la route de la conqueteRésumé : On la surnomme la Faucheuse. Débarquée trente ans plus tôt dans le sud, la généralissime Stannir Korvosa assimile méthodiquement nations et tribus au sein de l’Empire d’Asreth, par la force si nécessaire. Rien ne semble pouvoir résister à l avancée de cette stratège froide et détachée, épaulée par des machines de guerre magiques.
Parvenue à l’ultime étape de sa route, elle est confrontée à un nouveau continent un océan de verdure où vivent des nomades qui ne comprennent pas les notions de frontières ou de souveraineté. Elle doit pourtant affirmer l’autorité impériale car, dans le sous-sol de la steppe, se trouvent des ressources dont Asreth a terriblement besoin. Mais après une vie de conquête, Korvosa pourrait bien rencontrer la plus grande magie qui soit… et se débattre avec une situation inédite : le pacifisme.

Edition : Critic

 

Mon Avis : Ma première plongée dans l’univers d’Évanégyre fut avec ma lecture de La Volonté du Dragon qui m’avait alors permis de découvrir un univers fascinant, mélange de technologie et de magie et qui offrait une histoire efficace et bien rythmé (ma chronique ici). L’auteur a alors continué à développer cet univers à travers différentes nouvelles présentes dans différents magazines et anthologies. Ce livre a donc pour but de regrouper les différents textes déjà publiés et aussi nous offrir deux inédits, offrant ainsi six textes, à découvrir ou redécouvrir. J’avoue que j’avais hâte de voir comment allait se développer cet univers. À noter la couverture, illustrée par François Baranger, que je trouve superbe et efficace.

La Route de la Conquête : Ce texte inédit est un peu le gros morceau du recueil, avec près de 160 pages cette novella nous permet de retrouver Stannir Korvosa, personnage déjà rencontrée dans La Volonté du Dragon, qui est devenue depuis La Faucheuse célèbre généralissime. Aujourd’hui elle doit soumettre les Umaïs à la vision du dragon, mais elle va alors se retrouver en face d’un peuple pacifiste. Je dois bien avouer que rien que pour ce texte la lecture de ce recueil mérite d’être découvert. On a pourtant l’impression de repartir sur les mêmes bases que La Volonté du Dragon, avec ce peuple d’Asreth qu’on commence à bien connaitre, qui vient assimiler un autre avec en tête l’idéal imaginé par Mordranth l’oracle. Pourtant, la force de l’auteur est justement de traiter ce récit de façon complètement différente. On est loin ici de la diplomatie guerrière de sa première novella, mais plus dans quelque chose de plus profond et de fascinant traitant de sujets vastes, réfléchis et intéressants. Entre réalité et idéal rien n’est simple, peut-on vraiment soumettre un peuple qui vit dans la paix? Surtout qu’une donnée vient entrer en jeu, le sous-sol, qui contiendrait des ressources précieuses. On y retrouve cette dualité, cette ambiguïté habituelle, mais toujours aussi bien traité, entre deux idéaux, deux cultures complètement différentes, entre l’avancée de la technologie, du moderne dans l’ancien et le magique, ou bien encore sur la guerre qui doit tout résoudre, mais on y trouve aussi quelque chose de plus profond qui vient des personnages. En effet chacun des héros présentés se révèlent humains et doivent faire des choix en fonction de leurs doutes, de leurs convictions et de leurs failles. La différence de point de vue entre la généralissime et son aide de camp, à la fois si différents et si proches, apporte aussi un aspect nouveau et intéressant, le doute. C’est une des grandes forces de ce court récit. L’ensemble se révèle aussi parfaitement maitrisé, que ce soit au niveau du rythme, des révélations ou des rebondissements et permet de travailler un univers toujours aussi fascinant, complexe et éblouissant.

Au-delà des Murs : Cette nouvelle a été précédemment publiée dans Victimes et Bourreaux, l’Anthologie des Imaginales de 2011. Elle vient nous parler de la guerre et plus principalement des traumatismes qu’elle peut occasionner avec ce soldat qu’on découvre enfermé dans un hôpital, son esprit ayant fait un blocage suite à différentes batailles et aux horreurs qu’il a vu et vécu. Mais qu’a-t-il vraiment occulté de son esprit? L’auteur se met alors à jouer avec ses personnages et son lectorat, oscillant entre vérité et mensonge, entre folie et raison, tout s’embrouille pour notre plus grand plaisir. On plonge avec fascination dans cet esprit perdu, au bord de la folie, dont la vérité lui fait peur et qui va alors s’imaginer une vision complètement différente. Mais où est la vérité? Un texte à la fois prenant, perturbant et passionnant qui permet aussi à travers des flashback de découvrir un autre peuple, celui des guerriers-miroir qui se révèle clairement intéressant à découvrir. La fin se révèle assez ouverte pour offrir au lecteur de faire ses propres choix sur la suite.

La Fin de l’Histoire : Cette nouvelle nous fait découvrir le journal d’un conservateur, un homme qui suit les armées au fil de leurs conquêtes pour consigner et récupérer tous les aspects culturels des régions assimilés, permettant ainsi de les sauvegarder. Un texte qui se révèle sombre et pourtant emprunt de poésie, nous dévoilant un peuple qui sait que sa fin est proche et qui se retrouve en comité pour se raconter des histoires qui se révèlent touchantes. Un texte qui monte lentement en tension au fil des pages, où l’angoisse prend le lecteur lui offrant aussi des réflexions intéressantes sur les extrémités qui peuvent apparaitre, que ce soit aussi bien d’un côté que de l’autre. L’auteur dévoile aussi une guerre qui ne laisse pas indifférent que ce soit dans n’importe quel camp. Mais voilà malgré tout l’intérêt que possède cette nouvelle, je l’ai trouvé légèrement moins prenante que les précédentes. Rien de bien gênant, car elle reste tout de même efficace et entrainante.

