La Ferme des Animaux – George Orwell

la ferme des animauxRésumé : Un certain 21 juin eut lieu en Angleterre la révolte des animaux. Les cochons dirigent le nouveau régime. Boule de Neige et Napoléon, cochons en chef, affichent un règlement :
“Tout deuxpattes est un ennemi. Tout quatrepattes ou tout volatile, un ami. Nul animal ne portera de vêtements. Nul animal ne dormira dans un lit. Nul animal ne boira d’alcool. Nul animal ne tuera un autre animal. Tous les animaux sont égaux.”
Le temps passe. La pluie efface les commandements. L’âne, un cynique, arrive encore à déchiffrer :
“Tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres.”

Edition : Folio

 

Mon Avis : Ce roman fait partie des livres que j’ai lu durant mon adolescence et qui m’avait fortement marqué, déjà car je ne m’attendais pas à une telle histoire et que les idées avancées dans ce roman m’ont, d’une certaine façon, permis de mieux cerner certains aspects politiques, humains et peut-être aussi aidé à façonner ma vision de la politique actuelle. Mais voilà cela fait bien plus de dix ans maintenant, j’avais donc envie de relire ce classique et de me faire mon avis avec mon regard d’aujourd’hui qui a changé de celui de l’époque. J’ai donc décidé de sortir ce court roman de ma PAL.

Utiliser des animaux pour mettre en avant une critique de la société n’est pas nouveau et a souvent été utilisé pour permettre une compréhension plus globale et aisée, mais aussi pour contourner la censure. L’exemple le plus connu pour moi reste La Fontaine avec ses fables. Ici tout démarre dans une ferme par un rêve, un rêve de Sage l’Ancien le plus vieux cochon qui s’est pris a imaginer un monde où l’égalité serait la force, où chacun(e) serait apprécié(e) à sa juste valeur et où tout le monde serait récompensé de la même façon tout travaillant pour un idéal commun. Tout va basculer très vite après la mort de Sage l’Ancien et, par un coup du sort, les animaux vont rejeter leurs maîtres, les hommes, devenant ainsi les seuls propriétaires des lieux et vont par conséquent fonder la seule ferme dirigée par les animaux. Mais voilà la différence entre le rêve et la réalité est vaste et va vite rattraper cette communauté.

À travers cette fable l’auteur nous offre finalement une réflexion vraiment efficace, cynique et intéressante sur le développement d’une des grandes phases de l’humanité qu’est la montée du communisme en Russie, mais aussi sur la politique et les manipulations du peuple en général. Pourtant, tout commence bien, après le rejet du capitalisme et des tsars représenté par l’Homme la ferme se lance dans un idylle d’égalité ou chacun y trouve son bonheur, mais très vite les hommes redeviennent des hommes et tout va dérailler devant la quête du pouvoir de la richesse par certains. Entre manipulation des idéaux, trahisons et meurtres politiques tout est fait pour que le plus corrompu prenne le pouvoir. Mais tout cela ne se fait pas sans l’utilisation des mensonges de masses, de la religion, le fanatisme ou encore la mise en place de police et de services secrets ainsi que l’utilisation de bouc émissaire pour bien faire comprendre qui est le chef. D’ailleurs la transformation du personnage héroïque en traitre et terroriste est l’un des aspects qui montre à quel point les gens se font manipuler voir même laver le cerveau devant la ruse et le conditionnement de certains, jouant grâce aux mots de beaux parleurs sur l’ignorance des gens.

L’histoire se révèle vraiment plaisante à lire, en plus de faire réfléchir, par le style de l’auteur qui se révèle vraiment incisif, simple, efficace où chaque mot possède son important et qui utilise le cynisme ainsi que l’humour noir pour bien faire assimiler au lecteur ses idées et surtout, au final, de rester très contemporain. Car oui ce roman est bien plus qu’une critique d’une seule société ou d’une époque. Comment ne pas se sentir proche de certaines idées développées ici ; encore aujourd’hui la manipulation de la population continue à faire son effet face à des idées comme l’insécurité ou les étrangers, encore aujourd’hui les média continuent à faire du journalisme à la carte n’amenant pas toujours d’informations véritables mais seulement ce qui  fait de l’audience offrant même la parole à ceux qui crient le plus fort.

