Le Moineau de Dieu – Mary Doria Russell

Résumé : Emilio Sandoz, linguiste et prêtre, est le seul survivant d’une mission de contact avec des extraterrestres sur une planète lointaine. Il en revient marqué du sceau de l’infamie : là-bas, il se serait prostitué et aurait tué un enfant… Que s’est-il réellement passé ? Que sont devenus les autres membres de l’expédition ? D’où viennent ces cicatrices terribles sur ses mains ?

Edition : ActuSF

 

Mon Avis : J’avoue concernant ma chronique de ce livre, je commence quand même à avoir du retard. J’ai terminé sa lecture il y a maintenant un mois, mais entre les vacances, la Worldcon, les chroniques de mon challenge Hugo Awards en retard j’ai clairement manqué de temps, mais voilà enfin mon avis. Quand on m’a proposé de lire ce roman je n’ai pourtant pas longtemps hésité, le quatrième de couverture se révélait accrocheur, j’en avais déjà entendu parler en bien et le roman a été couronné par de nombreux prix dont le Arthur C. Clarke Award ou encore le British Science Fiction Award. Il a donc rapidement terminé dans ma PAL. Concernant la couverture, illustrée par Fredrik Rattzen, je la trouve réussie et accrocheuse.

Ce roman suit trois lignes d’intrigues qui vont s’entrecroiser au fil des pages. La première, au début du 21ème siècle qui nous fait découvrir plusieurs personnages qui vont être témoins du premier signal alien qui va se révéler être des chants. L’un d’entre eux, le père Sandoz, va alors réussir à lancer une expédition jésuite pour les découvrir et offrir un premier contact. La seconde va nous faire plonger justement dans cette expédition. La troisième se passe en 2060, le père Sandoz est le seul survivant de l’expédition, il est revenu blessé, traumatisé, pire sur place il se serait prostitué et aurait tué un enfant. Les jésuites vont alors tenter de comprendre avec lui ce qu’il s’est passé là-bas. J’avoue une fois la dernière page tournée j’avais envie de vous dire à quel point ce roman est excellent et mérite ses nombreux prix. D’ailleurs je vais le faire, par de nombreux points ce récit mérite d’être lu, principalement dans les idées qu’il soulève et les réflexions qu’il offre. Sauf que voilà par d’autres aspects, qui m’ont paru mal maîtrisé, j’ai eu du mal à complètement entrer dans le récit. Attention la lecture reste plus que sympathique et, je pense mérite d’être découverte, mais voilà une fois terminé je pense qu’il aurait pu être encore plus cohérent et marquant. Tout dépend aussi, je pense, des attentes de chacun, mais j’y reviendrai.

Déjà le premier point fort du roman vient ici de la construction de son intrigue. On est clairement dans un roman de premier contact, mais au lieu de dévider le fil conducteur de son récit de façon linéaire, l’auteur le construit telle une mosaïque. Elle joue ainsi avec les lecteurs sur le fameux mystère lié à la fin troublante et mortelle de l’expédition, mais aussi sur la compréhension de son personnage principal le père Sandoz de la façon dont il a pu évoluer pour s’avérer être le « monstre » qui nous est présenté. Alors attention, je ne vais pas dire qu’elle renouvelle la narration, mais c’est une technique pas toujours facile et elle l’utilise de façon bien maîtrisée montant en tension pour aboutir à un final percutant. Le fait de suivre plusieurs personnages permet aussi d’offrir plusieurs points de vues et différentes explications en fonction de chacun. Elle joue ainsi habilement avec les révélations, les scènes de tension ou bien encore les scènes plus calmes et plus explicatives. On se laisse ainsi facilement prendre au jeu et on tourne les pages avec l’envie d’en apprendre plus. Certes, le démarrage peut paraître un peu lent, mais il pose bien les différents héros que l’on croise ainsi que les différents éléments de l’intrigue et les différents questionnements. Cette construction permet aussi d’offrir une évolution des protagonistes plus prenante, poussant le lecteur à régulièrement se questionner sur les actes de chacun avant de comprendre leurs choix et leurs visons.

