Le Jeu des Sabliers – Jean-Claude Dunyach

le jeu des sabliersRésumé : De mystérieux sabliers. Une étrange prophétie. Et des cartes de tarot, qui contiendraient peut-être la clé de l’énigme… Mais, au cœur d’un monde où le temps est parcouru de crevasses béantes, les ombres laissées par les anciens dieux rôdent toujours… Alliés de circonstance, un jongleur errant, une guerrière aussi jeune que dangereuse et un bouffon étrangement savant se voient remettre, par un singulier vieillard, une carte à leur image. Devenu leur employeur et mentor, l’homme les entraîne dans un jeu mortel où tout est trompeur. Malgré leur méfiance réciproque, exacerbée par une rivalité à fleur de mots et volontiers de lames, pourront-ils déjouer les obstacles et parvenir au bout de leur quête ?

Edition : Multivers
Poche : Folio SF

 

Mon Avis : Jean-Claude Dunyach fait partie des auteurs majeurs de la Science-Fiction française, avec énormément de textes à son actif et pourtant je dois bien avouer que, à ce jour, je n’ai lu que quelques-unes de ses nouvelles, effleurant à peine son œuvre. Il y a quelques mois j’ai donc décidé de rectifier le tir en me laissant tenter par ce roman, annoncé comme le premier de l’auteur, et ainsi découvrir plus en profondeur sa bibliographie. Il faut bien avouer aussi que la couverture, illustrée par Bruno Wagner, se révèle intrigante et donne envie d’en apprendre plus. Il est à noté que ce roman, je ne le savais pas au démarrage de ma lecture, est la réédition d’un diptyque publiés en 1987 et 1988 chez Fleuve Noir.

On se retrouve à travers ce livre à suivre le destin de Jern, un jongleur qui traverse la vie sans se soucier ni s’intéresser à rien, qui va être contacté par Olym, poète, qui a besoin de lui pour mener à bien sa quête permettant de retrouver trois sabliers bien spécifiques. L’histoire dans son ensemble reste, il faut bien l’avouer, très, voir trop, classique avec ce mélange de quête, de héros assez stéréotypés et de prophétie. On sent bien que, ce qui devait être captivant à l’époque de sa première publication, a aujourd’hui perdu de son originalité pour devenir assez courant voir même limite caricatural. Pourtant, cela n’empêche pas l’auteur d’arriver à rendre cette intrigue finalement un minimum intéressante par le fait que le roman se révèle somme toute assez court, ce qui offre ainsi à l’histoire un rythme soutenu et permet de maintenir un minimum de tension tout du long. Mais voilà l’intérêt est aussi contrebalancé par cette impression que l’auteur suit à la ligne un script pré-écrit, ce qui a la mauvaise impression de rendre l’ensemble plutôt linéaire et surtout, marquant quand même de surprise, le lecteur arrivant à deviner à l’avance la plupart du temps les coups de théâtres que le roman cherche à amener.

La force du roman finalement ne réside en fait pas dans l’intrigue, qui ne sert en définitive que de vaisseau à ce que je cherche à faire partager l’auteur, que ce soit aux travers de réflexions, comme des idées qu’il propose. En effet les nombreuses images philosophiques qu’il construit autour de cette quête se révèlent complexes, soignées et en feront réfléchir plus d’un avec, par exemple, ses nombreuses religions qui portent toutes un message plus profond qu’on peut le croire, ou encore cette lente quête initiatique qui va faire évoluer nos héros à chaque épreuve qu’ils vont rencontrer. On en trouve aussi dans ce qui transparait des héros, les différentes peurs sous-jacentes qu’ils développent au fil des pages et qu’on ressent à travers les nombreux non-dits allant de la perte de contrôle, passant par ce besoin de tenter d’avancer et de s’améliorer, mais également l’impression d’inutilité dans ce monde. Ce sont clairement les différentes possibilités de lecture de cette histoire qui ont fait que j’ai continué à tourner les pages avec l’envie d’en apprendre plus. Plus on avance plus on se rend compte que la quête est d’ailleurs viciée, qu’une vérité s’y cache plus profonde, plus intime, mais plus destructrice. Un jeu de manipulation qui aboutit à une conclusion désabusé, sur le dépassement de soi et où tout est un cycle.

Autre point qui se révèle très intéressant c’est l’univers qui est construit dans ce livre, un monde de Science-Fantasy alternant les voyages inter-galactiques, les armes futuristes avec des mondes plus archaïque, très typé Fantasy, avec leurs cultes, leurs sociétés et leurs façons d’avancer. L’ensemble se révèle réussi et ne manque pas de charme, plongeant même, plus on avance dans l’histoire, vers quelque chose qui oscille entre onirisme magique et dureté qui, j’avoue, m’a fasciné et m’a donner clairement envie d’en apprendre plus. Entre la planète chef-d’œuvre de sculpture, la religion des Lanceurs de Pierre qui croient que la pierre est sacrée, l’animal-temple qui se construit dans la chair et les os ou encore ce monastère bien étranger, le lecteur se trouve franchement intrigué par l’ensemble et devant l’imagination de l’auteur qui arrive surtout à rendre le tout cohérent et tout à fait captivant. On sent qu’il y a  derrière tout cela pas mal de densité pour développer d’autres histoires. L’utilisation du tarot apporte aussi un plus, offrant des parallèles métaphysiques qui ne manquent pas d’attraits. D’ailleurs la découpe des chapitres n’est pas anodine, chaque chapitre offrant l’explication d’une lame de tarot.