Bataille pour un Souvenir : Concernant cette nouvelle elle se révèle un peu différente des autres puisqu’on ne suit pas ici le peuple d’Asreth, mais les fameux Guerriers-miroirs qu’on avait découvert dans une autre nouvelle. Il y a quelque chose de clairement fascinant dans ce texte justement dans la découverte de cette culture et principalement de ces guerriers qui se servent de leurs mémoires qu’ils brûlent pour devenir plus fort, presque invincibles. Il y a aussi quelque chose de poignant dans la façon dont est construit ce récit, plein d’émotions qui nous dévoilent finalement des hommes qui savent livrer leur dernière bataille, mais qui pourtant donnent le maximum d’eux-mêmes pour toujours exister, pour ne pas finir comme une simple page dans l’histoire d’un empire. Mais voilà il y a aussi quelque chose de frustrant dans cette nouvelle car, pour une fois qu’elle permettait de découvrir une autre culture, j’ai trouvé que certains aspects n’étaient pas assez développés. Alors certes ça permet d’offrir un rythme effréné sans se perdre dans trop d’explications, mais voilà j’ai trouvé cela tout de même dommage. J’espère que l’auteur reviendra sur ce peuple du Hiéral, il y a, selon moi, encore beaucoup à raconter.

Le Guerrier au Bord de Glace : Cette nouvelle est un texte inédit et nous plonge bien loin dans l’avenir, à la fin de cette belle unité qu’est l’Empire du Dragon qui maintenant s’entre-déchire dans des batailles intestines. Il y a quelque chose de tout bonnement fascinant dans ce texte, ce sont les combats de mécha que met en scène l’auteur. Des machines aussi hautes que des immeubles qui font clairement penser à certains mangas, le tout dirigé d’une plume experte et rythmée. Le lecteur en manque de sensation forte et qui apprécie ce genre de machines ne peut que se sentir happer par ce texte. La technologie qui nous est présentée se révèle flamboyante, passionnante et l’idée d’y ajouter une sorte de « conscience » apporte son lot de réflexion. Car oui l’auteur ne fait pas que nous offrir ici une bataille de mécha assez jouissive, non il continue aussi à travailler sur l’Homme, premièrement en montrant que finalement quel que soit son projet et la cohésion qu’il apporte il finit toujours par se détruire, ensuite par la relation entre le personnage principal et sa machine qui est soignée, philosophique et captivante. Une très bonne nouvelle, mélange d’adrénaline et d’idée intéressante avec une fin qui se révèle ouverte réussie.

Quelques Grammes d’Oubli sur la Neige : Cette nouvelle se situe complètement hors de la chronologie qui nous est présenté. Est-ce bien avant ou bien après la conquête du dragon ? En tout cas on retrouve ici une fantasy, qu’on va dire, plus classique, avec un monde médiéval, une ville en train de mourir sous la maladie et le froid avec son dirigeant qui va alors prendre contact avec la sorcière locale pour tenter d’améliorer la vie des siens. Un texte assez intéressant dans les idées qu’il développe, considérant que la technologie et le confort que vont apporter ce roi va peu à peu le rendre unique, égocentrique, avide de puissance et l’amener doucement dans une folie qui va le perdre. Un texte sombre, au final peut-être plus classique et linéaire que les autres, mais qui ne manque pas de charme et apporte un contrepoint intéressant à l’univers plus mécanisé qu’est celui d’Évanégyre.

 

Un des aspects qui passionne vient du fait que la Fantasy que nous offre l’auteur est différente de celle qu’on connait habituellement, mettant clairement en avant la technologie par rapport à la magie, qui doit alors s’éteindre pour le bien de tous. Il offre à partir de là pas mal de réflexions, que ce soit sur l’Homme comme sur la guerre ou encore sur la conscience, le tout dans des histoires qui se révèlent efficaces et captivantes. Mais surtout pour la première fois on découvre une chronologie dans cet univers, près de 1000 ans d’histoire à travers ses différentes nouvelles qui résonnent les unes entre les autres, et on se rend compte qu’il y a encore énormément à raconter. L’univers qui se densifie à chaque fois est de plus en plus passionnant, complexe à découvrir et donne envie d’en apprendre toujours plus. En tout cas un recueil de texte qui m’a offert un très bon moment de lecture et je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur qu’ils soient dans cet univers ou pas.

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce recueil de nouvelles qui nous propose de découvrir six textes, dont deux inédits, dans l’univers d’Évanégyre. L’ensemble se révèle clairement efficace entre tension, action, adrénaline et réflexion, où l’auteur n’oublie pas pour autant le côté humain proposant régulièrement des personnages complexes avec leurs forces et leurs faiblesses qui se retrouvent à devoir faire des choix. L’univers que développe l’auteur au fil des textes se révèle de plus en plus captivant, dense et j’avoue que la bataille de mécha très stylisé manga m’a passionné, même s’il ne s’agit que d’un petit élément de l’ensemble. Tous les textes ne sont pas tout à fait au même niveau, mais dans l’ensemble ils sont cohérents et réussis. Ce livre nous offre aussi la première chronologie de cet empire qui court sur près de 1000 ans et qui annonce clairement que tout n’a pas encore été raconté, ce qui est une excellente chose, car j’ai encore envie de découvrir et d’en apprendre plus sur l’Empire d’Asreth.

 

Ma Note : 8/10

 

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