Autonome – Annalee Newitz

Résumé : 2144. Jack Chen, une ancienne scientifique et militante antibrevets, synthétise désormais des médicaments pirates. Robin des bois des temps modernes, elle sillonne les océans dans son sous-marin, vendant ses produits à bas prix aux populations incapables de s’offrir les molécules originales. Mais sa dernière «création», dérivée du Zacuity, une pilule qui augmente l’attrait pour son travail, semble provoquer une addiction très rapide, et les morts se multiplient. Toutes les victimes se sont, littéralement, tuées à la tâche.
Persuadée que ce n’est pas elle qui est coupable, mais la molécule originale, Jack va tout mettre en œuvre pour le prouver et trouver un remède. Mais, afin de la faire taire définitivement, on a lancé à ses trousses un biobot militaire, Paladin, dont c’est la première mission sur le terrain.

 

Edition : Denoël Lunes d’Encre

 

Mon Avis : Autonome est un roman qui a beaucoup fait parler de lui au moment de sa publication. Le roman a rapidement connu un beau petit succès, avec de très bons retours au niveau des pays anglophones. Il s’agit aussi du premier roman de l’autrice que, pour ma part, je connaissais déjà en tant que fondatrice de Io9 mais aussi à travers un podcast que j’écoute de temps en temps qu’elle présente avec Charlie Jane Anders. Pour autant, les premiers retours des blogueurs français qui ont lu le livre se sont révélés plus mitigés, ce qui ne m’a pas empêché de laisser une chance à ce livre que j’avais envie de découvrir et ainsi me faire mon propre avis. Concernant la couverture, illustrée par Aurélien Police, je la trouve franchement superbe.

Ce roman nous fait suivre deux lignes de narrations distinctes. La première est celle de Jack Chen une ancienne scientifique qui, devant l’importance des entreprises pharmaceutiques et l’argent qu’ils se font au profit des gens, ce qui amène les gens moins aisés à ne pas avoir accès aux médicaments, est devenue une « pirate ». Elle vend ainsi des médicaments sous le manteau qu’elle a synthétisée elle-même. Un jour, l’un des médicaments qu’elle a vendu va commencer à rendre les gens fous. Une course-poursuite va alors se lancer entre l’entreprise pharmaceutique qui veut la voir disparaitre avant qu’elle puisse tout dévoiler et elle qui cherche un antidote. La seconde ligne de narration suit justement Eliasz, un mercenaire humain, et Paladin un robot militaire intelligent à la pointe de la technologie qui sont justement lancés à ses trousses. Une fois la dernière page tournée je dois bien admettre que je ressors mitigé de ma lecture qui, certes, se lit vite, mais m’a que moyennement convaincu. Ce récit est ainsi construit comme un Thriller, sur une narration assez rapide, tendue et percutante qui s’avère finalement sans trop de temps morts et permet d’offrir du rythme à la lecture. De ce point de vue-là rien à dire, l’autrice construit un récit qui fait qu’on tourne facilement les pages, offrant rebondissements, révélations et surprises.

Le premier soucis vient, selon moi, de la logique de cet aspect Thriller qui ne tient pas toujours la route. J’ai plus eu l’impression que les découvertes et les indices suivaient la logique de Annalee Newitz pour faire avancer son intrigue comme elle le souhaite, plutôt que de façon fluide et cohérente. Pour vous donner un exemple Paladin, l’Intelligence artificielle, durant à peu près les trois quarts du roman hack discrètement tous les réseaux des pirates qui lui tombent sous la main pour récupérer les informations sur Jack et la retrouver. C’est sa mission. Puis, à un moment, quand l’autrice a besoin de ralentir son enquête pour offrir plus de chapitres, il va miraculeusement tomber sur un réseau crypté qu’il ne peut pas pirater sauf s’il a quelques années devant lui. Comme c’est commode. Alors oui, ce n’est pas le premier ni le dernier roman à le faire, mais voilà ici ça manque quand même cruellement de finesse et, surtout, ce n’est qu’un exemple. Je pourrai aussi vous parler de la facilité avec laquelle nos enquêteur trouvent des informations ou font parler les pirates, je me serai cru dans un épisode des experts (ou toute autre série TV) qui voit les personnages avouer limite en trente secondes du fait du format assez court d’une série. Je ne parle même pas de l’histoire du blog, que je vous laisse découvrir pour ne pas spoiler, mais qui m’a paru un peu trop grossier. Alors après, cela reste efficace dans la construction, incisif, mais voilà j’en suis tout de même ressorti un peu frustré.