J’ai trouvé par contre que les personnages étaient l’un des gros points faibles du récit. D’une ils se révèlent caricaturaux, entre la guerrière qui résout quasiment tout par la force et qui la considère comme pièce maitresse de la vie, l’ancien manipulateur et poète qui, vieillissant, recherche la vie éternelle, Dorian qui joue la pièce du bouffon, un nain au savoir sans commune mesure ; seul Jern m’a paru sortir un peu du moule, jongleur qui possède le « mal du pays » et qui ne cherche qu’à passer à travers sa vie sans lumière. Pourtant, il y a quand même de bonnes idées comme par exemple cette idée de symbiote avec Aléna ainsi que les traditions de sa planète, ou encore la façon dont Dorian est devenu un puits de connaissance, mais l’ensemble reste finalement traité que de façon superficielle. Surtout que les héros, selon moi, doivent être moteurs de l’histoire la permettre d’avancer, en premier lieu par les péripéties qu’ils doivent affronter et ensuite à travers leurs backgrounds et leurs constructions qui doivent alors marquer le lecteur et c’est là que je les trouve trop léger. Ils manquent clairement de profondeur et de densité, on aimerait bien gratter cette couche pour savoir qui ils sont vraiment, mais cela n’arrive jamais complètement, c’est frustrant. De plus j’ai trouvé que par moment ils étaient portés par des dialogues trop répétitifs et, de plus, le triangle amoureux me parait manquer d’intérêt.

La plume de l’auteur se révèle, je trouve, soignée, fluide, plutôt efficace et entrainante. Au final je pense que si j’avais lu ce livre il y a une dizaine d’années quand je me suis remis à la lecture, ou bien durant mon adolescence je l’aurais sûrement trouvé bon, mais le lire aujourd’hui avec tout mon passif en littérature de l’imaginaire fait que l’ensemble se révèle très classique et aussi je voyais beaucoup trop de choses arriver à l’avance, l’ensemble manquait donc de surprise. Et pourtant le roman se lit de façon plutôt agréable, porté par les nombreuses réflexions intelligentes, bien posés par l’auteur, ainsi que par son univers qui donne envie d’en apprendre plus et par la plume de l’auteur. Une lecture finalement sympathique, avec ses qualités et ses défauts. En tout cas j’ai toujours envie de découvrir d’autres textes de l’auteur.

En Résumé : Je ressors finalement de ma lecture de ce roman avec un sentiment mitigé mais plutôt positif. L’intrigue se révèle très classiqu,e reprenant des aspects comme la quête initiatique, l’équipe constituée pour la résoudre ou bien encore la prophétie qui tourne autour, mais pourtant l’ensemble a réussi à me donner envie de tourner les pages, principalement par les différentes réflexions efficaces, intelligentes et bien amenées que propose l’auteur, aussi bien sur les personnages que sur les différents peuples qu’ils rencontrent, ou bien encore par l’univers dense et efficace qui se dévoile au fil des pages et donne clairement envie d’en apprendre plus. Concernant les personnages j’avoue que je les ai trouvés un peu trop stéréotypés et surtout manquant cruellement de profondeurs malgré quelques bonnes idées, ce qui fait qu’on a parfois du mal à s’attacher complètement à eux. La plume de l’auteur se révèle fluide, efficace, soignée et plutôt entrainante. Au final un roman intelligent qui, sur la forme, a du mal à se sortir de son aspect très conventionnel, mais cela reste plutôt agréable à lire et en tout cas m’a donné envie de découvrir les autres écrits de l’auteur.

 

Ma Note : 6,5/10

 

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  1. Tu fais bien de parler du fait que c’est une réédition, quand j’ai acheté et lu ce roman je me suis retrouvée avec une monstrueuse sensation de déjà-vu, jusqu’à que je comprenne que je l’avais déjà lu presque 10 ans auparavant. Ca m’a pourri toute ma (re)lecture xD.

  2. Un vrai ascenseur émotionnel, cette chronique 😉 Tu me rappelles justement que j’avais envie de découvrir Dunyach dans un format plus long après avoir beaucoup aimé sa nouvelle pour la décade de l’imaginaire l’an dernier… Et j’ai eu envie de choisir ce titre là, puis pas ce titre-là, puis ce titre-là au fil de la lecture de ton avis ^^
    Au final, j’irai peut-être voir ailleurs… Etoiles Mortes, ça a l’air chouette 🙂

    • C’est vrai que sur certains aspects ce roman a mal vieilli et même s’il reste intéressant oui je pense que peut-être découvrir d’autres romans ou écrit de l’auteur peut se révéler plus intéressant. Après à toi de voir 🙂

  3. Gdb

    Un auteur vraiment formidable. En plus d’être une adorable personne, et je ne l’ai pourtant croisé que 3 jours lors d’un atelier d’écriture, c’est un auteur qui compte pour moi dans la sphère SF. Si je peux me permettre, je vous conseille ses recueils de nouvelles comme « les harmoniques célestes » ou « 10 jours sans voir la mer » aux édition atalante.
    Laissez vous envouter 😉
    Gdb

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