Résumé : Mumbai. La ville indienne est comme une gigantesque fourmilière, en constante croissance, en perpétuelle évolution. Dans ses rues, creusant leur chemin à travers la vie, par le biais des murs et de la peinture, quatre adolescents y cherchent leur place, et les clefs de l’âge vers l’âge adulte, dans un monde où il est de plus en plus dur de s’intégrer, de se connaître soi-même et de s’accepter.

Edition : Urban Comics

Mon Avis : On reste dans la lignée de mes précédentes chroniques, puisque je continue ma découverte des comics « indépendants » de Ram V. Ainsi après ma lecture de Toutes les Morts de Laïla Starr qui, sans être parfait, m’avait donnée envie d’en découvrir plus de Ram V. (ma chronique ici). Puis ma lecture de Blue in Green, qui m’avait bien accroché avec un récit plus sombre et intimiste (ma chronique ). Je vous propose aujourd’hui mon retour sur Grafity’s Wall. J’avoue j’avais hâte de voir ce qu’allait proposer l’auteur ici, principalement dans son univers ainsi que dans sa représentation de Mumbai, déjà présent de façon accrocheuse en toile de fond dans Laïla Starr.

Grafity’s Wall va nous faire suivre quatre destins, quatre amis qui gravitent autour des mêmes lieux, qui se connaissent bien et qui cherchent à trouver leurs voies. Rien n’est simple, surtout dans une ville où l’émerveillement parait être étouffé et où règnent des règles de plus en plus contraignantes et matérialistes. On va donc se retrouver à plonger dans un récit polyphonique, qui va nous faire découvrir chaque protagoniste, avant de finir dans un dernier acte qui se veut plus ample, plus large et offrir un point de basculement à chaque protagoniste. Il s’agit donc d’une sorte d’entrée dans la vie adulte.
De base, quand j’ai démarré ma lecture, il y avait pas mal de choses qui avaient tout ce qu’il fallait pour me plaire. Sauf qu’une fois ce comics refermé je dois bien admettre que je reste sur ma faim. Il n’est pas mauvais, offrant des choses intéressantes, mais pas mal d’autres points m’ont frustré. Je n’ai clairement pas ressenti le même engouement que j’ai eu avec Blue in Green et même Toutes les Morts de Laïla Starr.

Ram V. m’avait habitué dans ses précédents récits à toujours amener une dose, plus ou moins importante, de fantastique, de surnaturel. Hors ici, il n’y en a pas. Pas que cela dérange dans la lecture, et le soucis vient peut-être de moi, mais durant une partie de ma lecture j’avais cette attente qui ne se concrétisait jamais. Que quelque-chose d’étrange survienne. Surtout que, avis personnel, une petite touche de fantastique aurait peut-être pu offrir une approche différente et une palette supplémentaire à un récit qui va s’avérer à mes yeux trop classique, mais j’y reviendrai. Je ne mets pas en avant ce point comme une déception, ce n’est franchement pas le cas. Pour autant c’est quelque-chose à savoir, si jamais le Fantastique est une composante qui vous intéresse et que vous recherchez dans les récits de Ram V.

Concernant l’intrigue on va suivre le développement de trois adolescents qui, pour la société, entrent de plus en plus dans le monde adulte et ses « lois ». Suresh un graffeur, Jay un dealer qui rêve de faire de la musique et Chasma le poète. Trois personnages, qui ont des rêves, dans un monde trop pragmatique et pourri pour eux. Il y a un quatrième personnage, mais je n’en dis pas plus. Pas que cela spoilerait énormément, mais je préfère éviter. Le récit est ainsi construit de façon polyphonique, avec les trois premiers actes qui nous font découvrir chacun d’entre eux, avant de se lancer dans un dernier acte plus ample.
Une fois la dernière page tournée je trouve cette histoire en demi-teinte. Déjà je trouve que l’écriture en acte, se consacrant à développer chaque héros, est à double tranchant, surtout en un seul tome d’à peine 140 pages. J’ai ainsi eu ce sentiment frustrant lors de ma lecture d’à peine effleurer chacun d’entre eux. Le récit cherchant même plutôt à plus faire passer ses grands messages, qu’à les développer. Heureusement des dialogues plus ciselés, percutants et efficaces, m’ont empêché de me déconnecter un peu trop du développement de l’histoire.

