Résumé : Londres, fin du XIXe siècle.
Une métropole enfumée, étouffant sous le smog et les remugles de l’industrialisation en pleine explosion… Samuel Prothero est aliéniste. L’un des meilleurs de sa profession. Membre du sélect Club des Inventeurs, jeune homme respecté, son avenir est tout tracé dans cette société victorienne corsetée. Jusqu’à ce que Jeffrey Richmond, inventeur de génie mais personnage sulfureux, sollicite son expertise sur le plus étrange des cas. Troublante mission, en vérité, pour laquelle le jeune Prothero devra se résoudre à embrasser tout entier l’autre côté du miroir, les bas-fonds de la ville-monde impériale et ceux, bien plus effrayants encore, de l’âme humaine…
Edition : Le Bélial
Mon Avis : Pour ceux qui suivent ce blog depuis le début, vous devez avoir compris que je suis un admirateur des écrits de Lucius Shepard, avec un vrai coup de coeur pour ses écrits tournant autour de Griaule. Concernant cette dernière novella, j’ai aussi été rapidement intrigué par le résumé qui laissait présager un fantastique qui me paraît de moins en moins présent dans les publications. Ajouter à cela le fait que je ne rate jamais une publication de la collection Une Heure Lumière du Bélial’, cette novella ne pouvait donc que terminer dans ma PAL. Concernant la couverture, illustrée par Aurélien Police, je la trouve superbe.
Ce roman nous plonges dans le Londres du 19ème siècle, Jeffrey Richmond est un inventeur, peu apprécié de ses pairs face à ses choix de vies, mais toléré à cause de sa fortune et de son génie. Samuel Prothero, jeune aliéniste qui cherche à construire sa réputation, va se voir justement contacter par Jeffrey Richmond qui va lui demander une étude un peu particulière. En effet, une fois arrivé dans la maison de ce dernier, ancien bordel ayant appartenu à sa défunte soeur, il va découvrir des machines étranges qui ont pour but de purifier l’air. Sauf que ces inventions ont un étrange effet secondaire d’attirer les fantômes, dont celui justement de Christine qui a été mystérieusement assassinée dans cette maison. Samuel décide donc de s’installer sur place pour tenter d’aider à trouver des réponses. Encore une fois Lucius Shepard a réussi son coup, tout du moins avec moi, puisqu’une fois la dernière page tournée je dois bien admettre que j’ai passé un très bon moment de lecture avec cette novella. Il se dégage ainsi de ce récit quelque-chose de clairement captivant, qui a réussi à me happer de la première à la dernière page, face à cette enquête fantastique sur fond de revenants et d’un Londres d’époque, enfumé, crasseux.
D’ailleurs le gros point fort vient clairement de cet univers, mais surtout de l’ambiance que vient construire l’auteur. On est clairement dans cet aspect que j’apprécie énormément, des récits fantastiques qui prennent le temps de construire une image de fond dense et prenante, tout en jouant sur l’atmosphère oppressante, envoûtante, angoissante, sans trop en faire, ni tomber dans un aspect sanglant qui en ferait des tonnes. Le récit ne cherche ainsi pas à en mettre plein les yeux avec une accumulation, mais plutôt à jouer lentement avec le lecteur, l’attirer pour mieux le surprendre. On sent aussi une montée en tension, au fil des pages, de ce climat de plus en plus étouffant, stressant qui, pour ma part, me pousse à vouloir en apprendre encore plus et à tourner les pages. L’ambiance est aussi accentuée par une tension sexuelle qui s’installe doucement sans se révéler vulgaire, par des révélations maîtrisée surprenantes et aussi dérangeantes, mais aussi par un travail descriptif qui vient ainsi dépeindre en toile de fond un Londres qui colle parfaitement au récit. On découvre ainsi une ville qui s’avère polluée, limite irrespirable, où les différences sociales sont extrêmes, où les riches fuient les quartiers les plus pauvres pour leurs violences, mais viennent aussi s’y encanailler. Une esquisse complexe et prenante, mélange à la fois de sombre et de lumière, qui fascine autant qu’elle opprime le lecteur, mais qui donne envie d’en apprendre plus.
