Deus in Machina – John Scalzi

Résumé : « L’heure était venue de fouetter le dieu. Le capitaine Ean Tephe entra dans la chambre divine, un coffret en filigrane laqué dans les mains. Il découvrit un acolyte qui perdait son sang et le dieu à plat ventre sur son disque de fer, les chaînes tendues à bloc. La bouche écrasée contre le métal, le dieu ricanait en se passant la langue sur ses lèvres rougies. Un prêtre se tenait au-dessus de lui, à l’extérieur du cercle de confinement. Deux autres acolytes étaient adossés à la paroi, terrifiés. »Voici le dieu dans la machine.
Vous pouvez dire vos prières…

Edition : L’Atalante

 

Mon Avis : Il y a quelques mois maintenant, je me suis lancé dans la lecture du grand cycle le plus connu de John Scalzi : Le Vieil Homme et la Guerre. Ayant accroché au premier tome (ma chronique ici) j’ai décidé, non pas de me faire une année thématique sur l’auteur, mais de sortir ses différents livres que j’ai de ma bibliothèque. C’est donc comme ça que j’en suis venu à sortir cette novella de ma PAL et de lui laisser une chance. Il faut dire que la couverture, illustrée par Vincent Chong, ainsi que le quatrième de couverture avait quelque chose d’intrigant et qui donnait envie d’en apprendre plus.

Cette novella nous plonge ainsi dans un univers différent du nôtre, un peu étrange, entre fantasy sombre et science-fiction, où les dieux existent. L’un d’entre eux, suite à une grande guerre, a réussi à vaincre ses congénères et a décidé de mettre en esclavage les dieux vaincus en les installant en tant que « réacteur » dans des vaisseaux spatiaux. En effet ce sont les dieux qui permettent ainsi aux hommes de voyager entre les planètes. Le Seigneur, le dieu vainqueur de cette guerre, est ainsi devenu pour les hommes la puissance à vénérer, aimer et craindre. Alors, oui, autant le dire tout de suite et comme vous avez dû, je pense, le remarquer avec mon résumé, ce roman va traiter de la religion. J’avoue, une fois la dernière page tournée, j’ai plutôt bien apprécié ce court texte, même si parfois il use et abuse de certaines constructions frustrantes cherchant à en mettre pleine les yeux, je l’ai trouvé dans l’ensemble plutôt réussi. Après, c’est vrai, tout va reposer sur l’acceptation du lecteur et son adhésion à cet univers, mais aussi sur certains « effets » mis en place par John Sclazi qui peuvent autant accrocher le lecteur que complètement le décrocher selon moi. Pour ma part ce court récit m’a offert un texte qui repose sur un rythme efficace, soutenu, un peu construit sous forme de différentes scènes qui permettent ainsi d’avoir une vue intéressante et un minimum entraînante sur l’intrigue.

L’un des points intéressants de ce livre vient, pour ma part, de son univers développé tout du long. On plonge ainsi dans un monde assez sombre, où les dieux ont connu une guerre et où le gagnant a pris l’ascendant. L’auteur arrive ainsi, finalement en peu de pages, à construire quelque-chose que j’ai trouvé assez solide et intéressant à découvrir. Alors, oui, c’est vrai, il ne faut pas obligatoirement chercher à y retrouver nos propres lois et axiomes scientifiques, surtout quand on a des dieux comme moteur de vaisseaux, mais il offre quelque-chose de cohérent et de logique dans ce qu’il construit. Ainsi, plus on avance, plus cette idée de dieu comme réacteur, ou encore cet aspect de construction sociale ne manque pas d’attrait et donne envie d’en apprendre un peu plus. Bien entendu l’ensemble reste court et s’avère parfois un peu frustrant, jouant par moments sur les non-dits parfois de façon un peu facile, laissant un peu trop lecteur combler les blancs, mais dans l’ensemble il se dégage un petit quelque-chose d’attrayant de cette toile de fond. Il faut dire que l’ensemble est porté par des descriptions très visuelles et une construction très énergique, qui nous fait passer de façon fluide et rapide d’une scène à l’autre. Cela a, c’est vrai, par contre pour effet une impression lors de certains passages de vouloir aller trop vite. Mais finalement ce qui titille la curiosité c’est la construction de cette société, où la foi est au coeur du système, jamais remise en question avec toutes les dérives que cela peut imposer, même si, encore une fois il y a ce côté frustrant de trouver cela trop court tant un développement plus dense aurait rendu cette idée plus passionnante je pense.

