Argent Animal – Michael Cisco

Résumé : Lors d’une conférence sur la finance en Amérique du Sud, une idée germe dans l’esprit de cinq économistes : l’argent animal. Cette nouvelle monnaie serait vivante et donc capable de se reproduire. Mais l’idée n’est pas accueillie avec enthousiasme par tout le monde et les cinq économistes vont être la cible de calomnies, de menaces et d’attaques.
Dès lors le climat de tension et de mystère qui marque le début d’Argent animal n’a de cesse de s’épaissir, le roman alternant rêves, délires, considérations philosophiques ou économiques… Les histoires s’engendrent les unes les autres, à l’infini, de la même façon que l’argent animal croît sans cesse et se multiplie, envahissant le monde.

Edition : Au Diable Vauvert

 

Mon Avis : Concernant ce roman, il a terminé dans ma PAL franchement par hasard et sur un coup de tête. C’est bien simple j’ai entendu parler de ce livre il y a quelques mois, quand Jeff VanderMeer en a fait la promotion en mettant en avant que Michael Cisco se classait comme une référence dans la Weird littérature. C’est le genre de commentaire qui a alors titillé ma curiosité et je me suis logiquement renseigné pour savoir de quoi il parlait exactement. J’avoue, je me suis retrouvé intrigué par le quatrième de couverture et j’ai décidé de tenter ma chance et de le découvrir, tout en ne sachant pas réellement dans quoi je me lançais au du côté étrange. Concernant l’illustration de couverture, elle a un petit quelque-chose d’insolite qui, je trouve, colle parfaitement au genre de la littérature Weird.

Ce roman nous plonge dans un monde proche du nôtre, mais qui n’est pas franchement le nôtre non plus, où l’on se retrouve à suivre cinq économistes. Suite à plusieurs circonstances malencontreuses, ces économistes qui étaient invités à une convention, ne peuvent alors participer aux conférences et vont lier un lien et une sorte de camaraderie, qui va les voir créer et développer l’Argent Animal. Sauf que voilà cette idée va faire peur et déranger d’autres personnes qui vont alors tenter de les discréditer, voir de les faire taire. Bon, autant le dire tout de suite parler d’Argent Animal va être très compliqué. J’ai passé un bon, voir un très bon moment de lecture avec ce livre, pour les raisons que je vais tenter de développer dans cette chronique, pour autant je ne pourrai pas le conseiller tant le récit en lui-même est tellement barré, étrange et surtout hautement spéculatif que je pense clairement qu’il ne plaira pas à tout le monde. Le résumé que je viens de faire et qui paraît classique est loin de mettre en avant ce côté fantasque, ne vous laisser pas tromper. Autre point on est, comme je l’ai dit, dans de la littérature Weird poussée à son paroxysme, je veux dire par là que si vous aviez du mal avec les récits de Jeff VanderMeer alors il vaut mieux éviter les écrits de Michael Cisco tant il me parait amener encore plus loin cette impression dérangeante de confusion et de chaos organisé.

On se retrouve ainsi clairement dans un récit qui vient mélanger les genres, partant d’un récit sur des économistes pour nous plonger dans un zoo complètement barré et glauque, une plage nudiste, nous faire rencontrer des vampires, une scientifique qui cherche à faire revivre les morts. L’auteur joue aussi énormément avec la narration, le style. On suit ainsi six à sept points de vues en même temps dont, contrairement à ce qui se fait d’habitude, le récit n’offre pas clairement à chacun d’entre eux une personnalité propre, mais paraît se fondre en un seul protagoniste qui nous entraine peu à peu dans ce récit. Il se dégage ainsi du récit une sorte de confusion, qui s’éclaire pour mieux s’assombrir, qui répond en amenant encore plus de questions, qui nous embrouille, nous perd, tout en, d’une certaine façon, offrant un récit linéaire et prenant. C’est compliqué de parler de ce roman, mais une chose est sûr la plume de l’auteur possède quelque-chose de fort et de captivant qui fait que, appréciant ce genre de littérature étrange, je me suis laissé captiver par ce récit, bien porté par la non-linéarité du récit qui permet de relancer régulièrement l’intérêt du lecteur. On a ainsi clairement l’impression d’osciller entre réalité, rêve, folie, horreur, mauvais trip ce qui permet, à mon avis, de soutenir justement l’obscurantisme des questionnements qu’il soulève, finalement c’est dans l’absurde et l’improbable qu’il va chercher à nous ouvrir les yeux, mais en bloquera certains.

