Louisiana Breakdown – Lucius Shepard

Résumé : « Si d’aventure vous allez faire une balade dans le sud-ouest de la Louisiane et que vous tombez sur une station-service délabrée où quelques vieux portant bretelles écoutent du base-ball à la radio en crachant leur jus de chique dans un pot, que vous passez ensuite devant une gargote et que vous apercevez après cela une fenêtre décorée de symboles occultes, un conseil : méfiez-vous et levez le camp au plus vite. Car si ce n’est sans doute pas la ville de Graal, c’est manifestement un endroit tout aussi bizarre, un de ces endroits où il est préférable de ne pas s’attarder. Ignorer ce conseil, c’est au mieux courir le risque de réaliser combien il demeure fort peu de magie dans ce monde, et combien elle est employée à des fins misérables. Au pire, c’est tomber amoureux. Et il ne faut surtout pas tomber amoureux dans pareil lieu. Croyez-moi sur parole et lisez donc ce qui est arrivé à Jack Mustaine… »

Edition : Le Bélial’
Poche : J’ai Lu

 

Mon Avis : Lucius Shepard est l’un des auteurs dont j’apprécie beaucoup la plume, les histoires qu’il raconte, ainsi que les univers qu’il crée et le travail d’imagination dense et captivant qu’il propose. J’avais ainsi été emporté par ces textes sur Griaule comme par son recueil de nouvelles Sous Des Cieux Étrangers. Pourtant, cela fait un bon moment que je ne me suis pas lancé dans un roman de l’auteur, trop emporté par le rythme des nouveautés j’ai un peu oublié certains livres dans le fond de ma PAL. J’ai donc décidé de changer cela et de faire ainsi sortir de ma pile ce Louisiana Breakdown au résumé intrigant et à la couverture, illustrée par Philippe Gady, que je trouve assez accrocheuse.

Ce livre nous plonge en Louisiane, dans la ville de Graal où vient d’échouer Jack Mustaine, musicien, après un incident sur sa voiture. Obligé de rester quelques jours, il va tomber sous le charme de Vida Dumars, une femme au passé trouble et actuelle Reine du Solstice. Et qui est ce fameux Homme Gris qui est célébré à la fête de la Saint-Jean, rituel que tout le monde attend avec impatience et qui va voir élue la nouvelle reine du Solstice. Je dois bien admettre que, oui, replonger dans un roman de Lucius Shepard fait toujours du bien. Il se dégage ainsi à chaque fois quelque chose, une envie de plonger dans l’histoire, que ce soit à travers le style de l’auteur, de la construction du récit comme de l’imagination. Pour autant ce Louisiana Breakdow me laisse clairement sur ma faim, certes il est très sympathique à découvrir, il se laisse lire très facilement et emporte un minimum, mais certains points ont fait que je ne suis pas non plus été totalement convaincu par ce livre. Pourtant, j’ai été tout de même assez facilement happé, tant le travail d’ambiance et le côté un peu fantastique possède ce côté accrocheur qui fait qu’on se laisse facilement transporter par le récit. L’ensemble s’avère aussi fluide à travers un rythme efficace, qui monte bien en tension au fil du récit.

Le gros point fort vient ainsi de l’image que construit l’auteur autour de ce village de Louisiane. Cette ambiance légèrement oppressante, poisseuse, différente, légèrement dérangeante qui vient coller parfaitement au récit que construit l’auteur. On y retrouve aussi tout ce qui ressort toujours dans l’imaginaire dès qu’on parle de Louisiane, que ce soit Vaudou, marécages, côté fantastique, magie et ces villages paumés avec leur lots de folies et de bizarreries, mais sans jamais non plus tomber dans le cliché. On y retrouve tout cela dans ce court roman et bien plus, le tout porté par un côté fantastique qui s’avère solide et bien construit et qui apporte un vrai plus à l’ensemble. Il vient ainsi se fondre parfaitement dans l’ambiance et l’image que construit l’auteur, évitant ainsi de paraitre trop déconnecté ou donner l’impression de trop en faire simplement pour faire frissonner ou réagir le lecteur. Non, l’ensemble parait clairement réaliste et pourrait exister. Il faut aussi dire que le tout est présenté par un travail descriptif de Lucius Shepard qui est franchement dense, captivant et soigné. Je pense par exemple à cette introduction qui arrive à nous donner l’impression de visiter Graal, d’être soi-même visiteur de ce village, sans jamais non plus tomber pour autant dans le côté lourd ou ennuyeux. On découvre ainsi un village hors du temps, perdu dans ses traditions et ses mythes, loin de la ville, de sa folie, qui y trouve son compte dans cet aspect qu’on pourrait considérer comme un « trou perdu », mais qui finalement leur offre bien plus que cela, une survie nécessaire.

