Une Etrange Aventure de Sachem Blight & Oxiline Tome 1, Et si le Diable le Permet – Cédric Ferrand

Résumé : 1930. Le monde se remet à peine de la pire crise financière de tous les temps. Les capitales paniquent encore à la moindre rumeur, les colonies sont paralysées par la peur… Même les riches ne dorment pas sereinement, c’est dire.
Heureusement pour lui, le très aventureux Sachem Blight travaille dans un domaine épargné par toute cette incertitude boursière : il parcourt le vaste monde pour secourir les filles et fils de bonne famille, cette brochette d’inconscients qui se jettent volontairement dans la gueule du loup sous le prétexte de vouloir goûter aux joies de vacances exotiques. Le commerce de Blight l’emmène sur tous les continents pour affronter la multitude de dangers auxquels ses clients se frottent lors de leurs tribulations. Et cette fois-ci, Sachem est appelé à la rescousse à Montréal, au Québec. Et manque de chance pour lui, son niveau de Français n’est pas à la hauteur de l’enquête qu’il doit mener. Pour la première fois de sa carrière, il va devoir composer avec une partenaire, en la personne d’Oxiline, sa demi-sœur qu’il connaît à peine.

Edition : Les Moutons Electriques

 

Mon Avis : Cédric Ferrand ne m’est pas un auteur inconnu. En effet, avant de me lancer dans la lecture de ce court récit, j’avais lu les deux précédents romans de l’auteur publié aux Moutons Electriques qu’était Wastburg et Sovok. Je suis à chaque fois ressorti de ma lecture en ayant passé de très bons moments à travers des récits intéressants et prenants. Il était donc fort logique, quand j’ai appris qu’il publiait un nouveau récit, que je me laisse très facilement tenter par ce dernier et le fasse entrer dans ma PAL. Concernant la couverture, illustrée par Melchior Ascaride, je la trouve très réussie et qui donne envie de plonger dans cette histoire présentée comme un Pulp Lovecraftien.

On se retrouve ainsi plongé en 1930, dans un Montréal qui essaie de se relever du mieux possible du crash de 1929. Sachem Blight, célèbre aventurier et détective, est mandaté par l’architecte du pont du Havre (devenu depuis le pont Jacques Cartier), en cours de construction dans la ville, de retrouver son fils. En effet ce dernier, ayant des visions politiques différentes, a décidé de fuir le giron parental. Sachem va devoir aussi gérer le cas de sa demi-soeur, qu’il n’a jamais vu, mais dont le pécule permettant de payer son école a disparu suite au crash boursier. Ce coup du sort va peut-être servir notre héros, lui qui ne parle pas le Français. Bon, autant être franc tout de suite, je ressors de ma lecture de ce petit roman avec un sentiment de déception. Tout n’est pas pour autant mauvais, loin de là, mais dans l’ensemble je n’ai jamais réussi à trouver cette petite étincelle qui me fait tourner les pages car j’ai envie de connaitre la suite et non pas pour terminer ma lecture et ainsi passer à la suivante. Ce roman nous est ainsi présenté comme un Pulp Lovecraftien, reprenant ainsi les codes du premier tout en offrant un rythme lent comme sait en proposer le second, ce qui détonne un peu pour un Pulp. Ca détonne d’ailleurs tellement que finalement on se rend compte que ce rythme lent, pour ma part, dessert le récit. Déjà recadrons un peu, pour moi le côté Lovecraft vient surtout dans l’ambiance et le récit, donc si vous cherchez un récit qui reprend les codes et la mythologie je doute que ce soit le bon roman.

