Résumé : Cinq consultants en management, capables d’user des pouvoirs du Soleil Noir, se rendent en Angleterre pour procéder à la liquidation d’une entreprise. Mais ils ne se doutent pas que l’issue de l’audit pourrait être mortelle.

 

Edition : Au Diable Vauvert

 

Mon Avis : Audit est le quatrième conte du cycle d’Alex Jestaire qui tourne autour du Soleil Noir, et j’avoue je me demandais quelle direction allait donner l’auteur à sa série. Je me suis assez facilement laissé tenter par ce livre, surtout qu’il s’agit de contes qui, au final, se lisent assez rapidement et aussi parce-que Crash et Invisible m’avaient offert un bon moment de lecture (ma chronique ici et ). Arbre m’ayant lui laissé une impression plus mitigé dû au fait que j’ai eu du mal à entrer dedans (ma chronique ici), mais pas au point de me bloquer. Concernant la couverture, illustrée par Olivier Fontvieille, je la trouve très sympathique et qui colle parfaitement au récit pour moi et les illustrations intérieures apportent toujours, je trouve, un plus principalement au niveau de l’ambiance.

Ce texte nous plonge cette fois dans le monde de l’audit, milieu que je connais plutôt bien, et plus particulièrement l’audit qu’on pourrait appeler de performance sociale. On va ainsi ici se retrouver à suivre une équipe de cinq auditeurs, ayant chacun plus ou moins une sensibilité avec les pouvoirs du soleil noir, qui sont envoyés en Angleterre pour jauger les salariés et les performances d’une entreprise qui va prochainement fermer. J’ai de nouveau passé un bon moment de lecture avec ce court roman, qui touche à nouveau le lecteur du point de vue social. C’est d’ailleurs, pour moi, une des grandes forces de l’auteur, c’est de toucher juste et de dévoiler une vision crue, percutante et sans filtre de notre monde, principalement d’un point de vue social, en particulier des gens, des laissés pour compte qu’on oublie. Il nous interroge ainsi obligatoirement sur la façon dont est géré notre société, sa richesse et ses habitants sans jamais non plus trop vouloir s’imposer ou forcer le lecteur. Alex Jestaire ne fait ainsi que dévoiler les dérives qui existent des audits et de présenter leurs conséquences, parfois brutales, que cela peut avoir, nous laissant ainsi faire notre propre avis. On reste ainsi dans cette vision sombre, parfois oppressante, d’une civilisation qui a dû se perdre quelque-part. On découvre aussi un monde de l’entreprise froid, réaliste, où le pouvoir se détache de plus en plus des travailleurs et de l’humain, où tout repose sur des chiffres, des bénéfices ou bien encore des rapports. Il n’est pas non plus là pour proposer des solutions ou montrer une révolution, c’est à chacun de se faire son propre avis.

Cela se ressent aussi d’ailleurs clairement dans les personnages qui nous sont présentés, que ce soit à travers le portrait de la première partie comme dans les cinq auditeurs que l’on suit. Alex Jestaire arrive vraiment en quelques lignes à dresser un portrait saisissant des différents protagonistes. Chacun d’entre eux s’avère ainsi complexe, travaillé et intéressant à découvrir. Même cette fameuse équipe d’audit, qui est loin de s’avérer chaleureuse et attachante, donne envie d’en apprendre plus sur eux pour mieux tenter de les comprendre. Ils représentent ainsi d’une certaine façon la face froide et calculatrice de notre société, celle qui cherche à maximiser ses intérêts au profit des autres le tout sans sentiments. Pourtant, à travers le narrateur on découvre qu’il y a quand même un peu plus, une sorte de vide et d’incompréhension, même si on ne doute pas qu’elle disparaît avec les années. Oui on peu les considérer comme des salauds, mais on évite clairement de tomber dans le binaire du méchant, très méchant. Ils ne sont finalement que le produit de notre monde actuel, pouvoir ou pas. Autour d’eux viennent se greffer des personnages secondaires, des personnages que l’on croise aussi rapidement, qui plongent la tête la première dans ce jeu de manipulation à leur insu, dans cette hypocrisie qui leur fait croire qu’ils sont uniques et différents, sans se rendre compte du piège qui se referme sur eux. Je reste un peu plus circonspect concernant le narrateur, Le Geek. Autant en démarrage et conclusion du récit ça ne me dérange pas, autant ces interventions en cours pour tenter d’apporter des explications et aussi un peu de doute me déconnectent toujours un peu du récit au lieu de m’immerger un peu plus.

