Vongozero – Yana Vagner

vongozeroRésumé : Anna vit avec son mari et son fils dans une belle maison près de Moscou. Un virus inconnu a commencé à décimer la population. Dans la capitale en quarantaine, la plupart des habitants sont morts et les survivants – porteurs de la maladie ou pillards – risquent de déferler à tout instant. Anna et les siens décident de s’enfuir vers le nord, pour atteindre un refuge de chasse sur un lac à la frontière finlandaise : Vongozero. Bientôt vont s’agréger à leur petit groupe des voisins, un couple d’amis, l’ex-femme de Sergueï, un médecin… Le voyage sera long, le froid glacial, chaque village traversé source d’angoisse, l’approvisionnement en carburant une préoccupation constante.

Edition : Mirobole Editions

 

Mon Avis : Je me suis laissé tenter par ce livre pour deux raisons principalement. La première vient de la maison d’édition, Mirobole, qui, je trouve, permet la découverte d’œuvres voir d’auteurs intéressants, mais dont finalement on entend peu parler ; j’ai ainsi découvert la plume mordante de S.G. Browne mais aussi celle plus angoissante d’Anders Fager et je n’ai pas été déçu. La seconde raison vient des quelques retours que j’ai vu passer à droite, à gauche, me donnant envie de lire ce roman limite post-apocalyptique. Ajouter à cela une couverture toujours aussi sobre, mais qui se révèle intrigante et donne envie d’en apprendre plus, il n’a donc pas fallu attendre longtemps avant que ce roman rejoigne ma PAL.

On se retrouve donc, tout au long du récit, à suivre le quotidien d’Anna qui, suite à l’apparition d’une épidémie non maîtrisable, ce qui crée la panique, va se retrouver à fuir sa petite banlieue avec famille, voisins ainsi que l’ex-femme de son mari, pour aller se cacher à Vongozero dans une cabane perdue. Alors oui, clairement, l’intrigue n’a rien de révolutionnaire : une catastrophe qui occasionne la fuite d’un groupe d’individus qui vont se retrouver face à eux-mêmes et face à des choix, cela s’est déjà vu dans de nombreux récits. Pourtant avec Vongozero j’ai été happé dès les premières pages pour ne quasiment plus pouvoir lâcher le livre. Dès le début, l’ambiance est posée, elle se révèle intimiste, angoissante et montera crescendo au fur et à mesure de la lecture, poussant ainsi à vouloir en apprendre plus, à savoir comment ce voyage va se dérouler et quelles conséquences il va occasionner sur nos héros. On est pourtant loin des romans nerveux et sans temps morts, pourtant il nous agrippe et d’une certaine façon fascine. Surtout que l’auteur parait maîtriser parfaitement bien son récit, alternant efficacement des phases calmes avec des phases plus stressantes qui font que le lecteur ne s’ennuie jamais et offrant une lecture fluide, entraînante et réussie. Certes, vers la fin je reprochais une construction du récit un peu répétitive, mais rien de non plus gênant et se ressent à peine.

Le point principal qui fait que, pour moi, ce récit se révèle fascinant, et finalement diffère des récits du même genre, c’est le travail psychologique effectué sur chaque personnage. L’auteur, d’une, ne tombe jamais dans les stéréotypes qu’on peut retrouver dans ce genre de récit, avec un personnage fort qui se dégage par exemple, nous offrant plus des personnages « lambda », comme chacun d’entre nous. Des banlieusards, habitués à un certain confort, qui se retrouvent par la force des choses à devoir fuir et surtout fuir en groupe, ce qui n’est pas toujours facile. De deux, chaque protagoniste en plus de se révéler humain, sont soignés, complexes et surtout nous pose des questions sur nous-même, sur ce que l’on aurait fait devant les mêmes situations. C’est la grande force du récit, cette capacité à nous interroger sur notre morale, notre humanité, nos possibles réactions face à des aspects stressants et risqués, mais aussi dans un groupe hétéroclite. L’Homme est finalement capable de tout, le pire comme le meilleur. Chaque personnage possède aussi sa propre personnalité, vue au travers du prisme du regard d’Anna la narratrice, qui se révèle une héroïne attachante au fil des pages, face à ses actions, ses choix et ses doutes qui l’effraient de plus en plus ou qui l’obligent à voyager avec des personnes qu’elle n’apprécie pas forcément. Après c’est vrai que vers la fin je me suis un tout petit peu détaché d’elle, par son inertie, son besoin de s’autoflageller avant de se lancer dans une rébellion, limite d’adolescente, rien de gênant, mais qui m’a légèrement ennuyé. Les autres personnages, qu’ils gravitent autour d’elle ou qu’elle rencontre au fil du récit, se révèlent eux aussi efficaces, complexes, devant faire face à leurs propres démons et à un monde qui s’écroule.