Concernant les personnages, rien à dire concernant nos deux héros, que ce soit Vida ou Jack on découvre deux protagonistes construits, soignés avec un minimum de profondeur pour nous happer dans leurs aventures et surtout leurs mésaventaures. Deux personnages blessés par la vie, par leurs rêves brisés, leurs déceptions et qui vont se télescoper, s’aimer, pour mieux se perdre. Jack détonne clairement au côté des autres, à la fois présent pour une mission bien particulière, mais complètement déphasé des traditions et de la culture locale qu’il ne comprend pas, dont il s’amuse tout en sentant qu’il peut y avoir pourtant du vrai. La vision d’un gars de la ville sur les habitants d’un village. Vida elle est un pur produit de Graal, qui connait le prix à payer de ce village, qui possède un lourd passé et qui cherche à s’en extirper, s’en évader par tous les moyens. Autour d’eux on découvre d’autres personnages secondaires, qu’on pourrait considérer comme un peu étranges, collants pourtant parfaitement au récit et à l’ambiance construite. Mais voilà ce qui est dommage c’est que ces personnages secondaires ne sont finalement là que pour ce côté étrange et apporter quelques éléments à l’intrigue. J’ai ainsi trouvé qu’ils manquaient de profondeur, il y avait pourtant, je trouve, matière, à offrir un ou deux personnages supplémentaires plus épais, ce qui est légèrement frustrant surtout à la vue de toute la mythologie construite.

La conclusion est intéressante dans tout ce qu’elle soulève comme questions et aspects fantastique, que ce soit sur cette notion d’amour, d’amour perdu et tout ce que cela engendre. Il y a aussi une réflexion intéressante sur la notion de mythe dans notre société, sur la notion de choix et de peur. Mais cette conclusion a aussi un petit côté frustrant par tous ces non-dits et ces mystères dont, pour certains, on aurait aimé avoir un peu plus d’explications. Là où par contre je suis un peu insatisfait c’est que malgré toutes les qualités que possède ce court roman (et il en a), un sentiment de déjà-vu est resté tout le long de ma lecture. Même si l’auteur offre sur certains points quelques variations, j’ai eu l’impression de plonger dans une histoire que j’avais déjà vu et revu de nombreuses fois, ce qui rend l’ensemble au final assez linéaire et prévisible. Reste tout de même une ambiance hypnotisante et envoûtante, le tout porté par une plume que je trouve franchement soignée, dense et prenante qui nous captive assez facilement dans son récit. Au final un Lucius Shepard qui m’a peut-être moins emporté que d’autres de ses écrits, mais qui offre tout de même un moment de lecture très plaisant.

En Résumé : J’avoue, même ce court roman s’est révélé une lecture plutôt plaisante, j’avoue ressortir avec un léger sentiment de frustration, le livre n’ayant pas complètement répondu à mes attentes. Il s’agit d’un récit fantastique légèrement angoissant qui nous plonge dans le fin de fond de la Louisiane. La toile de fond qui nous est présenté, ainsi que l’ambiance s’avèrent pourtant être un gros point fort du roman, s’avérant oppressante, dérangeante et envoutante. On découvre un imaginaire qui colle parfaitement à la Louisiane sans donner l’impression de tomber dans les clichés. L’aspect fantastique colle parfaitement au récit et apporte un vrai plus. Concernant les personnages autant Jack et Vida se révèlent très intéressants à découvrir, offrant des personnages complexes avec leurs blessures et leurs envies, autant les personnages secondaires, même s’ils collent parfaitement à l’ambiance du récit, m’ont paru manquer de profondeur. La conclusion est intéressante dans son aspect mystique et ce qu’elle soulève, mais offre trop de non-dit ce qui la rend aussi légèrement frustrante. Là où par contre je suis un peu déçu, c’est dans cette impression de déjà-vu que j’ai eu tout le long de ma lecture. Je pense que si je l’avais lu au moment de sa sortie, j’aurai plus accroché, mais là en le refermant j’ai eu l’impression d’avoir un récit, certes qui ne manque pas de qualités, mais qui n’offre rien de nouveau, se révélant ainsi plutôt linéaire et prévisible. La plume de l’auteur est toujours aussi dense, soignée et captivante et happe le lecteur assez facilement. Au final un Lucius Shepard que j’ai trouvé moins bon que mes précédentes lectures de lui, mais qui reste tout de même divertissant.

 

Ma Note : 6,5/10

 

Autres avis : Lhisbei, L’Ours Inculte, …

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  1. Oh! Mince c’est dommage ce retour mitigé. Je le pensais plus abouti. Je l’ai dans ma PAL, aussi rien que pour l’ambiance opressante je me le lirai tranquillement à la lueur du feu de cheminée (et de la lumière).

    J’ai dorénavant moins d’attentes! merci 🙂

    • De mon côté je ne dirai pas qu’il n’est pas abouti, juste je trouve que par rapport à mes différentes lecture du genre et aussi aux films de fantastique du même genre que j’ai pu voir, il a vraiment une impression de déjà-vu. Je n’enlève en rien pour autant les qualités que possède ce roman, juste qu’une fois la dernière page tournée il manque cette petite différence qui m’aurait encore plus accroché.

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