L’autre point fort vient de la finesse des réflexions proposées, ainsi que du processus de questionnement qu’elle nous offre concernant cette idée de premier contact. Mary Doria Russell nous propose ainsi un véritable travail soigné et ambitieux d’un point de vue linguistique et ethnologique qui ne manque pas de se révéler passionnant et intrigant. Ainsi la représentation des extra-terrestres rencontré, leurs sociétés, leurs cultures et leurs façons de vivre sont ainsi soignés, captivantes et clairement efficaces. On sent que l’auteur connait son sujet (elle est Anthropologue), mais surtout qu’elle a voulu offrir quelque-chose de construit, de solide et de cohérent. Le travail sur le langage est un peu du même acabit se révélant dense et efficace, avec tout ce que cela entraîne quand deux « peuples » qui ne se connaissent pas et qui n’ont pas la même langue doivent communiquer entre eux. L’auteur à partir de là propose de nombreuses réflexions sur les différences sociales, la question de moralité et ce qu’on est prêt à faire pour faire évoluer les choses, le rôle d’observateur ou bien encore les nombreuses incompréhensions culturelles et linguistiques qui peuvent apparaitre. Il y a aussi un travail sur la Foi et les religions, de nombreux personnages sont de religions différentes voir athées et apportent alors une réflexion intéressante à travers leurs questionnements. J’avais un peu peur que ça se révèle un peu lourd, mais l’auteur ne tombe jamais dans l’envie d’imposer son point de vue ce qui rend l’ensemble prenant. Elle nous questionne aussi par la même occasion sur la possibilité de mélanger Foi et science.

Un autre des points intéressants du livre vient des personnages qui sont construits au fil du récit. On ne peut pas leur retirer le fait qu’ils s’avèrent charismatiques et donnent envie d’en apprendre plus sur eux. Chacun d’entre eux évite de tomber dans la caricature, l’auteur s’amusant même à les sortir des canons qu’on s’imagine les concernant pour mieux nous les rendre attrayants. On s’attache ainsi rapidement à eux au fur et à mesure qu’ils se dévoilent à travers leurs failles, leurs blessures, leurs erreurs et leurs envies. Mais surtout on les voit évoluer, avancer, devoir faire des choix qui vont les changer. C’est vrai, parfois, certains passages m’ont paru traités de façon un peu facile voir simpliste, mais franchement il se dégage quelque-chose d’eux. Alors après certains points m’ont tout de même dérangé avec  eux, comme le besoin de vouloir nous les présenter comme des pro dans leurs domaines et les voir quand même aligner des erreurs énormes qui ne servent juste à faire avancer l’intrigue. Je ne dis pas que parcequ’ils sont bons dans leurs domaines ils ne doivent jamais se tromper, mais parfois c’est trop flagrant. Le côté un peu Mary Sue de certains qui devient par moment très présent, ou bien encore le côté très prévisible des liens qui se créent entre chacun d’entre eux tant ils sont téléphonés m’a aussi un peu frustré. Mais voilà malgré ses défauts les héros sont quand même humains et ne devraient pas laisser indifférents.

L’ensemble des points positifs que je viens de soulever suffisent, je trouve, à rendre ce livre plus qu’intéressant à lire et à découvrir, pourtant le roman n’a jamais non plus réussi à me captiver complètement, la faute à un certain manque de logique et a un aspect scientifique parfois facile voir incohérent. J’ai eu l’impression que l’auteur avait un but à atteindre et qu’elle faisait tout pour l’atteindre en oubliant parfois de rester sensé. Déjà le premier point qui surprend c’est l’absence d’intérêt du monde entier à ce premier contact. Franchement on démontre un contact alien et personne n’a l’air de s’en soucier plus que cela. C’est dommage Concernant le travail scientifique, autant dans son domaine l’auteur offre un travail pointu, autant à côté ça laisse franchement à désirer. C’est bien simple, pour moi en SF, soit on m’explique les choses pour les rendre logique dans l’univers construit, soit on ne me l’explique pas, mais alors il s’intègre dans l’univers tout en restant plausible. Là, l’auteur ne choisit aucune de ces méthodes, offrant de vagues explications qui soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponse. Il ne suffit pas de me dire que pour mener une telle expédition on va vider une météorite lui mettre deux réacteurs et hop je vais atteindre 0,97 point de la vitesse de la lumière. Je suis désolé, mais mon esprit cartésien (certes peut-être un peu trop) fait sonner les alarmes. Alors que, c’est sûrement idiot, mais elle m’aurait dit « dans le futur on a trouvé un combustible untel qui permet d’atteindre 0,97 fois la vitesse de la lumière et on a construit une fusée à partir de matériaux XYZ » je l’aurai accepté. Mon cerveau aurait peut-être dit c’est un peu facile, mais ça serai passé.