Déjà parlons du point fort du roman qui vient clairement de la toile de fond que construit l’auteur autour de ce roman. Ce Montréal qui, au fil des pages, prend de plus en plus d’ampleur et de densité jusqu’à en devenir, limite, un personnage à part entière. Je ne vais pas le nier, j’ai apprécié me promener dans le rues de cette ville avec les personnages, découvrir les petites anecdotes, les petits moments d’histoire qui la rendent, au final, captivante et qui donne limite envie d’aller visiter ce petit coin. Socialement on découvre aussi une ville qui se déchire entre les Anglais et les Français, mais dont on y retrouve aussi un côté franc, vivant et sans filtres. L’aspect politique et économique modifie aussi la vision de ce monde, le crash boursier de 29 a redéfinit les cartes, la différence entre les classes continuent à s’accentuer, trouver du travail est compliqué et des tensions apparaissent obligatoirement. On sent ainsi tout du long que l’auteur à l’air d’aimer cette ville, qu’il a effectué de nombreuses recherches qu’il a envie de nous faire partager, même s’il en fait, je trouve, par moment trop. Certaines anecdotes paraissant parfois de trop et n’apportant pas toujours grand-chose au récit ou à l’intérêt de la ville. D’ailleurs cela a toujours été un des points forts de l’auteur, cette capacité à offrir une toile de fond vivante. Sauf que voilà, même si la ville de Montréal est intéressante, tout ce qui tourne autour, pour ma part, ne suit pas obligatoirement.

Déjà commençons par l’intrigue, récit mélange de policier et d’aventures, qui va entraîner nos héros à courir dans toute la ville pour retrouver le fils de l’architecte. Sauf que voilà, l’intrigue avance mollement et pas tant parce-que le rythme du récit est lent, que parce-que nos héros traînent en longueurs des scènes qui n’en méritent pas toujours tant à mon goût et surtout car, finalement, notre célèbre aventurier enquêteur n’est finalement pas très futé. Tout est ainsi fait pour ralentir la conclusion du récit et passe souvent, non pas pour de la difficulté à retrouver le disparu, mais plus par un manque complet de finesse du héros. Sachem est le genre de détective qui, à la fin du premier chapitre, annonce qu’il a oublié de demander une photo du disparu, et qui ne retourne jamais en demander une ce qui serait utile pour savoir à quoi il ressemble. Moi qui pensait que c’était la base du métier. Surtout que cela amène des dialogues très étranges du genre « oui, bonjour, je cherche mon ami, vous savez il est …, enfin il ressemble.., enfin vous savez vous le connaissez ». Cela fait peur et c’est d’ailleurs le second point que je reproche au récit, notre héros a la finesse d’un éléphant dans une cristallerie dans sa quête d’indice. En effet pour moi son soucis n’est pas qu’il ne parle pas français qui l’empêche d’avancer, mais bien sa capacité à poser des questions sans aucune perspicacité et je suis d’ailleurs étonné que les gens lui offrent des réponses. Enfin autre point, Sachem aurait un réseau d’informateur et de gens qui pourraient l’aider qu’on ne voit jamais, même dans les pires moments, ce qui crée une sorte de décalage je trouve, même si là rien de trop dérangeant.

En ce qui concerne les personnages, je reste aussi clairement sur ma faim tant le frère et la soeur, les deux protagonistes principaux, n’ont jamais réussi à franchement me toucher, ou me donner envie de les suivre et de me plonger pleinement dans leurs aventures. Il m’a paru leur manquer un minimum de profondeur pour les sortir de leurs archétypes du détective qui se sert de ses poings et réagit au quart de tour et de « l’assistante » tellement intelligente qu’elle part un peu dans tous les sens sans se rendre compte du danger de ce monde. C’est dommage, car il y a un minimum de potentiel je trouve, mais là, au final, ils m’ont surtout paru déjà vu et revu et ne pas arriver à non plus s’imposer dans l’intrigue. Au vu de la taille du roman il n’y a pas rand-chose à dire sur les personnages secondaires, qui sont finalement là pour faire avancer l’intrigue, même si parfois certains m’ont paru sonner un peu trop creux. Concernant la conclusion et la révélation, finale je dois bien admettre que je l’ai vu venir dès le premier quart du roman, ce qui fait que tout l’effet de surprise qui devait tourner autour de cette révélation est perdu. De plus j’ai trouvé que la conclusion était traitée un peu trop rapidement, comme s’il fallait conclure là, maintenant, car il n’y avait plus de pages.

