Blue in Green – Ram V & Anand RK & John Pearson & Aditya Bidikar & Tom Muller

Résumé : Jeune prodige du saxophone, Erik Dieter n’a jamais percé et enseigne la musique, loin de sa famille et de ses ambitions passées. De retour dans la maison de son enfance suite à la mort tragique de sa mère, il tombe sur une vieille photographie d’un musicien de jazz dans d’étranges circonstances, et sa vie bascule. Désormais, Erik n’a plus qu’une idée en tête : découvrir l’identité de ce mystérieux saxophoniste. Mais cette quête réveille en lui les démons de son ambition… De clubs de jazz en révélations sur le passé de sa mère, Erik sombre peu à peu dans la folie, obsédé par la poursuite du génie créatif et de la reconnaissance… jusqu’à y laisser son âme ?

Edition : Hi Comics

Mon Avis : Je continue mes chroniques des Comics « indépendants » de Ram V. En effet, après ma lecture de Toutes les Morts de Laïla Starr, qui, loin d’être parfait, ne manquait quand même pas d’attraits et m’avait offert un bon moment de lecture, j’avais envie de découvrir un peu plus de la bibliographie de l’auteur. Bien entendu on reste toujours hors univers les plus connus de Marvel/DC qui, sauf exception, n’a jamais réussi à me donner envie de plonger dedans parce que trop « imposants ». Ceci n’est pas une critique de ces univers, je comprends parfaitement qu’ils plaisent, tout simplement je ne pense pas (ou plus) en être un lecteur possible. Je peux me tromper. Mais revenons à cette chronique et il est à noter que mes avis sur les livres de Ram V seront publiés par ordre de lecture et non par ordre de publication, c’est plus logique à mes yeux. A noter aussi que ce comics me tentait aussi par son côté jazz qui m’intéresse toujours et que cette chronique devait sortir il ya des mois déjà ^^.

Nous nous retrouvons ici à suivre un ancien prodige du Jazz, Erik Dieter, qui n’a jamais réussi à percer devenant au final un professeur de musique lambda. Il doit retourner auprès des siens dans sa maison familiale qu’il n’a pas vu depuis longtemps, suite au décès de sa mère. Sauf que ce retour ne se fera pas sans conséquences. D’un point de départ sur une chronique familiale assez classique, le décès d’une personne proche qui va amener le héros à renouer avec un passé trouble, le récit va basculer dans un aspect alors fantastique, avec l’apparition d’un « fantôme » qui va pousser notre héros à enquêter sur le passé de sa mère, mais aussi finalement sur lui-même.
Je dois avouer qu’à ce jour (et pour mieux définir le « à ce jour » j’ai lu Laïla, Blue in Green, Graffity’s Wall, Rubin, Dawrunner, mais pas encore These Savage Shores. Alors que j’aurais dû le lire depuis un petit moment), Blue in Green est le meilleur comics de Ram V que j’ai lu. On n’est pas du tout dans les mêmes thématiques que Laïla Starr et je comprends parfaitement qu’il pourrait ne pas plaire à tout le monde, pour autant de mon côté il m’a vraiment happé et captivé du début à la fin. Il faut dire que d’une certaine façon je me suis aussi retrouvé dans le personnage principal, mais j’y reviendrai.

Un point important de différenciation avec Laïla Starr, ce comic offre une histoire, ou plutôt une tragédie, qui est plus personnelle. Alors non, je ne vais pas m’amuser à différencier l’ensemble des deux comics, ce n’est pas le but et ça ne servirait à rien, les deux livres ne cherchant pas à offrir les mêmes choses. Pour autant, le faire ici va m’aider, je pense, à expliquer mon ressenti personnel.
Contrairement à Laïla, qui cherchait à développer des idées plus universelles sur la vie, la mort, etc. Dans ce récit on suit un homme déjà engagé dans la vie (on ne connaît pas son âge exact, mais il paraît avoir plus la quarantaine que la vingtaine). Suite à une tragédie et à ce qu’il va découvrir, il va reconsidérer complètement sa vie.
Le récit d’introspection nous montre un héros qui remet en question son identité et son passé. Il se confronte non seulement à ce qu’il a vécu, mais aussi à qui il aurait pu être, ainsi qu’à l’image que les autres ont de lui. Il va alors devoir réfléchir sur les différentes influences sur ses choix et les conséquences qu’elles ont eues. Un soi-disant génie du jazz déchu, devenu au final prof de musique « banal », qui vit sa vie en mode automatique et dont un grain de sable va complètement le chambouler, pour ne pas dire le faire vriller.
En fin de compte je pense donc que ramener l’échelle du récit à quelque chose de moins global, avec peut-être un message à moins grande échelle, était plus accrocheur pour moi.