Pour autant les personnages ne sont pas en reste, avec principalement Samuel qui peut paraître un peu archétypal dans le rôle du personnage qui arrive en ville, empli d’illusion et qui cherche à se construire une réputation, mais qui finalement au fil des pages se révèle intéressant à découvrir, principalement dans son évolution. On va ainsi découvrir son regard changer face aux évènements qu’il va rencontrer, gardant pour autant en partie les pieds sur terre, mais perdant aussi, d’une certaine façon, son innocence que ce soit aussi bien sur la société que sur lui-même. D’un autre côté, Jeffrey est un personnage plus secret, moins présent, mais qui ne manque pas pour autant de surprendre à travers les secrets qu’il cache, le jeu qu’il mène, mais aussi dans sa personnalité ambiguë. Les personnages secondaires se révèlent aussi solides et intéressant à découvrir. Ainsi chacun d’entre eux va tracer la tragédie qui se construit et qui aboutit à une conclusion percutante, efficace et entraînante. De plus ils ne manquent pas aussi d’amener en toile de fond des réflexions sur la société de l’époque, qui fait aussi écho finalement à notre époque, mais aussi sur les moeurs ou bien encore la folie et les souffrances qu’on peut s’infliger.
Mon seul petit regret concernant cette novella vient surtout du fait que l’intrigue reste finalement assez linéaire et en partie prévisible. Alors attention, comme je l’ai dit, le récit offre quelques bonnes surprises et quelques révélations efficaces, mais dans les grandes lignes de l’intrigue il y a aussi de nombreux points très prévisibles. Pour autant cela ne m’a pas empêché de me retrouver emporter par ce récit que j’ai quasiment lu d’une traite, bien porté aussi par une plume ciselée, captivante et entraînante qui construit un récit d’une certaine façon poétique qui n’a pas manqué de m’envoûter. Il faut franchement que je sorte les autres livres de Lucius Shepard qui traînent dans ma PAL depuis quelques temps.
En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman de fantômes dans la ville de Londres du 19ème siècle. J’ai été rapidement captivé par la construction de l’Univers et principalement de cette ambiance angoissante, oppressante qui se construit au fil des pages. On est clairement dans le récit fantastique qui joue principalement sur l’atmosphère plutôt que sur l’accumulation de scènes chocs pour captiver son lecteur, et cela fonctionne parfaitement. La toile de fond avec ce Londres, étouffant, pollués, sombre, crasseux ajoute aussi un vrai plus à cette ambiance, bien porté par un travail descriptif soigné, envoûtant et efficace. Les personnages, aussi bien principaux que secondaires, s’avèrent solides et intéressants. Samuel, dans son évolution, sa vision et la façon dont il va devoir changer ne manque pas de captiver, tandis que Jeffrey lui se dégage devant les mystères et les secrets qui l’entourent, mais aussi à travers sa personnalité ambigüe. Je regretterai peut-être un côté un peu linéaire au récit et certains éléments facilement devinables, mais je chipote tant je me suis retrouvé emporté. La plume de l’auteur est ciselée, poétique et entraînante, mais si les récits d’ambiance fantastique ne vous touche pas, alors il vaut mieux passer votre chemin. Pour ma part il faut vraiment que je sorte les autres écrits de l’auteur qui traînent dans ma PAL.
Ma Note : 8/10
Autres avis : Just A Word, Lutin82, Aelinel, L’Epaule d’Orion, Acaniel, Dionysos, …
Babitty
Ta chronique me donne vraiment envie de découvrir ce livre 😮 Merci pour la jolie découverte !
BlackWolf
De rien, j’espère qu’il te plaira autant qu’à moi en tout cas. Bonne lecture.
lutin82
J’avais aussi adoré Griaule.
Tu fais une très belle critique de ces attracteurs, et j’ai trouvé effectivement certains éléments prévisibles. Belle ambiance toutefois.
BlackWolf
Ah Griaule, limite j’ai envie de les relire maintenant.
L’ambiance est, je trouve, le moteur de ce roman, sin on n’est pas fan des romans de ce genre oui il vaut mieux alors, je trouve, éviter de se lancer.
Aelinel Ymladris
Merci pour le lien.
BlackWolf
De rien, j’essaie de le faire quand j’y pense.
Dionysos
Du coup, l’aspect prévisible est ce qui persiste le plus dans mon esprit. :/
BlackWolf
Je peux le comprendre, ça m’arrive aussi avec certains textes. Tout dépend de mon immersion dans le récit, et là de ce point de vue là ça dépend de chacun.