Résumé : Londres, 1885. Une tête de femme est repêchée dans les eaux sombres de la Tamise. En charge de l’enquête, le grand détective William Pinkerton se lance sur la piste du célèbre Edward Shade, mais ce dernier lui file sans cesse entre les doigts. Pinkerton s’engouffre alors dans les bas-fonds londoniens : réverbères dans la brume, fumeries d’opium, égouts tortueux, séances de spiritisme. Il y découvre un monde d’espions, de maîtres chanteurs, d’adeptes de sectes, de voleurs à la petite semaine et de tueurs sans pitié.
Grandiose, profondément évocateur, L’Homme aux deux ombres dresse le portrait saisissant de personnages au bord de l’abîme. Plongé dans un univers de secrets et de faux-semblants, le lecteur découvre l’histoire du lien improbable entre William Pinkerton, détective de légende, et Edward Shade, l’homme le plus mystérieux de la capitale victorienne.

Edition : Denoël & d’ailleurs (parution le 09-11-2017)
Traduction : Pierre Ménard

 

Mon Avis : J’avoue, je me suis laissé tenter par ce roman sur un coup de tête, intrigué par un quatrième de couverture qui me donnait envie de le découvrir. Je ne connaissais rien de l’auteur avant de me lancer dans la lecture de ce livre, qui est d’ailleurs, si je ne me trompe pas, son premier roman, Steven Price ayant publié des recueils de poésie avant L’Homme aux Deux Ombres. Concernant la couverture, illustrée par Marion Tigréat, je la trouve très sympathique même si, personnellement, j’ai un petit faible pour la couverture en VO.

Ce roman nous plonge dans la ville de Londres à l’époque victorienne, où l’on se retrouve à suivre deux protagonistes. Le premier, William Pinkerton, fils du célèbre détective, qui est arrivé ici 6 mois après la mort de son père pour traquer le célèbre Edward Shade que son père n’a jamais pu arrêter. De l’autre côté Adam Foole, un petit truand, qui revient à Londres suite à l’appel d’une connaissance qu’il n’a pas revu depuis des années. Nos deux héros vont, par la force des choses, devoir collaborer ensemble, mais aussi se remettre en cause face aux réponses qu’ils vont trouver. Franchement une fois la dernière page tournée je dois admettre que je ne m’attendais pas à un telle lecture. On n’est clairement pas, pour moi, dans un Thriller ou un roman de détective, mais plus dans un récit de personnages, un récit sur les personnages. Si vous cherchez une traque effrénée, une traque oppressante et sanglante, alors il vaut mieux passer votre chemin. Ici l’intrigue policière ne sert principalement que de fil rouge à l’auteur pour brosser deux portraits saisissants et prenants, le tout porté par une image de fond accrocheuse et vivante. De mon côté j’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman qui est construit sur un rythme langoureux, qui prend bien le temps de construire, mais qui finalement colle parfaitement au récit faisant monter la tension lentement, au fil des pages et m’a donné envie d’en apprendre plus.

Comme je l’ai dit, le gros point fort du roman vient clairement des deux héros principaux que construit l’auteur. Deux personnages denses, soignés et complexes qui ne laissent pas indifférent le lecteur. Des héros humains, nuancés, aux bords du gouffre qui se cherchent et cherchent à obtenir des réponses sur eux-mêmes, à trouver leurs voies. Que ce soit William Pinkerton, toujours dans l’ombre de son père, qui souhaite résoudre cette dernière enquête pour essayer d’impressionner son paternel disparu, sortir de son ombre et tenter par la même occasion de comprendre qui il est, de trouver sa place. Ou bien Adam Foole, petit escroc qui cherche à construire d’une certaine façon une vie normale, en quête d’un amour impossible et perdu et qui va devoir faire face pour protéger sa « famille ». Deux héros qui à travers leurs blessures, leurs questionnements, vont découvrir qu’ils ont parfois bien plus en commun que ce qu’ils pourraient croire. C’est principalement ces personnages qui, selon moi, portent le récit, la façon dont ils évoluent, dont ils avancent, mais aussi dans leurs constructions, leurs contradictions. Des protagonistes qui n’ont ainsi rien de manichéen, avec leurs forces et leurs faiblesses, perdus dans un monde de violence et qui se cherchent un but. Les personnages secondaires ne sont pas non plus en reste, je pense principalement à la petite Molly ou encore le grand sauvage Japhet qui va se révéler plus que cela. Après certains personnages m’ont parfois paru ne pas apporter grand-chose au récit, mais franchement rien de gênant. Chacun d’entre eux cherche ainsi à construire sa voie dans ce monde en plein changement.

