire.

 

Ma Note : 6/10