Alors certes on n’est pas dans un régime totalitaire, encore heureux, mais la recette marche toujours démontrant que finalement, tant qu’on sera des hommes, la soif du pouvoir fera qu’il y aura toujours des menteurs et des gens qui profitent. Finalement c’est une des leçons importantes de ce roman c’est que le pouvoir au peuple ne peut exister car il existe toujours des hiérarchies même pour la plus petite décision. D’ailleurs la conclusion le montre parfaitement bien, le capitalisme et le communisme sont finalement très proches reposant sur des hommes tout simplement.

L’anthropomorphisme marche à merveille avec ce petit roman tellement il est facile d’identifier les idées sous-jacentes misent en avant par l’auteur ; les moutons représentant le peuple crédule , les chiens représentant tout ce qui est police et services de renseignements ou bien encore les poules qui représentent l’exploitation dans les fermes russes. Si on connait un peu l’histoire on reconnaitra aussi facilement les animaux nommés qui sont représentatifs de personnage comme Staline, Marx ou encore Trotski. Le format court du roman et le côté un peu simple de la narration pourrait créer une sorte d’incrédulité devant ses évènements, en offrir qu’une simple histoire, mais pourtant le tout est tellement réaliste que le lecteur se laisse porter. Ma seule légère critique est que peut-être parfois l’auteur en fait trop dans la désillusion et la noirceur, mais bon a-t-il vraiment tort? Au final un excellent livre que j’ai relu différemment de l’époque de mon adolescence, n’ayant pas la même approche, et qui devrait être lu par le plus grand nombre, au moins pour se faire son propre avis sur les axes de réflexions que met en avant l’auteur.

En résumé : Voilà un classique de la littérature qui mérite d’être découvert par tous au moins pour pouvoir se faire une idée. À travers une simple ferme en Angleterre l’auteur nous offre une réflexion vraiment passionnante, intéressante et captivante sur la soif de pouvoir, principalement le communisme, mais plus globalement sur les manipulations qui peuvent être utilisées et qu’on retrouve encore de nos jours. L’anthropomorphisme permet facilement de bien comprendre le tout et l’ensemble est très bien porté par une plume simple, percutante et efficace ou chaque mot, au final, possède son importance. Mon seul léger reproche vient du fait que l’auteur parfois pousse à son paroxysme certains aspects sombres, mais bon peut-on lui donner vraiment tort. Un roman qui mérite d’être lu au moins une fois dans sa vie, à minima pour se faire son propre avis sur les différentes réflexions et idées misent en avant par l’auteur.

 

Ma Note : 9/10

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  1. Je savais qu’il ne me fallait pas lire ton article, car, après, j’aurais envie de relire ce bouquin… Que j’ai lu, moi aussi, lors de mon adolescence. Je ne pense as y avoir trouvé, à l’époque autant de choses, et, effectivement une relecture me permettrait de le démystifier un peu.

    Merci. Biz

  2. Je l’ai lu il y a 3-4 ans et j’avais beaucoup aimé. Je crois que pour apprécier il faut effectivement ne pas le lire trop jeune sous peine de passer à côté de plein de connotations, politiques et historiques.

    • Oui je pense la même chose ce n’est pas une lecture à conseiller à minima avant le lycée selon moi (après tout dépend de chacun aussi).

  3. J’avais vraiment beaucoup aimé ce livre. J’ai toujours 1984 de George Orwell qui traîne dans ma pal, mais je me rappelle que La ferme des animaux est très petit et que j’avais déjà mis un sacré bout de temps pour le lire 🙂

    • 1984 je l’ai aussi lu durant mon adolescence et je pense aussi le relire prochainement, un grand classique aussi.

      Merci pour ton commentaire 🙂

  4. Plume

    Bonsoir,
    J’ai lus ce livre au moins deux fois, en anglais et en français. Et ça a toujours été un plaisir. La façon dont Orwell parle des hommes politiques en les comparant à des animaux…C’est vrai que la même chose était présente chez La Fontaine, mais celui-ci, pour moi, a été plus poignant. Voir ces cochons marchant sur leurs deux pattes fouet à la main m’a vraiment donner une gifle mentale mémorable! Sans oublier les personnages qui cachent Lénine, Staline, Trotski mais aussi la propagande si bien joué par Brille-Babil et les autres animaux sont représentés par chaque tranche sociale. Aussi, il y a eus quelques moments touchants, notamment lorsque notre Malabar emmené à l’abattoir par ces cochons ignobles; ou même lorsque Douce se remémore l’ancien temps.

