Résumé : Mohan l’avait pressenti dès leur première rencontre, ce Rubin Baksh ne lui disait rien qui vaille. Le simple fait de lui proposer plus d’argent pour se rencontrer qu’il n’en gagnait en un mois aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Mais la curiosité étant trop forte, et bien qu’il ait d’abord refusé sa proposition de l’accompagner sur les routes pour réaliser un documentaire culinaire, il finit par accepter. Cette quête de saveurs oubliées et cachées le mènera-t-elle, sans le savoir, au dernier festin de Rubin ?

Edition : Urban Comics

Mon Avis : On continue donc mes chroniques concernant les lectures des comics indépendants de Ram V. (donc hors grosse série MARVEL/DC). Il me reste, à date, deux chroniques à publier (celle-ci et Dawnrunner) et j’ai déjà publie mon avis sur Toutes les morts de Laïla Starr, Blue in Green et Grafity’s Wall. J’espère avoir bouclé ce « cycle » avant de démarrer le mois de septembre. C’est jouable, mais on ne sait jamais. Il me restera alors à lire These Savage Shores. J’espère le faire avant la fin de l’année. Mais revenons à ce comic, Le Dernier Festin de Rubin, porté par le même duo àa qui on doit Toutes les morts de Laïla Starr. J’avais pas mal d’attente concernant ce livre, déjà parce que j’avais bien aimé Laïla Starr et qu’ensuite un récit culinaire a toujours le don de me prendre par les sentiments. Que voulez-vous j’aime bien manger.

Rubin est un chef cuisinier, dans un petit restaurant situé dans un coin reculé de l’Inde. Un jour, suite à la mort du chef de renom Anthony Bourdain il décide de tout plaquer pour aller à Mumbai dans l’espoir de réaliser un documentaire sur la nourriture, les saveurs, mais aussi sur les gens. Pour cela il va enrôler, plus ou moins de « force », Mohan pour en être le réalisateur. Sauf que voilà rien n’est jamais aussi simple qu’on l’imagine et Rubin n’a pas tout raconté à son nouvel acolyte. Comme je l’ai dit, je partais avec pas mal d’attentes concernant ce récit et je dois bien admettre que je n’ai pas été déçu. Je l’ai trouvé mieux maîtrisé que Laïla Starr et il rejoint Blue in Green dans mes meilleures lectures des livres de Ram V. C’est bien simple, je l’ai lu d’une seule traite et il a pas mal trotté dans ma tête après.

Le premier point qui m’a captivé c’est tout ce qui tourne autour de l’aspect culinaire. Le récit est parsemé de nombreuses recettes, de nombreux passages où nos héros font à manger et, j’avoue, cela m’a clairement donné l’eau à la bouche. Limite donner aussi l’envie de cuisiner ces plats, vu que les recettes sont fournies. Les auteurs arrivent clairement à faire immerger le lecteur dans cette gastronomie. Ils jouent facilement sur les sens du lecteur que ce soit visuellement, dans la capacité à faire passer les odeurs, le goût. Pour moi qui aime bien cuisiner, ce fil conducteur m’a happé. Surtout que le récit ne s’arrête pas à de simples recettes, il y a joute un côté plus intimiste, plein d’émotions, de partage, à travers les histoires que le chef Rubin raconte pendant qu’il cuisine. D’une certaine façon, pour moi, cet aspect parfaitement compléter l’histoire et les thèmes qui y sont développés.

Car l’autre point fort du récit vient de la culture, que Ram V continue à développer et à nous partager dans ses récits, mais aussi des messages que cherche à faire passer ce livre. J’ai replongé avec plaisir à la découverte de l’Inde, avec toujours cette impression de mélange de tradition et de modernité. Un pays qui parait foisonnant, vivant, coloré tout du long et qui ne laisse pas indifférent et donne envie d’en découvrir plus.
Ajouter à l’aspect et la richesse culinaire, le récit vient aussi y ajouter une couche mythologique. Principalement avec Rubin, que je vous laisse découvrir, mais qui permet aussi de plonger un peu plus dans les traditions locales. Une Inde ou la magie et les mythes se cachent au milieu des hommes. On y retrouve aussi, je trouve, un message de partage, à travers les échanges qu’amènent les repas, l’hospitalité ou encore l’importance de la famille. La nourriture est ainsi le liant de toute cette richesse et nous rappelle finalement que manger est plus qu’un simple acte biologique pour vivre. Préparer un repas pour les autres n’est pas un acte insignifiant et possède une certaine valeur.
Le récit offre aussi une réflexion sur la quête d’identité pour nos deux héros, que je vais peu dévoiler pour éviter de gâcher le plaisir, mais qui m’a accroché. On les découvre, oublié, perdu, brisé et ce trip documentaire doit leur permettre de se relever, de trouver une place, un sens à leur existence. Tout n’est pas parfait, surtout dans le développement de Mohan parfois trop précipité pour coller à l’intrigue selon moi, mais cela n’empêche pas d’être efficace.