Je ne sais pas si l’auteur cherche ici à représenter une crise de milieu de vie, mais cela y ressemble en tout cas fortement selon moi, le tout, c’est vrai, dans une version peut-être plus sombre que la version « classique représentation cinéma pop culture ». En tout cas, notre héros est broyé par la vie, ses influences, ses souffrances, ses choix et va se lancer à corps perdu dans son enquête pour essayer de se retrouver, se « définir » à nouveau et si possible se reconstruire.
Maintenant cherche-t-il vraiment à trouver une existence propre, ou à retrouver celui que sa mère à chercher à construire dans sa jeunesse? Ressembler à ce fantasme fabriqué, de prodige qui lui permettait de briller à travers le regard et la considération des autres? Cette enquête va le mener aussi à se confronter à celui qu’il est devenu, son enfermement et devoir lutter contre sa difficulté à communiquer avec les autres. Il va se retrouver à devoir faire face à sa sœur, qui lui reproche de les avoir abandonné elle et sa mère, à son ex qu’il aime toujours mais n’a jamais vraiment pu lui dire.

Au final, on est face à un personnage qui se questionne, qui se cherche à nouveau, et c’est aussi peut-être pour cela que j’ai plus accroché, étant plus dans le milieu de ma vie que dans ma « folle » jeunesse. Attention, je suis loin, très loin d’avoir les mêmes névroses et psychoses qu’Erik. Si vous lisez ce comic, cela ne m’a pas empêché de comprendre cette quête d’identité, de renouveau, le but recherché par ce dernier.
J’ai été happé par la découverte de ce personnage, des expériences qui l’ont façonné en bien ou en mal, et des choix qu’il a faits, bons ou mauvais. Même si, bon, SPOILER ALERT, notre héros est plus dans l’idée de la souffrance et de la terre brûlée que dans l’envie d’évoluer, voire finalement de reconstruire et d’avancer. FIN DU SPOILER. Attention, le récit reste crédible ; il ne cherche pas à forcer la souffrance gratuitement. Mais encore une fois, si on compare à Laïla, on ne cherche pas vraiment quelque chose qui se veut positif, mais bien dans un drame, voire une tragédie.
C’est peut-être un reproche que certains feront, et je le comprends parfaitement. Notre héros va finalement chercher la fuite plutôt que la confrontation, la quête de pardon et de reconstruction.

S’ajoute à cette intimité du récit, deux éléments qui apportent une richesse et une ambiance à l’histoire que je trouve très accrocheuse : le Jazz ainsi que le côté surnaturel et légèrement horrifique.
Le premier point est ce côté Jazz, qui est présent juste ce qu’il faut pour imprégner le lecteur, amener une certaine musicalité à l’esprit. Il vient mettre en musique le récit, sans en faire des tonnes. Tout passe simplement par quelques indices jazzy ici ou là, quelques lieux archétypes, des instruments, qui viennent planter le décor rapidement et immerger les lecteurs. Cela permet une musique de fond accrocheuse lors de la lecture, aussi bien, selon moi, pour le néophyte que les amoureux du genre. Alors bien sûr, ce n’est pas un récit centré sur le Jazz, si vous cherchez cela il vaut peut-être mieux passer votre chemin. Le but est juste de mettre une ambiance et aussi, on ne va pas le cacher, de planter le côté tragique qu’on retrouve quand même souvent associé à cette musique.
Le second élément qui m’a accroché vient de ce côté surnaturel qui, sans non plus s’imposer tout du long, vient régulièrement percuter le récit et y apporter une sensation d’étrangeté, de folie. Cela amène une richesse et un impact supplémentaire à cette quête d’identité, de connaissance et de reconnaissance du héros, mais aussi à son aspect tragique. Cela ajoute une facette supplémentaire, qui donne cette impression constante que le héros est sur un fil et peut basculer, sombrer, n’importe quand d’un côté comme de l’autre. Ce côté surnaturel vient clairement appuyer la psyché du personnage, ses troubles, ses souffrances.