Ensuite, l’autre point qui m’a dérangé c’est le montage de l’expédition en lui-même. Mary Doria Russell le dit elle-même et je la cite, elle a écrit ce récit en réponse à certaines révisions de l’histoire liées à des expéditions anthropologues jésuites où des hommes ont été accusés de n’avoir pas respecté les normes du multiculturalisme et reconnu la diversité plus de 500 ans après les faits. Franchement, pourquoi pas, sauf qu’on ne construit pas une expédition au 15ème siècle comme on en construirait une à notre époque. Outre le fait des Jésuites dans l’espace que j’accepte sans soucis, c’est surtout l’idée d’imaginer que la première expédition n’est composé que de 7 personnes qui ont tous un rôle important,  n’ayant pour autant aucune redondance dans leurs connaissance (genre un seul médecin, un pilote et demi, un cuisinier etc…), avec deux retraités. Surtout, il n’y a aucun professionnel de l’Espace, ni une personne ayant un tant soit peu des connaissances, franchement ça fait beaucoup. Le pire c’est qu’il n’existe aucun protocole, aucune norme, aucun mode opératoire. Pour  vous donner un exemple qui m’a franchement dérangé, pour vérifier si l’eau et la nourriture ne sont pas contaminées (nouvelle planète toussa toussa) ils vont mener des études en prenant des cobayes et leur faisant manger et boire de petites quantités … Je… je… non je crois que mon cerveau cartésien a de nouveau hurlé, mais franchement être prêt à voir mourir deux de ses collègues alors que parfois des simples tests chimiques, biologiques… suffisent j’avoue ça me fascine. J’ai ainsi eu du mal à complètement passer outre ses défauts, ce qui est dommage.

Alors après tout dépendra des attentes que vous pouvez avoir aussi, j’avoue passer à côté de ce roman est quand même dommage, puisqu’il développe de nombreuses idées intéressantes et le fait bien. Il nous offre aussi un travail humain, sur la foi et la notion de premier contact intéressante. La plume de l’auteur s’avère entraînante, efficace et simple et on se laisse finalement un minimum emporter par le récit. Pour peu qu’on n’ait pas l’esprit aussi scientifique que le mien, je pense qu’on pourra passer un excellent moment avec ce livre. Pour ma part d’ailleurs, même si je n’ai pas fait abstraction de ses défauts, j’ai tout de même passé un agréable moment avec ce livre qui ne m’a pas laissé indifférent. Il est d’ailleurs à noter qu’une suite a été écrite mais n’a jamais été traduite en France. Je ne sais pas du tout si une traduction est à l’ordre du jour, mais il faudrait que je me renseigne, car je ne serai pas contre la lire pour savoir ce que l’auteur va proposer.

En Résumé : Le Moineau de Dieu est un roman qui malgré le fait qu’il ait eu du mal à complètement me captiver, la faute à quelques défauts dont j’ai eu du mal à passer outre, mérite d’être découvert pour les réflexions qu’il offre. En effet l’auteur nous offre un roman de premier contact qui ne laissera pas indifférent et s’avère très intéressant d’un point de vue anthropologique et linguistique. On sent clairement que de ce point de vue là Mary Doria Russell a voulu nous offrir quelque chose de soigné, de dense et d’efficace. Elle soulève aussi des réflexions prenantes et réussies sur la notion de Foi, la place de la religion dans la science, la morale, les différences sociales et culturelles, les incompréhensions liées au langage ou bien encore la notion d’observateur. Les personnages ne manquent pas non plus d’attrait, s’avérant travaillés et charismatiques et dont on suit les péripéties avec plaisir. J’ai par contre trouvé dommage que l’auteur les pousse parfois à faire des erreurs trop grossières pour faire avancer on récit, mais rien de non plus trop dérangeant. Là où j’ai eu du mal avec ce roman, c’est parfois son absence de logique et de cohérence, principalement dans les aspects scientifique, comme par exemple concernant le voyage dans l’espace ou encore l’étude de la compatibilité de la planète qui m’ont paru aberrantes. De plus j’ai du mal à imaginer, au 21 ème siècle, une expédition aussi mal gérée et préparée. Je ne dis pas qu’on enverrai une expédition parfaitement préparée, mais je pense qu’il y aurait un peu plus de protocoles que 7 personnes qui font ce qu’ils veulent sur une planète. La plume de l’auteur est simple, efficace et entraînante, construit le récit un peu comme un puzzle ce qui fait qu’on se laisse assez facilement captiver par les mystères liés à cette expédition. Une suite a été écrite, je ne sais pas s’il est prévu de la publie en VF, mais si c’est le cas je pense que je la lirai.

 

Ma Note : 7/10

 

Autres avis : Yogo, Joyeux-Drille, Carolivre, …

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  1. Il me tente bien celui-ci 🙂 !

  2. Pour ma part, j’ai eu beaucoup de mal avec ce roman. Le pitch était porteur mais la réalisation m’a laissé coi !

    • Je te rejoins sur la « réalisation » je suis par moment resté dubitatif, mais je trouve que les idées proposé et le développement de celle-ci ont compensé en partie ces défauts pour moi. Maintenant je comprends parfaitement que ça puisse bloquer.

  3. Il me tente bien mais vu tes réserves je pense que je le prendrais en numérique du coup, moins d’enjeux comme ça ^^

    • Après ça dépendra de chancun, j’ai vu des chroniques de blogueurs que ça n’a pas du tout dérangé. En tout cas je te souhaite une bonne lecture !

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