Afterparty – Daryl Gregory

afterpartyRésumé : Vous en voulez ? Vous en aurez ! Plus dingues les unes que les autres ! Car la smart drug revolution est en marche… Muni d’une imprimante chemjet et d’une connexion internet, n’importe quel petit malin en première année de chimie peut désormais synthétiser sa propre drogue et la produire à l’infini. Le résultat ne se fait guère attendre : il pleut des buvards chargés sur le monde ! Jusqu’à ce qu’apparaisse le Numineux, molécule qui décuple le sentiment du divin, enracine une foi inébranlable chez son consommateur tout en provoquant crises mystiques et hallucinations extrêmes — un produit aux mains d’une nouvelle église qui en fait son sacrement, répand sa bombe neurochimique à travers tout Toronto et pourrait bien lâcher sur le monde des légions de fanatiques… à moins que Lyda Rose, qui a contribué à l’élaboration du Numineux au sein de sa propre start-up, ne réagisse et ne se mette en quête des secrets de L’Église du Dieu Hologrammatique… Rien moins qu’un chemin de croix, en somme, dont la première des stations consistera à s’échapper de l’asile psychiatrique dans lequel elle est enfermée…

Edition : Le Bélial’

 

Mon Avis : J’ai découvert, il y a maintenant deux ans environ, Daryl Gregory avec sa nouvelle Dead Horse Point parue dans un Bifrost, qui proposait un texte intelligent et percutant (chronique ici). Depuis je suis avec assiduité ses publications tant les deux romans qui ont suivi, L’Education de Stony Mayhall (chronique ) et Nous allons tous très bien, merci (chronique ici), m’ont proposé de bons moments de lectures à travers des intrigues plutôt originales, efficaces, réfléchies et captivantes. Il est donc logique que le dernier roman de l’auteur, au résumé accrocheur, ait rapidement rejoint ma PAL. A noter la couverture, illustrée par Aurélien Police, qui colle parfaitement à l’ambiance du récit.

Ce roman nous plonge dans un monde futuriste où il est possible à tout un chacun, grâce aux nouvelles technologies, de pouvoir imprimer sa propre drogue. Apparaît alors une nouvelle drogue qui permet de trouver Dieu. Lyda Rose, faisant partie de l’équipe qui a malheureusement découvert cette drogue et qui a quasiment tout perdu à cause de cela, va tout tenter pour arrêter l’expansion de ce nouveau produit. Ce roman nous est ainsi présenté comme un techno-thriller et je dois bien avouer qu’il remplit plutôt bien son rôle. En effet on plonge dans un récit qui va se révéler  nerveux, entraînant, vivant qui offre de nombreux rebondissements et retournements de situations qui font qu’on tourne facilement les pages histoire d’en apprendre plus. Cette course poursuite est terriblement efficace, apportant son lot d’action, mais aussi de réflexions, le tout porté par des personnages entraînants et dans un monde efficace et solide le tout sans temps mort, avec une bonne dose de cynisme et une légère pointe d’humour. Il y a un vrai travail donné au récit pour aussi le rendre très visuel, tout en évitant d’être trop simpliste dans le style, ce qui offre un aspect très « cinématographique » dans la perception du roman. Malgré cette impression de page-turner, le sujet principal, avec cette idée d’amener Dieu dans la vie des gens par la drogue, ainsi que les personnages amènent leur lot de réflexions. On sent ici que l’auteur cherche au fond bien plus qu’un simple divertissement.