Bien entendu à partir de là découle des réflexions et thématiques sur le sujet de la religion, du clergé et de la foi, principalement avec cette idée qui voudrait que la force des dieux soit corrélées avec le nombre de croyants. La religion en devient ainsi finalement exploratrice et commerciale. Surtout l’auteur a l’air de vouloir soulever le point de la différence entre la notion de foi et la notion de clergé et ses textes sacrés. Vouloir construire sa foi, sa croyance sur des textes « imposés » par d’autres peut amener à des dérives, des vérités différentes, des lectures différentes et a des troubles. Maintenant soyons clair, encore une fois le traitement sous forme de novella empêche vraiment ses réflexions de gagner en densité et en intérêt. Certes elle amène le lecteur à se questionner légèrement concernant ces questions, je trouve, mais manquent clairement d’impact en tombant assez souvent dans un aspect un peu binaire à mon goût. Ce qui est par contre un peu dommage avec ce récit c’est que les personnages manquent quand même de constructions et de complexité. Je ne dis pas qu’ils sont mauvais, mais ils m’ont paru dans l’ensemble assez plats et convenus. Certes ils offrent assez de rebondissements et de révélations pour faire avancer le récit sur un rythme efficace, mais en eux-mêmes ils paraissent surtout n’être que des outils pour l’intrigue ce qui est quand même légèrement dommage tant il y avait, je pense, la place pour construire des héros plus profonds.

Autre point qui va fortement jouer sur le ressenti de chacun concernant ce livre vient de sa construction. John Scalzi sait construire un récit fluide et plein de rebondissements et de surprises, mais surtout il construit ici sa novella avec un florilège de phrases chocs (comme cette première phrase du livre « L’heure était venue de fouetter le dieu. ») et d’ellipses. Pour ma part j’ai trouvé que cela rendait l’ensemble plus fun, plus entraînant, mais la frontière est assez mince entre être captivé et trouver que cela offre un peu trop d’esbroufe. Cela se ressent par exemple avec la conclusion qui, oui, en met plein les yeux, mais une fois à tête reposé on se dit quand même que ce « feu d’artifice » cache quelques facilités. C’est, je pense, sur ce point que va se jouer le ressenti de chacun. Pour ma part, sans dire que j’ai trouvé cette novella exceptionnelle, elle m’a offert un sympathique moment de lecture, assez captivante dans son côté court et qui se lit facilement. La plume de l’auteur est simple, vivante et efficace et maintenant je vais continuer ma plongée dans l’univers Le Vieil Homme et la Guerre.

En Résumé : J’ai ainsi passé un assez sympathique moment de lecture avec cette novella qui se lit facilement et ne manque pas de divertir. L’un des points forts de cette novella vient de son univers, mélange de Fantasy et de SF, où les dieux existent et sont devenus les réacteurs des vaisseaux. Oui cela a un côté barré, il faut l’accepter, mais dans l’ensemble John Scalzi arrive à rendre le tout cohérent et logique je trouve dans sa construction. L’ensemble est aussi porté par une ambiance assez sombre, étrange et aussi grâce à des descriptions très visuelles et entraînantes. Ce qui est un peu frustrant c’est que le format court oblige l’auteur à jouer avec les non-dits, amenant le lecteur à combler par lui-même certains vides. Concernant les réflexions soulevées, elles tournent logiquement autour de la religion et ne manque pas de se révéler un minimum percutante. Maintenant, encore une fois, le côté novella rend l’ensemble un peu simpliste, reposant parfois un peu trop sur une notion binaire. C’est dommage car, sans dire que les thématiques soulevées tombent à plat, elles manquent parfois un peu de force et de complexité. Concernant les personnages, j’avoue, sans dire qu’ils sont mauvais, m’ont paru un peu plats, donnant l’impression qu’ils ne sont que des outils au profit de l’intrigue. Le récit est construit de façon à s’avérer énergique, tendu, incisif et entraînant, condensant au maximum son histoire, mais cela pourra s’avérer pour certains, je pense, bloquant, tant elle repose parfois un peu trop sur des ellipses et des phrases « chocs ». A chacun de se faire son avis. La plume de l’auteur est simple, vivante et efficace.

 

Ma Note : 7/10

 

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  1. Avec Scalzi c’est quitte ou double pour moi. J’ai adoré Les enfermés et La controverse de Zara XXIII mais et je n’ai pas accroché au cycle du Vieil homme et la guerre.
    Je tourne autour de celui-ci depuis pas mal de temps mais j’ai toujours hésité. Ta chronique m’a dissuadé que ce n’était pas un livre pour moi. Merci 😉

    • Après le style du Vieil Homme est quand même assez simple, mais pour ma part je le trouve efficace.

      Si j’ai pu aider même si, comme beaucoup je pense, je préfère aider à acheter des livres plutôt que l’inverse.

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