Concernant l’univers, là aussi je ressors un peu désappointé. La caractérisation sur le moment présent du récit n’est pas mauvaise, offrant un avenir sombre qui a vu les entreprises pharmaceutiques devenir de plus en plus puissante et les brevets de plus en plus présents. Un monde aussi où les classes sociales sont de plus en plus éloignées avec les tensions que cela apporte, où seuls les plus riches peuvent avoir accès aux meilleurs médicaments. Un monde qui a l’air aussi d’avoir connu de nombreux bouleversements politiques, humains et technologiques avec même une « reconstruction » des pôles important de développement et de travail. Pour exemple les robots sont « asservis » pour rembourser le coût de leurs créations avant qu’ils puissent devenir autonome. Une dérive est alors apparu, qui permet aussi aux humains de se voir « asservir » ce qui doit leur permettre d’acquérir des connaissances, un métier, avant de se voir « libérer ». Oui il y a énormément de potentiel dans le monde qui est construit dans ce livre, oui il y a de bonnes idées et des aspects très intéressants, maintenant le côté bancal vient dans un premier temps qu’on ne comprend jamais comment on a pu en arriver là, ce qui a amené à de telles dérives. Il plaira sûrement à certains, mais pour ma part un futur qui parait ne pas avoir de passé me parait un peu bancal. Ensuite même si les idées sont là, elles m’ont paru n’être présente majoritairement (sauf deux ou trois) être là que pour le décor et rien d’autre. C’est dommage je trouve.

À propos des réflexions proposées, là aussi je suis loin d’être totalement convaincu. Certes, on est dans un Thriller, je ne m’attendais pas à des réflexions d’une grande profondeur et densité, mais pour autant je trouve qu’Annalee Newitz brasse énormément d’idées au point de s’y perdre et de ne jamais vraiment arriver à les imposer. Ainsi le questionnement qu’essaie de soulever l’autrice sur le monde des brevets et, principalement, celui pharmaceutique avec les dérives que cela engendre, est certes, percutant, mais perd un peu de son intérêt par un côté trop binaire. Autant je comprends et je trouve glaçant tout ce côté brevet et contrôle que cela occasionne, avec toutes les dérives capitalistes, autant limiter l’impact des conséquences de Jack à quelques lignes vite oubliées parce que c’est l’héroïne et elle ne peut pas, fondamentalement, être trop mauvaise c’est un peu trop facile. C’est dommage, car un peu plus de complexité et de nuance aurait rendu les arguments encore plus percutant je trouve que tomber dans la gentille pirate contre le méchant groupuscule pharmaceutique. Surtout que bon, les autres réflexions, manquent clairement de force. L’autrice cherche à un moment à développer la notion de tolérance et de sexualité décomplexée avec une relation entre Paladin et Eliasz, sauf que voilà cette histoire ne tient, à mon sens, jamais la route. Mal construite, mal amenée, précipitée, incohérente et voulant offrir une sorte de happy-end qui, finalement m’a paru dérangeant dans ce qu’il propose, je suis complètement passé à côté de cet élément qui doit quand même tenir 1/5 du bouquin. J’ai plus accroché à la réflexion sur l’asservissement et les IA, même si parfois les arguments massues sont un peu lourds, comme le chapitre qui se déroule au Canada. J’ai trouvé ainsi intéressant le parallèle entre la relation entre Jack/Troized et Eliasz/Paladin. Au final, si vous cherchez quelque-chose de travaillé et de poussé il vaut peut-être mieux passer votre chemin, si vous cherchez quelque-chose de plus simple et percutant alors vous pourriez accrocher.