Il faut souligner aussi que cette ambiance, cette folie est magnifiquement portée par le travail artistique, que je trouve tout du long envoutant et fascinant. L’esthétique ne plaira peut-être pas à tout le monde, que ce soit dans ces découpages, son travail de dessins, de peinture, voir de palette numérique. Pour autant je trouve que Anand RK offre ici un travail qui colle parfaitement au récit, à son évolution, son étrangeté. Le tout est aussi rehaussé de façon magnifique par le travail de colorisation de Pearson. Ainsi le dessin vient parfaitement soutenir visuellement le récit que ce soit dans les émotions, dans le décor, les lieux, l’enquête, mais aussi dans cette atmosphère qui va changer, se troubler au fur et à mesure de la plongée du personnage dans ses questionnements, sa mélancolie et ses souffrances. Alors après c’est vrai, parfois, graphiquement on ressent un côté un peu brouillon, il faut sur un ou deux passages, du temps pour tout bien comprendre et assimiler les informations transmises sur une page, pas par choix de narration mais plus par une impression de manque de « séparation », de cadrage ou de détail.

On pourrait faire remarquer l’apparition d’un léger creux dans le récit, donnant l’impression de trop tirer sur son intrigue pour remplir le format. Les personnages secondaires paraissent aussi manquer un peu de profondeur et parfois trop tomber dans l’archétype. Pour autant rien qui m’a bloqué dans ma lecture et au final, j’ai passé un très bon moment avec cette plongée dans les méandres de Erik. A suivre ses questionnements sur sa « construction » personnelle, sur l’influence aussi des parents, sur qui nous sommes. Ou bien encore encore sur ce trouble face à un héros qui a toujours été présenté comme un génie du Jazz ; réalité qu’il n’a finalement jamais pu toucher complètement se transformant en rêve brisé avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Maintenant il est à noter que ce récit plus sombre, plus tragique, plus intimiste, ne plaira peut-être pas, je pense, à tout le monde.

En Résumé : Blue in Green est un comics qui m’a véritablement accroché, happé du début à la fin. Il propose une approche plus sombre, plus intimiste, moins « heureuse » ce qui pourrait déranger certains, mais qui a plus fonctionné avec moi.
Je me suis peut-être aussi retrouvé en partie dans cette quête d’identité d’un héros, la quarantaine, qui est forcé par les évènements de se retourner et regarder le chemin parcouru. Il est amené à comparer qui il est devenu, par rapport à qui il a rêvé d’être ; voir l’avenir que d’autres personnes lui avaient façonné et vendu. Certes, c’est un héros qui va foncer tête baissée, un peu sans espoir, ce qui pourrait en déranger certains. Pour autant je trouve que le récit est construit de telle façon, à travers ses expériences, que je me suis attaché à Erik.
L’ensemble est aussi superbement porté par un aspect fantastique qui vient accentuer cette crise, offrant des facettes étrange, tragique, mettant le héros visuellement devant ses contradictions, ses doutes, le tout souligné par un travail graphique et de colorisation qui, même si parfois peut s’avérer légèrement confus, est magnifique et colle parfaitement au développement du récit.
Enfin l’aspect Jazz apporte une musicalité qui est un plus. On pourrait regretter un léger creux dans le dernier quart, des personnages secondaires un peu trop archétypes, mais rien qui n’est venu gâché ma lecture.

Ma Note : 8/10

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  1. Surprenant, un comic sur du jazz.

  2. Taliesin

    Oui ben voilà encore une fois au vu du résumé et de ce que tu en dis, je pense que ce n’est clairement pas pour moi. Je pense que cet auteur et moi on n’est pas pas réellement fait pour s’entendre.

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