Résumé : In the early years of the 20th century, a group of female factory workers in Newark, New Jersey slowly died of radiation poisoning. Around the same time, an Indian elephant was deliberately put to death by electricity in Coney Island.
These are the facts.
Now these two tragedies are intertwined in a dark alternate history of rage, radioactivity, and injustice crying out to be righted. Prepare yourself for a wrenching journey that crosses eras, chronicling histories of cruelty both grand and petty in search of meaning and justice.

Edition : Tor

Mon Avis : J’ai entendu parler de ce livre il y a un an, au moment de sa publication. En effet, je suis avec attention la collection de textes courts que propose Tor depuis quelques années et j’avais été intrigué par la promotion de ce texte. Je ne connaissais rien des écrits de Brooke Bolander, mais le résumé ainsi que la couverture avaient réussi à attiser ma curiosité, mais pas assez pour autant pour que je me laisse rapidement tenter. Je me demandais si j’allais vraiment accrocher à ce récit avec des éléphants. Puis, comme souvent je l’ai mis de côté, noté dans ma Wish. Il a fallu attendre que l’éditeur propose de découvrir cette novelette (entre 7500 et 17500 mots selon les différents prix anglosaxons) en l’offrant gratuitement pour que je la fasse enfin entrer dans ma PAL, mais je pense que j’aurai de toute façon craqué, puisqu’il y a peu elle a été nominée aux Nebula Awards.

Cette novelette va ainsi nous faire suivre plusieurs lignes d’intrigues. Une première au début du 20ème siècle où Regan, une des Radium Girl condamnée, entraîne un éléphant, Topsy, pour la remplacer. Une seconde bien des années plus tard où une scientifique, Kat, tente de négocier avec une matriarche éléphant. Enfin au milieu de tout-cela vient se rajouter une mythologie que se raconte les éléphants depuis la mort de Topsy. J’avoue, j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce texte, certes tout n’est pas non plus parfait dans la construction et on sent aussi la contrainte du format court, mais pour autant cette histoire a franchement réussi à me captiver et me toucher. Déjà il faut savoir qu’il s’agit d’une réécriture de l’histoire, Topsy et les Radium Girls ont bien existé, mais le premier est mort au début des années 1900, tandis que les secondes ont commencé à être « exploité » à la toute fin de la première guerre mondiale si je ne me trompe pas. Je vous laisse faire des recherches, les deux sujets sont intéressants, mais pour résumé Topsy est un éléphant qui a été exécuté suite à la mort d’un de ses gardiens qui, pourtant, le maltraitait et son exécution a été transformée en spectacle, tandis que les Radium Girls sont des ouvrières embauchées pour peindre des cadrans lumineux avec de la peinture au Radium, un élément radioactif.

C’est ainsi à partir de ces deux évènements que l’autrice construit son récit et surtout réécrit l’histoire. Elle offre ainsi un récit marquant, d’une grande complexité, proposant plusieurs niveaux de lecture et qui surtout ne manque pas de s’avérer riche dans ses thématiques et sa toile de fond et amène de nombreuses réflexions. Ainsi à travers ses deux évènements elle montre, d’une certaine façon, comment ceux qui sont en bas de l’échelle, de valeur ou bien sociale, se retrouvent facilement opprimés, utilisés. Ainsi, à travers ces deux tragédies Brooke Bolander vient construire quelque-chose qui captive rapidement, mais surtout marque le lecteur je trouve, que ce soit dans le travail émotionnel comme dans la construction. D’une certaine façon elle délivre un message fort, une dénonciation, tout en restant sobre. Elle ne dépasse ainsi jamais cette ligne de vouloir montrer une réflexion sur des évènements affreux, tout en ne tombant jamais dans l’accusation gratuite et matraquée de façon trop forte. C’est ainsi fait avec finesse et soin, montant en tension au fil des pages de façon prenante. Il faut dire que l’entremêlement de plusieurs narrations permet aussi cette lente montée en tension, cette construction par étape, qui fait qu’on se retrouve rapidement accroché, captivé. Une autre des grandes forces de ce récit vient clairement de la sensibilité, de la justesse de ton, ainsi que l’ambiance envoutante qui enveloppe l’histoire selon moi.