En ce qui concerne les personnages, ce sont clairement des personnages de Thriller avec, je trouve, un certain manque de caractérisation pour un certain nombre. Seule Jack m’a paru un peu plus soignée que les autres, et encore il y avait je pense possibilité de faire mieux, mais voilà dans l’ensemble ils sont juste assez construits pour qu’ils puissent tenir un minimum la route et faire avancer l’intrigue. C’est dommage car Eliasz, Paladin, voir même Troized ou encore Med méritaient mieux et auraient pu offrir plus au récit. Quoique je nuancerai pour Med qui apporte, à sa petite échelle, une complexité intéressante dans son combat. Alors oui, ils ne sont pas complètement mauvais, mais ils sont loin d’être pour autant marquants ou encore touchants. Je reviendrai juste sur un point de l’intrigue, certes c’est un Thriller, mais franchement la découverte de l’antidote est quand même extrêmement rapide. Concernant la conclusion elle m’a paru convenue et un peu facile. Au final je pense que Autonome n’était pas un roman totalement fait pour moi, il possède des aspects intéressants, mais voilà il manque clairement de profondeur et de complexité. J’avais peut-être trop d’attente, maintenant si vous cherchez un thriller qui va vite, qui est incisif, entraînant avec des arguments chocs, à défaut de complexes, alors vous pourriez accrocher à ce récit. La plume de l’autrice colle d’ailleurs bien à cette description, se révélant simple, épurée et plutôt efficace.

En Résumé : Je ressors de ma lecture de Autonome avec un sentiment de lecture plus que mitigé. Certes le récit s’avère être un thriller, avec deux lignes de narrations cherchant à être rapides et incisives, mais je trouve que sur de nombreux points il manque le coche. Déjà j’ai trouvé que la construction était par moment facile, que la découverte des indices, des révélations, reposaient plus sur l’envie de l’autrice de faire avancer ou non son récit que sur une certaine logique. Concernant l’univers, même s’il a certains points intéressants, il m’a paru clairement bancal dans son incapacité à reposer sur un minimum de bases solides, tant on ne sait rien sur ce qui a pu amener à ce futur. C’est dommage, car il a  du potentiel. Concernant les réflexions qu’amène Annalee Newitz, je trouve qu’elle brasse énormément d’idées, mais que, voulant trop en faire, elle s’y perd. De plus certaines réflexions, comme la notion d’ouverture entre Paladin et Eliasz ne m’ont pas accroché du tout tant elle m’a paru improbable et incohérente. J’ai aussi trouvé dommage ce côté binaire entre la gentille pirate et les méchants groupes pharmaceutique, alors que la pirate est loin d’être innocente, mais vu que c’est l’héroïne on va éviter de trop amener le sujet. À propos des personnages, ils m’ont paru manquer de profondeur, juste assez construits pour faire avancer le Thriller et ne pas paraitre trop creux. C’est dommage tant ils pouvaient apporter plus, même si je nuance pour Med qui amène un peu de complexité, mais qui aurait pu aussi offrir plus. Concernant l’intrigue, j’ai trouvé que la découverte de l’antidote était un peu facile et la conclusion m’a paru simple et convenue. La plume de l’autrice est simple, efficace et colle parfaitement au style thriller rapide. Au final, j’avais peut-être trop d’attentes concernant ce roman, maintenant si vous cherchez un récit vif, rapide et incisif, qui offre des réflexions chocs, même si manquant de complexité, alors il pourrait vous plaire.

 

Ma Note : 5,5/10

 

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  1. La couverture me tentait bien mais en lisant ton avis, je vais peut être passer mon tour…

    • Après tout dépendra des attentes que tu peux avoir avec le roman. Si tu le prends comme un Thriller sans prise de tête ça marchera peut-être mieux.

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