    Je ne vais pas m’attarder plus que cela, ton article reprend bien l’essentiel de ce roman. Mais comprenez, il y a tellement de choses à conter à propos de cette œuvre! Surtout ne l’oublions pas, Georges Orwell l’avait écrit en pleine deuxième guerre mondiale!

    Pour ceux qui ne l’ont pas encore lus, courrez l’acheter ou l’emprunter. Cette œuvre peut aussi être très sympas à étudier au niveau scolaire!

    Sur ce, je m’en vais; pleins de souvenirs en tête, mélancolique…
    A tantôt.

    • La différence entre Orwell et La Fontaine vient aussi que l’époque permettait tout de même à Orwell d’être plus direct. Oui il y a énormément de choses à dire sur ce livre, c’est vrai, à chacun donc de se faire son avis maintenant.

      En tout cas merci pour le commentaire.

  5. Lu en vo durant mon adolescence, un grand livre !

  6. Sonia

    Bonjour,
    bravo pour votre analyse, et plus généralement pour votre blog. Je me permets de diffuser ici un commentaire, synthèse des idées trouvées sur les forum et de mes réflexions. Critiques bienvenues!

    1- La forme du roman

    Parfois classé au rayon jeunesse des bibliothèques, ce livre est facile d’accès. Le titre fait penser à un livre pour enfant, et la prose est loin d’être complexe, quoiqu’elle se densifier au fil des pages, avec l’évolution de l’Animalisme.
    Mettre en scène des animaux a plusieurs avantages. C’est tout d’abord un moyen d’éviter la censure (cf. La Fontaine). Ensuite, l’anthropomorphisme permet d’assimiler les hommes aux animaux, notamment par leurs descriptions ambigües (à propos de Douce, la jument : « une superbe matrone entre deux âges qui, depuis la naissance de son quatrième poulain, n’avait plus retrouvé la silhouette de son jeune temps »). Enfin, la métaphore animalière donner à l’histoire un caractère intemporel.

    2- La critique politique générale

    La dénonciation d’un régime politique est évidente, mais quel régime politique ? Le caractère intemporel de l’histoire (cf. ci-dessus) permet d’appliquer cette critique à de nombreux régimes. Napoléon Ier (et Napoléon III), avec le coup d’état par la force, la gradation des titres du chef, et la célébration de l’anniversaire de celui-ci. Mais aussi Robespierre, Danton et Marat : le premier se terre chez lui (Robespierre / Napoléon), le deuxième communique avec le peuple (Danton / Brille Babil), et le troisième est trahi par ses deux compères (Marat / Boule de Neige). Enfin, comme le voulais Orwell, cette critique s’adresse principalement au régime soviétique.

    3- La critique particulière du régime totalitaire soviétique

    Toutes les composantes d’un régime totalitaire apparaissent progressivement et clairement dans le récit, c’est une dissection du mécanisme de l’installation d’une dictature.

    – « camarades » = socialisme, communisme
    – Le bâtiment de la ferme = le Kremlin
    – Le nom de la ferme = Russie / URSS
    – « père de tous les animaux ». etc. = « petit père du peuple », Staline
    – Drapeau corne/sabot = faucille/marteau du drapeau communiste
    – Cheval travailleur et malléable (Malabar), « plus belle conquête de l’homme » = Stakhanov
    – Moulins terrassés = plans quinquennaux s’effondrant
    – Cochon poète = poètes officiels
    – Pigeons voyageurs = outils de propagande
    – Armée de chien = police politique, KGB
    – Idée particulière de l’égalité = nomenklatura
    – Batailles = références à l’histoire russe
    – Chiots/moutons pris à part = camps de jeunesse
    – Relations avec les fermes extérieurs = métaphore des relations de l’URSS avec l’Allemagne et l’Angleterre pendant la WW2
    – Bois vendu mais contre de faux billets : pacte URSS/Allemagne sur la Pologne, mais non-respecté par l’Allemagne
    – Chants, défilés = exalter un sentiment d’appartenance
    – Haine dirigée contre Boule de Neige = en faire un exutoire pour canaliser la haine inspirée par les mauvaises conditions de vie
    – Portrait du chef et chiffres = diffusion d’une image rassurante et preuves immatérielles de l’efficacité matérielle de son gouvernement
    – Sage l’ancien, son crâne, son rêve = appui idéologique sur l’ancien (Sage), le respecté (sa mort) et le mystique (son rêve)