Placer le récit en Russie apporte aussi énormément au récit, principalement dans cette ambiance glaciale et stressante, mais aussi à travers les lieux visités et les décors présentés. Pays à la fois urbanisé avec de nombreuses villes, regroupant des centaines de milliers de personnes et leurs lots de contaminés, mais aussi paysage vide, blanc, enneigé et aride, où peut se cacher le pire de l’humanité et offrir surtout un grand vide qui parait  indomptable, limite déprimant. Voilà ce qui oscille devant nos yeux, au travers de descriptions efficaces et visuelles. La tension ressenti dès la première page est ainsi magnifiée et accentuée par ces régions qu’on traverse durant cette fuite en avant en voiture. Alors après, cela a aussi un aspect sur les mœurs qui se révèlent complètement différentes, principalement dans cette impression qu’en Russie la femme est faites pour certaines tâches et pas d’autres et que les travaux lourds ou de leader doivent être réalisés par les hommes. Critique ou simple constat de l’auteur, difficile à dire, mais c’est parfois assez surprenant je trouve, offrant ainsi par cette représentation une certaine réflexion ainsi qu’une rébellion du lecteur devant certaines passivités.

Après je regrette juste une chose au niveau du roman, c’est qu’il traîne légèrement en longueur. Oh rien de méchant, ni de complètement dérangeant, simplement que l’auteur cherche par moment à trop en faire, multipliant les péripéties qui se résolvent souvent de la même manière. Je dirai qu’une trentaine de pages de moins aurait permis d’éviter au récit cette légère lassitude que j’ai ressenti vers la fin. On notera aussi une deux facilités ainsi qu’une légère ficelle qui m’a paru un peu trop grosse, mais rien de non plus bloquant tant l’ensemble ne manque pas de fasciner, d’entraîner et de questionner le lecteur. Si vous aimez ce genre de récit je ne peux que vous le conseiller, pour les autres si vous êtes intéressé laissez-vous tenter pour vous faire un avis.

La plume de l’auteur se révèle vraiment réussie et entraînante, maniant à la perfection les aspects psychologiques des personnages tout en offrant une histoire prenante à l’ambiance tendue et efficace. La conclusion se révèle ouverte et je trouve colle parfaitement à l’intrigue et l’histoire, laissant au lecteur le choix, pour le moment, de se faire sa propre fin. Oui je dis « pour le moment » car une suite a été écrite et publiée en Russie et devrait normalement atterrir chez nous en 2016 si tout va bien. Si c’est le cas j’achèterai cette suite sans soucis et avec grand plaisir tant j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce Vongozero.

En résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous plonge dans une intrigue efficace, angoissante dès la première page et qui happe le lecteur qui tourne les pages avec plaisir et envie d’en apprendre plus. C’est surtout l’aspect psychologique qui est la grande force du récit, selon moi, nous proposant des personnages humains, denses, complexes et soignés et qui nous interrogent sur nous-même, notre morale et ce qu’on aurait fait ou pu faire dans une telle situation. Le fait de situer l’histoire en Russie se révèle aussi astucieuse et intéressante, pays où se côtoie les zones urbaines et les zones arides et glaciales, cela offre de nombreuses possibilités et, d’une certaine façon, nous offre aussi une réflexion sur la position de la femme dans ce pays. Alors après j’ai trouvé que le récit traînait légèrement, pas grand-chose, mais une trentaine de page de moins aurait pu aider. Je regrette aussi quelques facilités, ainsi qu’une héroïne peut-être sur la fin légèrement trop passive et adepte de l’autoflagellation. En tout cas rien de non plus bien gênant tant l’ensemble se révèle efficace, passionnant et le tout dans une ambiance prenante et angoissante. La plume de l’auteur se révèle fluide, travaillé et entraînante, proposant une conclusion ouverte que j’ai trouvé réussi. Je lirai la suite avec grand plaisir, qui devrait normalement être publiée en 2016.

 

Ma Note : 8/10

 

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  1. L’univers roskov j’avoue que je suis assez friande !!

    Contente qu’il t’ait plu, elle écrit actuellement la suite, j’ai hâte de savoir comment ils vont vivre enfin survivre !

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