Autre point qui m’a laissé un peu sur ma faim, c’est qu’au final cette intrigue d’adolescents qui doivent évoluer, grandir, devenir adulte, n’a rien de révolutionnaire. Attention, ce n’est pas que le fil rouge est mauvais, loin de là, juste que c’est du réchauffé. Globalement, je voyais à l’avance trop facilement vers où voulait nous emmener les auteurs. C’est fluide, mais c’est sans surprise et vu que, comme dit plus haut, j’ai eu du mal à m’accrocher aux personnage face à un traitement peut-être un peu trop superficiel, ça n’a pas aidé. Le récit aurait pu compenser par les messages sous-jacents qu’il développe. Mais là encore on est dans le trop convenu.
La notion d’amitié au-dessus de tout, de vivre ses rêves car il pourrait y avoir une possibilité que cela arrive, la lutte pour se construire dans ce monde et y trouver sa place, ou encore la notion de créativité et d’art, tout cela est intéressant ,mais manque de force. Un peu comme le ressenti que j’avais avec Laïla Starr, sur cette notion de grand message à faire passer, ces grandes valeurs. Mais tout cela manque d’accroche, et c’est un peu plus frustrant ici. Après on sent quand même une envie d’y mettre de soi dans les personnages, un côté un peu intimiste. Je surinterprète un peu, mais j’ai eu l’impression que l’auteur y mettait un peu de lui dans ses protagonistes avec certains passage profondément humains et touchants.

Après, malgré ce que mes derniers arguments ont l’air de montrer, il y a des choses intéressantes dans ce comics. Le premier point c’est l’univers. Cette représentation de Mumbai, ville qu’on ne doit pas voir souvent dans la pop culture, et qui est très accrocheuse. On y découvre ainsi une ville authentique, colorée, avec ces côtés poétiques et magnifiques, mais aussi par ses côté plus violents plus sombres. Une ville où tout est possible, tout pourrait arriver, de magique comme de souffrance. C’est une ville, qui comme beaucoup de villes, est protéiforme et montre plusieurs « visages » à travers la lecture et aussi les personnages suivis. C’est une ville qui ne manque pas de richesse culturelle, avec ses traditions, ses rites et une énergie qui font qu’on a envie d’en découvrir encore plus. Elle magnifiée aussi par un travail graphique intéressant, même si, on va le voir, certains aspects m’ont frustré.

J’ai découvert Anand RK avec Blue in Green et son style graphique m’avait alors franchement accroché. Un mélange de styles, un travail sombre, perturbant, qui m’avait happé quasiment du début à la fin. Je m’arrêtais même sur certaines pages pour les admirer. Avec Grafity’s Wall, j’avoue avoir été un peu moins emballé. Attention, je n’ai pas été bloqué, mais pour moi avec ce comics j’y ai trouvé du très bon et du moins bon. Dans le marquant on découvre une palette graphique très colorée, qui colle parfaitement, selon moi, avec l’univers construit par le récit. Certaines scènes sont vraiment percutantes et magnifiques et le travail sur l’art de Suresh est très réussi.
Maintenant, à côté de cela, j’ai rencontré des soucis de respect des proportions qui m’ont parfois paru étrange. Dans un récit fantastique, ou psychédélique, cela aurait pu apporter une touche supplémentaire. Dans un récit beaucoup plus réaliste cela fonctionne moins. Autre point qui m’a dérangé, la simplification des personnages quand le champ de l’image s’éloigne. Je prends l’exemple des yeux. Ils sont détaillés quand on est plutôt proches des protagonistes, mais quand on s’éloigne deviennent deux simples points noirs. Un peu comme une impression de « je manque de temps pour tout détailler. Allez hop deux points ça fait l’affaire ». C’est frustrant et parfois ça m’a même déconnecté du récit.
Au final Grafity’s Wall n’est pas une mauvaise lecture, mais elle ne m’a pas marqué comme les autres récit de l’auteur.

En Résumé : Je dois bien admettre que je plongeais dans ma lecture confiant et que je ressors finalement un peu déçu. Dans l’ensemble, ce Grafity’s Wall n’est pas pour autant un mauvais comics. Il offre un univers et une représentation de Mumbai colorée, vivante, complexe pouvant faire rêver comme plonger dans une certaine violence. Le tout est porté par une palette graphique colorée qui colle parfaitement à la ville et qui offre des passages magnifiques. Pour autant le dessin m’a aussi perturbé et parfois laissé de côté devant un manque de respect parfois des proportions ou encore une simplification un peu facile quand le champ de l’image s’éloigne. L’intrigue, où l’on suit trois adolescents, qui vont devoir grandir, faire des choix et évoluer pour continuer à avance est très classique. Peut-être même trop classique. Elle n’arrive jamais à sortir de ce carcan de déjà-vu et tombe dans les grands messages (pouvoir de l’amitié, vivre ses rêves, …) sans arriver à les faire complètement à marquer le lecteur, à le toucher. J’ai trouvé cela dommage. Cela est un peu compensé par des dialogues efficaces et un côté intimiste et personnel qui fonctionne. Au final un comics qui se lit plutôt facilement, n’est pas déplaisant, mais est loin de m’avoir laissé un sentiment impérissable et marquant.

Ma Note : 6/10