Certes, l’intrigue est finalement assez simple dans les grandes lignes, pour autant elle ne manque pas de s’avérer solide et efficace, amenant aussi quelques bonnes surprise par moment. Là où aussi elle gagne en intérêt et en originalité vient des brides de mythes que les éléphants se transmettent, ou bien encore dans l’univers de Brooke Bolander cette idée que les éléphants communiquent avec l’Homme à travers une sorte de langage des signes. Cela offre, c’est vrai, une humanisation de ses derniers, mais qui fonctionne très bien, s’avérant pertinente dans le contexte et ne cherchant pas non plus à trop en faire. Les personnages de Regan et Topsy sont aussi très intéressants, que ce soit dans un premier temps dans leur construction plutôt soignée malgré un format plutôt court, mais aussi principalement dans leurs rencontres et leurs associations. D’une certaine façon deux opprimés se sont rencontrés et ont réussi à créer bien plus qu’une simple amitié, ont réussi à se trouver des points communs malgré leurs différences, à se rendre compte que finalement Homme ou Animal, on est tous au même point dans ce monde. Cela n’est pas non plus sans faire écho obligatoirement à notre société actuelle, principalement dans la façon dont nous traitons la nature, notre planète et autrui et c’est amené avec assez de finesse pour nous questionner.

Mais le récit ne fait pas que nous faire réfléchir sur ses sujets, il brasse aussi d’autres réflexions que ce soit sur la notion de classe, le futur que l’ont veut offrir à notre monde, la capacité en agissant ensemble de changer les choses et d’autres sujets encore. Surtout il le fait avec justesse, même si parfois de façon un peu précipité, et ne laisse pas indifférent je trouve. Concernant la plume de l’autrice elle s’avère vraiment prenante, captivante, soignée, tout en offrant par moment quelque-chose de plus incisif, de plus acéré. Pour autant comme je l’ai dit quelques aspects m’ont paru un peu moins réussi et le premier point vient, vu que j’en ai peu parlé, de la ligne d’intrigue qui tourne autour de Kat. En soit elle a un intérêt, car elle est là pour nous offrir une vision de l’avenir après Topsy et Regan, pour autant j’ai trouvé que l’héroïne manquait d’intérêt et de charisme. Certes l’autrice cherche à la rendre complexe face au choix qu’elle prend, mais voilà elle n’a pas réussi à complètement me convaincre. Enfin je regrette aussi la conclusion, dont je ne vais rien dire pour ne pas spoiler, mais qui m’a paru coupé un peu tôt, ne voulant pas montrer les conséquences de certains choix, laissant sûrement l’imagination de chacun prendre le dessus, mais qui m’a pourtant frustré justement car elle évitait cette culmination finale. Finalement, cette novelette fût une belle surprise et elle m’a offert un très bon moment de lecture.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec cette novelette, qui nous offre une réécriture de l’histoire, se servant de deux faits réels : le Radium Girls et l’éléphant Topsy. À partir de là elle va construire un court récit, où s’enchevêtre plusieurs fils d’intrigues, que j’ai trouvé extrêmement riche, captivant, touchant et surtout efficace. On pourrait trouver l’intrigue simple, mais pour autant elle ne manque pas de se révéler solide, offrant de bonnes surprises et quelques originalités intéressantes avec les éléphants. Le récit est construit de façon à monter en tension au fil des pages et à réussi à me captiver rapidement. De nombreuses réflexions sont aussi soulevées ici, que ce soit sur la notion de classes, d’exploitation, la façon dont nous regardons les autres, la nature, notre planète ou encore sur notre capacité à changer les choses. Brooke Bolander nous offre ainsi ici une histoire traitée avec justesse, qui ne m’a pas laissé indifférent, se révélant efficace et percutante, le tout porté par une plume soignée, entraînante et qui sait se montrer incisive. Je regretterai juste le personnage de Kat qui m’a paru un peu trop éclipsé et moins intéressant, ainsi qu’une conclusion qui fait le choix de ne pas montrer le point culminant de certains choix, là où, pour ma part, il me paraissait intéressant qu’il soit présenté. Maintenant les défauts sont minimes devant les qualités que j’ai trouvé à ce texte et qui m’a offert un très bon moment de lecture.

Ma Note : 8/10