L’autre point fort du roman vient selon moi de la toile de fond que construit l’auteur. On oscille ainsi ici entre un Londres oppressant, étouffant et violent, une Amérique en pleine guerre civile, mais aussi l’Afrique, ses mines de diamant et son trafic. Il se dégage ainsi de ce monde une violence sourde, un sentiment de malaise qui colle parfaitement à ce côté noir que cherche à construire l’auteur. Un univers qui, malgré son aspect sombre, possède un côté fascinant à découvrir, bien porté par un travail de description et de construction dense et efficace. On se sent ainsi clairement plongé, happé dans ces lieux vivants, comme par exemple cette plongée dans les égouts Londoniens qui se révèle saisissante et réaliste ou encore cette odeur de poudre qu’on pourrait limite sentir en pleine guerre de Sécession. C’est un univers qui prend aussi son temps pour se dévoiler, certes parfois même un peu trop, et qui est poussé dans le moindre détail. Cela pourra en déranger certains, mais même si parfois l’auteur prend un peu trop son temps dans sa construction, il m’a tout de même captivé et donné envie d’en apprendre plus. Un univers où la notion de moral est ambigu, où parfois il faut savoir se salir les mains pour obtenir un résultat, où la police est quasi inexistante. Il est à noter aussi que l’auteur se base sur des faits réels, l’agence de détectives Pinkerton existe réellement par exemple, ce qui lui offre une base historique qui ancre un peu plus ce que construit l’auteur je trouve.

Alors après, certains points m’ont tout de même légèrement dérangé dans ce roman. Déjà l’intrigue policière m’a paru manquer par moment un peu de puissance, tout ce qui tourne autour de ce corps de femme retrouvé démarre fort, mais sur la fin cela m’a paru n’être conclu que parce-qu’il fallait conclure. Ensuite, certaines lignes de sous-intrigues m’ont paru pas apporter grand-chose au récit. Enfin quelques longueurs se font clairement ressentir, principalement dans le milieu du roman, certes l’auteur écrit très bien et aime pousser son récit dans les moindres détails, mais parfois il ne sait pas toujours s’arrêter je trouve. Alors rien de non plus trop bloquant, mais cela se ressent quand même par moment selon moi. Par contre un point, l’auteur n’utilise aucune ponctuation pour ses dialogues, c’est surprenant au début et pourra peut-être bloquer certains. La plume de l’auteur s’avère clairement soignée, dense, possédant un aspect assez envoutant dans ce qu’il construit et qui happe rapidement, même si comme je l’ai dit parfois elle en fait trop. Au final L’Homme aux Deux Ombres est roman d’ambiance, d’atmosphère et d’évolution de personnages, si cela vous intéresse alors laissez-vous tenter pour vous faire un avis. Si par contre vous cherchez un Thriller ou un roman policier, vous risquez possiblement de ne pas accrocher. A voir quel genre de récit propose l’auteur par la suite, mais il y a des chances que je me laisse tenter.

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman qui m’a offert un récit différent des mes attentes, mais qui m’a accroché. En effet ce roman n’est nullement, selon moi, un Thriller ou un roman de détectives, mais plus une histoire et une construction de personnages avec tout ce qui tourne autour, le tout porté par une image de fond accrocheuse et vivante. Le rythme est ains assez lent, prenant bien le temps de construire, ce qui colle parfaitement à ce récit, mais pourra surprendre ceux qui s’attendent à un récit policier. Les deux héros sont le point fort, je trouve, de ce roman, l’auteur nous proposant des personnages humains, complexes, denses, soignés et loin de tout manichéisme, qui cherchent à trouver leurs voies. C’est à travers leurs blessures, leurs questionnements et leurs évolutions qu’ils vont nous happer. Les personnages secondaires ne sont pas non plus en reste, même si certains m’ont paru manqué d’intérêts. La toile de fond que dessin l’auteur, entre Londres, les USA en pleine guerre de Sécession et l’Afrique du sud, s’avère vivante et offre une ambiance oppressante, saisissante qui colle parfaitement au côté noir du roman et donne envie d’en apprendre plus. Alors après tout n’est pas non plus parfait, j’ai trouvé que l’intrigue policière manquait par moment de force, certaines intrigues secondaires n’apportent pas toujours grand-chose et surtout des longueurs se font sentir par moments. Alors rien de trop bloquant non plus, mais quelques pages en moins aurait sûrement rendu ce récit encore meilleur. La plume de l’auteur s’avère clairement soignée, dense et légèrement envoutante je trouve. Au final un roman d’ambiance et de personnages que j’ai apprécié et qui m’a offert un bon moment.

 

Ma Note : 7,5/10