Concernant les personnages, ils sont bien construits et donnent envie d’en apprendre plus d’eux, tout du moins les deux héros principaux. Que ce soit Mohan ou Rubin ils se dévoilent lentement, gagnant en profondeur et en richesse au fil du road-trip qu’ils vont vivre ensemble et du développement de leur amitié. Ils vont se porter l’un et l’autre, au fur et à mesure qu’ils vont se dévoiler et se découvrir. Deux êtres qui cherchent leurs places dans ce monde, l’un à travers la reconnaissance de sa cuisine et surtout de son côté rassembleur, l’autre dans la réalisation de documentaire, mais qui cherche surtout à se reconnecter, à retrouver goût à la vie après des « échecs » et souffrances qui l’ont profondément marqué. Reste qu’en dehors de ces deux protagonistes, le reste des personnages sonne quand même un peu trop creux. Il y a bien deux personnages secondaires, dans l’ombre, qui sont assez présents, mais ils n’ont qu’un seul rôle dans le récit et sont à peine esquissé en dehors de ce rôle. Mais j’y reviendrai.

Un autre point fort, pour moi, de ce récit est l’aspect graphique de Filipe Andrade. J’avais été sous le charme de son style avec Laïla Starr, je le suis encore plus avec Rubin. Le récit est porté par un dessin, rond, fluide, entraînant et par une colorisation chaude, chaleureuse, très colorée et envoutante. C’est cette direction artistique qui vient clairement accentuer l’immersion du lecteur dans le récit. Il le rend vivant, vibrant et attire facilement le regard. D’ailleurs je fais un tout petit parallèle avec un point que j’avais soulevé sur la DA de Anand RK sur Grafity’s Wall, le respect des proportions et perspectives. Autant dans Grafity’s Wall, un récit réaliste et contemporain, cela m’avait dérangé, autant ici je trouve que cela colle parfaitement à l’ambiance et à l’étrange, au fantastique qui s’en dégage par moment. On sent même que, les quelques fois où cela apparait dans ce comics, c’est fait exprès pour faire réagir le lecteur. Pour accentuer l’aspect magique et mythologique.

Dans les reproches que je pourrais faire concernant ce comics, c’est que l’aspect étrange n’a pas non plus, à mes yeux, l’impact espéré. Il me parait même se déconnecter légèrement du récit, un peu comme s’il n’avait rien à faire-là. Attention, il n’est pas sans intérêt et offre une caractérisation supplémentaire à Rubin et permet de mieux appréhender le personnage. Pour cet aspect c’est top. Pour autant la façon dont cela est amené, et sans trop essayer de spoiler, je parle de la chasse, elle ne m’a jamais complètement accroché. Un peu comme si, aux yeux des auteurs, un récit ne pouvait pas être simplement contemplatif et philosophique, il faut y amener obligatoirement de la tension. Autre point que je soulignerais, la construction de l’intrigue m’a paru à deux ou trois moments décousue, brouillonne. A vouloir jouer sur les différentes trames et parfois les temporalités, j’ai par moment dû m’y reprendre à deux fois avant de me remettre dans le récit. Pour autant rien de bien bloquant et rien qui ne m’a empêché de passer un très bon moment avec Le Dernier Festin de Rubin.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce comics. L’aspect culinaire développé lors de chaque recette et fascinant et enivrant. Il offre des thèmes riches et bien amené sur la notion de partage et aussi une représentations culturelle intéressante et qui donne envie d’en apprendre plus. L quête d’identité pour nos deux héros s’avère efficace et ne laisse pas indifférent. L’aspect graphique est immersif, à travers un dessin rond, fluide et entraînant et une colorisation chaude et vibrante. La caractérisation de nos deux est intéressante et permet de facilement s’accrocher à eux. Alors je regretterai des personnages secondaires un peu vides. Le côté étrange, fantastique ne fonctionne pas toujours, principalement dans cette notion de chasse, un peu comme si un récit ne pouvait pas avancer sans qu’il y ait de la tension. J’ai aussi trouve que parfois le récit était un chouïa confus. Pour autant une fois la dernière page tournée j’ai énormément apprécié Le Dernier Festin de Rubin qui m’a aussi donné l’eau à la bouche.

Ma Note : 8/10