Ainsi après nous avoir plongé dans ses précédents livres au milieu de zombies et dans un groupe de parole de victimes, cette fois Daryl Gregory nous fait découvrir un monde où les stupéfiant et le chimique sont limite devenu accessibles à tous. Parallèle d’ailleurs intéressant de l’intrigue, les cigarettes sont toujours autant prohibées. Un futur où la technologie n’est pas en reste, se révélant solide, plausible et efficace et laissant la part belle à l’imagination de l’auteur, offrant différentes inventions qui collent parfaitement au récit tout en restant crédibles. Il a ainsi  pris le temps, selon moi, d’analyser notre société pour en extrapoler un avenir possible et concevable. Là ou par contre je trouve que le travail de fond manque légèrement de profondeur, c’est dans son aspect géopolitique qui est à peine esquissé et qui pourtant aurait mérité d’être un peu plus travaillé. Mais rien de non plus trop bloquant vu que ce n’est pas le coeur du sujet. En effet, il vient principalement de ces nouvelles drogues et de l’influence qu’elles peuvent avoir sur nous. Dans ce monde on se sert de ces composés aussi bien pour la détente que pour se changer littéralement. Cela m’a d’ailleurs fait penser à un épisode de Doctor Who, mais traité différemment. La frontière s’avère ainsi très mince entre l’aspect scientifique de la recherche médicale qui a initialement pour but d’aider les gens, et l’aspect opiacé qui les rend accro, ce ui nous fait obligatoirement réfléchir sur le monde actuel. Il y a dans le fond une vraie réflexion sur notre société, sa capacité à se perdre dans des produits chimiques pour trouver un but à sa vie, une « croyance » qui maintient chacun debout et le fait avancer sans qu’il se perde.

Ce ne sont pas les seuls axes de réflexions que cherche à soulever ce livre. L’un qu’on retrouve régulièrement dans ses écrits vient de la façon dont on voit et l’on traite les personnes différentes, les personnes considérées comme malades. L’auteur montre ainsi que la folie n’est pas obligatoirement une fin en soit, certes elle mérite d’être prise en considération, mais ne doit pas empêcher chacun de pouvoir vire une vie normale. C’est d’ailleurs ce que souligne clairement le groupe de héros qui mène l’enquête, ils sont différents, pourtant cela ne les empêche pas pour autant de vivre pleinement. D’une certaine façon il tente aussi de montrer un futur où la drogue se trouverait partout, ce que cela pourrait occasionner comme bouleversement et, même si j’ai trouvé qu’il ne restait qu’en surface, l’idée reste intéressante et tout de même efficace. L’autre point que va soulever le récit, vous vous en doutez, concerne la religion, ou plutôt la capacité de chacun à essayer de chercher une force supérieure pour se rassurer. C’est d’ailleurs ce que fait cette drogue, elle ne propose pas un dieu unique, mais offre à chaque personne son dieu, la communion se transformant ainsi en prise quotidienne d’une dose. Cela soulève ainsi de nombreuses questions sur l’existence ou non d’une telle divinité, mais aussi sur la peur et les besoins de chacun, mais aussi sur les extrémismes possibles. Alors parfois certains argument donnent l’impression d’un léger parti pris, mais il s’en sort au final très bien, évitant justement d’imposer un point de vue laissant à chacun se faire sa propre idée. Ce que j’ai trouvé par contre légèrement dommage, c’est qu’il cherche à offrir trop de réflexions d’un coup ce qui fait que les idées comme celle sur le racisme ou encore sur cette communauté afghane se diluent et perdent de leur force face aux autres grandes réflexions.