Là où ce nouveau conte gagne aussi en importance, c’est qu’il vient poser une pierre importante à l’édifice qui est construit par l’auteur autour du Soleil Noir. On se doutait bien, déjà avec Arbre, qu’il y avait plus que de simples « franc-tireurs » qui maîtrisent des pouvoirs, mais qu’il y a aussi un voir groupes qui se sont formés, avec tout ce que ce que cela peut entrainer comme conséquences et frictions. Cet Audit, sans spoiler, vient ainsi complexifier un peu plus tout ce qui tourne autour de cette « magie » et commencer à dessiner les prémices d’un jeu de pouvoir mystérieux qui donne envie d’en apprendre plus. On sait que ça va être sombre et sanglant, mais je suis intrigué par voir ce que va donner la suite en espérant éviter l’affrontement un peu trop binaire.. Ce récit permet aussi d’en apprendre un peu plus aussi sur ce que propose le soleil noir, offrant ainsi différents pouvoirs, différentes utilisations possibles, mais qui dévoile aussi que, malgré cette différence qui leur offre une certaine supériorité, il y a aussi un sentiment d’incompréhension et de solitude. Une ambiance fantastique, légèrement angoissante et dérangeante, qui vient coller parfaitement au récit et aux différentes réflexions soulevées, les rendant encore plus incisives et marquantes selon moi.

Alors après, c’est vrai, certaines réflexions ainsi que certains passages de l’intrigue m’ont paru traité un peu trop rapidement, du fait en grande partie du format court du récit. Cela n’est pas en soit trop bloquant, mais m’a laissé, sur certains aspects, un peu sur sa faim. Autre point qui m’a légèrement dérangé c’est concernant parfois certains pouvoirs, comme celui de Vania ou de Faustine, qui m’a légèrement frustré par tout ce qu’il ouvre, sans vraiment être développé. Je sais que c’est fait exprès, pour maintenir du mystère, mais voilà à chaque fois leur seule utilisation parait un peu convenue, simplement pour montrer au lecteur qu’il y a plus que ce qu’il a vu jusque maintenant et d’une certaine façon l’appâter. Au final rien de bien bloquant, Audit proposant un récit que j’ai trouvé un peu plus accrocheur, le tout porté par une plume de l’auteur toujours aussi simple, efficace et percutante. Je lirai sans soucis le prochain conte, Esclave, qui est sorti il y a quelques jours pour voir ce qu’il va proposer au niveau des questions qui sont soulevées.

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce nouveau conte du soleil noir qui nous plonge dans le monde de l’entreprise et plus principalement de l’audit de performance sociale. Comme dans les précédents le gros point fort du récit vient de la représentation qui est donnée de notre société ainsi que des nombreuses réflexions qui sont soulevées. Il nous dévoile ainsi une vision froide, crue, sans concession et pourtant tellement réaliste de notre monde actuel, et plus précisément des entreprises, où il y a un écart de plus en plus important entre le pouvoir et ses salariés. Alex Jestaire ne cherche ainsi pas à nous forcer la main ou à alourdir son propos, il ne fait que dévoiler une image existante et percutante, laissant au lecteur faire ses propres conclusions. L’autre point intéressant du roman vient des personnages qui s’avèrent complexes et intéressants à découvrir, qu’ils soient attachants ou de vraies salauds. On évite ainsi de tomber dans le binaire, dévoilant ainsi de simples produits de notre société qui ont bien compris que leurs différences peuvent leur faire gagner énormément, même si ce n’est pas toujours gratuit. L’aspect fantastique, avec tout ce qui tourne autour du soleil noir, gagne aussi en densité avec ce livre. En effet Audit vient clairement offrir un basculement dans notre vision de cette magie, amenant ainsi une structure plus complexe avec toutes les conséquences que cela peut bien apporter. Alors après, je regretterai que certains aspects et certaines réflexions soient traités un peu trop rapidement, que certains points liés au fantastique manque parfois de développement, ne donnant l’impression d’être présenté que pour nous appâter, mais franchement rien de non plus trop bloquant. La plume de l’auteur est toujours aussi entraînante, incisive et captivante et je lirai sans soucis le prochain conte du soleil noir histoire de voir ce qu’il va proposer.

 

Ma Note : 7,5/10