Ainsi il va, bien entendu au vu du titre, nous questionner sur la notion d’argent, sur son importance, sa virtualité, son inconsistance, son évanescence, il le fait ainsi en nous montrant limite les économistes comme des gens appartenant à une secte dominante, à des politiques, qui vont peu à peu en devenir divin et influencer le cours du monde. C’est sur ce type d’allégories, de métaphores, que Michale Cisco pousse le lecteur à réfléchir, à se poser des questions pour tenter d’expliquer. D’une certaine façon le côté étrange et abstrait colle d’ailleurs parfaitement à l’idée même de l’économie, d’argent et banque centrale qui reste très « ésotérique ». Mais il ne fait pas que nous faire réfléchir sur le sujet de l’argent, il brosse ainsi de nombreuses idées, dont je pense même être passé à côté de certaines tant l’ensemble est parfois tellement surréaliste et demanderait un relecture. Ainsi il va nous pousser à nous questionner sur notre société, notre vision du média, de l’influence de la connaissance, de l’apprentissage, sur le capitalisme. Il tente aussi de nous montrer aussi que nous fonçons dans le mur, que, dans le roman, le seul espoir vient de cinq économistes un peu cinglés et de l’apparition d’aliens qui ne sont finalement pas si aliens que cela. D’une certaine façon il nous montre par là qu’il ne faut pas attendre de miracle, que pour changer les choses il faut parfois se battre, même si la cause est perdue et parait insoluble. Alors après, c’est vrai, par moment il donne l’impression d’être un peu trop « vindicatif » dans sa critique, tout du moins c’est parfois l’idée que j’en ai eu, mais dans l’ensemble les thématiques soulevées et le travail spéculatif et philosophique sont tellement foisonnants que c’est le genre de roman qui me traine encore dans la tête malgré que je l’ai terminé il y a plusieurs semaines.

Enfin un dernier point que je souhaiterai mettre en avant, c’est la capacité de Michale Cisco dans, finalement, l’étrange et l’absurde, à soulever des images qui s’avèrent clairement saisissantes, marquantes et percutantes. D’une certaine façon il excelle dans ce côté weird, ce qui offre une ambiance de conspiration oppressantes, dérangeante, sombre. Maintenant soyons clairs, même moi qui apprécie la littérature weird, je me suis senti parfois perdu avec ce livre. C’est bien simple, une fois la lecture terminée, je ne suis pas franchement sûr d’avoir compris 100% du roman, c’est d’ailleurs ce qui me fait dire que j’ai du mal à vous vendre ce roman. Lisez-le, ou ne le lisez pas, mais ne venez pas par la suite pour me mettre au bûcher ^^ Je regretterai aussi une propension de l’auteur à vouloir trop en faire, ce qui amène certaines longueurs, principalement entre la moitié et le dernier tiers du livre. Concernant la plume je l’ai trouvé soignée, riche, barrée et entraînante et au final je suis bien content de ma lecture. Certes je ne suis pas sûr d’avoir compris tout ce que voulait faire passer l’auteur, pour autant c’est, pour moi, le genre de roman qui développe des idées qui résonnent encore même une fois la lecture terminée.

En Résumé : J’ai passé un bon, voir un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous offre un récit dans le genre Weird, où l’on découvre cinq économistes qui inventent l’argent animal. Pour autant, même si j’ai apprécié ma lecture, il va m’être compliqué de vous « vendre » ce roman tant l’ensemble est justement étrange, barré, confus poussant à son paroxysme la notion de weird ce qui en bloquera plus d’un. Vous n’avez pas du tout accroché à Jeff VanderMeer alors je ne vois pas comment vous pourriez accrocher à Michael Cisco. Pour ma part, même si soyons clair je ne suis pas sûr d’avoir compris 100% du récit, j’ai trouvé très intéressante la construction du roman. Ainsi que ce soit par son atmosphère dérangeante, sa narration non-linéaire, ses images marquante et la sorte d’étrangeté d’obscurantisme qui s’en dégage et qui soutient les thématiques, je trouve qu’en creusant il se dégage quelque-chose de prenant et captivant. Mais finalement là où le récit gagne aussi en intérêt c’est dans les questionnements et les réflexions qu’il soulève, que ce soit concernant l’argent, le capitalisme, notre société, notre vision des médias, de l’influence de l’éducation ou encore notre capacité d’acceptation. Finalement « l’argent » en devient ainsi un élément « mystique », voir philosophique qui fait réfléchir. Alors après, comme je l’ai dit, je me suis senti légèrement perdu avec le côté weird et j’ai aussi noté quelques longueurs, même si cela ne m’a jamais bloqué dans ma lecture tant l’ensemble est porté par une plume fluide, soignée et efficace. Maintenant, comme je l’ai dit, il m’est impossible de vous conseiller ou non ce roman, je laisse à chacun le soin de décider.

 

Ma Note : 8/10

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  1. Merci pour ce retour, ce livre n’est pas fait pour moi ! 😉

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