Concernant les personnages on y retrouve cette capacité qu’à Daryl Gregory à construire et proposer des héros qui vont différer des normes imposés par notre société. Que ce soit Lyda devenue schizophrène après « l’incident » suite à la découverte de son nouveau produit, qui lui a adjoint en permanence un ange, Ollie ancienne agent fédéral qui, pour accentuer sa capacité d’analyse, a abusé de certains médicaments jusqu’au point d’en devenir  paranoïaque, ou bien encore Bobby qui croit que son âme se situe dans une petite boite qu’il garde autour du cou ; on est clairement dans un panel de personnage étrange un peu freaks, malades et qui pourtant vont nous présenter une vision du monde différente. Chacun s’est ainsi adapté. C’est d’ailleurs la grande force du récit, de rendre chacun des personnages que l’on croise humains, avec leurs souffrances, leurs pertes, leurs besoins et leurs envies. Cela se ressent ainsi avec l’Héroïne principale qui a connu une vie jalonnée de souffrances, que l’on découvre au fil des pages, mais qui, d’une certaine façon, continue à se battre et à avancer malgré ces soucis. Ils s’avèrent ainsi au final complexes, intéressants à découvrir et on s’attache aussi assez rapidement à cette héroïne et à ses amis qui la suive. C’est d’ailleurs dans la façon dont il fait évoluer chacun d’entre eux qu’on se lie à eux. La façon dont il construit les liens entre chacun d’entre eux, mettant d’une certaine façon en avant l’importance du contact humain, tout en évitant de sombrer dans le too much, comme par exemple la relation entre Lyda et Ollie qui arrive à ne jamais tomber dans la romance facile tout en s’avérant réaliste. Les protagonistes sont ainsi une des grandes forces du récit, même si je suis un peu déçu de voir certains personnages secondaires manquer parfois de profondeurs.

Mais voilà, malgré toutes les qualités que possède ce livre je soulèverai quand même quelques points qui m’ont dérangé. J’ai ainsi trouvé par moment un léger soucis de rythme, quelques scènes trainaient ainsi un peu trop, tandis qu’une ou deux autres étaient traités un peu trop rapidement. L’auteur s’offre aussi, sur certains passages dans la seconde partie, quelques facilités, ce que j’ai trouvé légèrement dommage. Enfin le dernier point que je soulèverai vient de l’intrigue elle-même, qui est finalement un peu trop facilement devinable. C’est dommage car l’auteur a fait du Thriller une composante principale de son roman, et comprendre la fin à la moitié de la lecture laisse un léger sentiment de frustration. Au final, certes ce roman se révèle bien plus que cela et repose aussi beaucoup sur ses idées et ses réflexions, ce qui fait que malgré ces quelques points j’ai tout de même passé un bon moment de lecture avec ce livre. L’ensemble est aussi bien porté par une plume fluide, efficace, percutante et entraînante. Je lirai avec plaisir d’autres écrits de Daryl Gregory tant il propose des idées intéressantes.

En résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous offre un techno-thriller nerveux, percutant et sans temps morts, mais qui propose aussi plus qu’un simple page-turner offrant de nombreuses réflexions. En effet que ce soit sur notre société, sur l’acceptation des personnes différentes, sur les drogues ou bien encore sur la religion l’auteur pose pas mal de questions. Il en pose d’ailleurs peut-être un peu trop ce qui fait que certaines idées restent sous-exploités je trouve, mais bon rien de trop gênant. L’univers développé se révèle solide, efficace et intéressant d’un point de vue technologique, même si j’ai trouvé que l’aspect géopolitique manquait un peu de profondeur. Concernant les personnages ils sont l’un des points forts du roman, se révélant complexes, travaillés et offrant des héros et héroïnes attachants. Je regretterai peut-être juste certains personnages secondaires qui manquent de profondeur mais rien de bien dérangeant. Malgré ses qualités, j’ai quand même soulevé quelques aspects qui m’ont dérangé. Un léger soucis par moment dans la gestion du rythme, ensuite quelques facilités, principalement dans la seconde partie et enfin une intrigue finalement très prévisible, même un peu trop. Rien de non plus bloquant tant il s’avère percutant et proposant de nombreuses idées le tout porté par une plume fluide, efficace et entraînante. Je lirai sans soucis d’autres récits de l’auteur.

 

Ma Note : 7,5/10

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  1. Merci pour cette superbe critique.
    C’est ma prochaine lecture, et je suis contente que tu signales les petites réserves. Au moins, j’attendrai pas le livre trop haut, et j’aurai peut-être une bonne surprise.

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