Au final j’ai ainsi plus eu l’impression de plonger dans un guide touristique et historique de Montréal que dans un roman avec un fil rouge et de la tension tant l’intrigue et les personnages m’ont paru peiner à offrir quelque-chose d’entraînant et de cohérent. Après, je ne doute pas que, peut-être, je n’étais pas le bon public de ce genre de récit, ou bien ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour le lire, mais voilà j’ai trouvé que le côté languissant du rythme ne servait finalement qu’à faire trainer le récit en longueur et non pas jouer sur l’ambiance. Après, concernant la plume de l’auteur, elle est soignée, dense et cherche a nous rendre l’ensemble entrainant et visuel. On sent bien que l’auteur possède un style qui lui est propre, fluide, comme me l’a prouvé ses deux autres romans, mais pour ce dernier il n’a tout simplement pas réussi à me happer. Je lirai sans soucis d’autres romans de Cédric Ferrand, je ne pense juste pas continuer cette série sur Sachem Blight et Oxiline.

En Résumé : Je dois bien admettre que je ressors de ma lecture de ce petit pulp Lovecraftien un peu déçu, l’ensemble n’ayant jamais réussi à complètement me captiver, m’entraîner. Le gros point fort de ce récit vient de la toile de fond que construit Cédric Ferrand, une ville de Montréal qui en devient limite un personnage du récit à travers un travail historique et social ponctué d’anecdote qui rendent l’ensemble très intéressant à découvrir. On a limite envie de se promener dans cette ville, le tout présenté à travers un rythme assez lent qui permet une vraie immersion. Sauf que voilà autant le rythme posé est un avantage pour l’univers, autant il dessert pour moi l’intrigue qui s’avère mollassonne et parait clairement trainer en longueur. Surtout que cet effet de lenteur vient autant de la mise en place de l’univers, mais principalement du côté pas très futé de notre héros qui est aussi perspicace et fin qu’un éléphant dans une cristallerie j’ai trouvé. Les interrogatoires sont tellement direct que ne pas le considérer comme un flic ou un mec louche ne tient que par le besoin du récit. Finalement nos héros ont plus de chance que de jugeote quand même. Concernant les personnages ils n’ont jamais réussi à me toucher, ayant du mal à sortir des archétypes dans lesquels ils se figent, tombant ainsi parfois dans la caricature. Concernant la conclusion, je l’ai vu arriver dès le premier quart du roman, ce qui est quand même dommage. Au final un roman qui brosse une jolie image de la ville de Montréal de l’époque, mais qui a peiné à m’emporter dans son récit malgré une plume soignée et efficace.

 

Ma Note : 4,5/10

 

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  1. L’orientation « fantastique pulp » que semblent choisir Les Moutons est intéressante mais j’avoue qu’on a aussi du mal concernant les aventures proposées. De belles idées au départ, mais un ensemble pas si réjouissant à la fin. Je viens de finir Sherlock Holmes aux Enfers, et j’ai l’impression que c’est du même acabit. 🙁

    • Sur le papier l’orientation pet être sympa, mais là oui l’intrigue et les personnages m’ont vraiment paru manqué de consistance et de densité pour vraiment être intéressants. Sherlock Holmes aux Enfers à la base ne me tentati pas plus que cela, donc ton retour fait que je vais passer mon tour alors.

  2. J’ai eu exactement le même ressenti que toi et je ne lirai pas la suite non plus. C’est dommage parce que j’avais vraiment adoré Wastburg et Sovok !

    • J’ai aussi adoré Wastburg et Sovok, après je pense que l’auteur a voulu offrir quelque-chose de différent et, pour ma part comme de ton côté, cela n’a pas fonctionné.

  3. Ah mince ! mais j’avais adoré les précédents titres de l’auteur, alors il faut que je me fasse mon avis sur celui-ci.

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