    4- Dénonciation d’un mécanisme commun à tout régime politique

    Tout régime politique cherche à endormir les esprits des dirigés. Ici, les moyens employés sont assez radicaux : asservissement du corps et de l’esprit.
    L’augmentation continuelle de la charge de travail a pour but de fatiguer le corps et d’occuper l’esprit qui, tournée vers de basses préoccupations physiques, n’a guère de force ni de temps pour des considérations idéologiques.
    L’illettrisme est patent dans cette société. Les cochons se sont imposés par leur supériorité intellectuelle, ce qui montre que la connaissance est un pouvoir, pouvoir qui peut être utilisé pour manipuler les consciences si le peuple manque de vigilance. En effet, les animaux illettrés, manquant de moyens (de mots et de mécanisme) pour décrire et donc comprendre le monde, simplifient à l’extrême les théories qui leur sont soumises. Cela leur est néfaste car les cochons ajustent les lois à leur convenance en y introduisant de minimes modifications que les autres animaux ne perçoivent pas. Par ailleurs, ne comprenant pas grand-chose, les animaux se rattachent au peu qu’ils retiennent, et ce d’autant plus que ce moindre savoir émane d’un gouvernement à l’image rassurante et bienveillante (Malabar : « Le camarade Napoléon ne se trompe jamais » ; on remarque ici la phrase positif accentuant l’ignorance de Malabar qui ne peut même pas faire une phrase négative [le camarade Napoléon n’a jamais tort »]).
    Le troupeau de mouton est une métaphore des foules endoctrinées, de la masse bêlante qui enregistre et répète sans réflexion ; l’effet de groupe se propage d’ailleurs aux autres animaux.

    5- Dénonciation des utopies

    Le projet d’une ferme des animaux est déjà une utopie, dénoncée par le surréalisme de l’histoire : les animaux parlent, écrivent, ils n’inventent rien puisqu’ils se servent des techniques des hommes.
    Orwell ne croyait ni aux idées de droite, ni aux idées de gauche, et montre ici que toute idéologique, poussée à l’extrême, mène toujours au même point d’inhumanité bestiale. D’ailleurs les dirigeants se ressemblent tous : les animaux adoptent les habits et les attitudes humaines. Même au départ, lorsque le totalitarisme est encore en germe, il est évident qu’il va se développer, ce qui se voit dans le choix des cochons, en référence à la saleté, donc aux mains sales, à la corruption intrinsèque. Ainsi, peu importe l’idéologie nouvelle qui est apportée, le changement est toujours une révolution : l’ordre des choses effectue une rotation pour revenir, en fin de compte, à son point de départ.

    6- Conclusion

    Benjamin, l’âne cynique, incarne la morale de cette histoire. Il est résolu à l’idée que tout sera toujours pareil, la dureté de la vie comme l’impossibilité de s’en échapper, conclusion tirée de sa longue expérience (c’est-à-dire de l’histoire, c’est-à-dire de l’étude). Ainsi, il ne croit pas aux utopies proposées car, réaliste et maître de ses désirs, il ne se laisse pas tenter par une simple amélioration de ses conditions matérielles. Cette maîtrise fait défaut aux autres animaux qui foncent aveuglément, dans le mur et à leur perte. Orwell nous avertit donc de toujours garder une consciente éveillée et réaliste, car tout homme est manipulable par son corps et par ses rêves, et cela très facilement, comme le montre la forme simpliste du roman.

  7. MISSCHOU

    Merci pour vos conseils. Mais pourquoi a t’il choisi des cochons comme métaphore ?
    Merci pour vos réponse à l’avance.

    • Pourquoi choisir le cochon? Pour répondre à cela il faut, je pense, se référer à la préface inédite de l’auteur qui déclare « Autre chose: la fable perdrait de son caractère offensant si la caste dominante n’était pas représentée par les cochons. Je pense que ce choix des cochons pour incarner la caste dirigeante offensera inévitablement beaucoup de gens et, en particulier, ceux qui sont quelque peu susceptibles, comme le sont manifestement les Russes. ». Je pense donc que le choix du cochon est là, d’une première façon pour se moquer, choquer et interroger, mais elle peut aussi avoir pour second effet de vouloir offrir une représentation du pouvoir sale, avide, insatiable comme l’image que l’on peut avoir des cochons.
      Maintenant ce n’est que mon avis.

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