Ganesha, Mémoires de l’Homme-Elephant – Xavier Mauméjean

ganeshaRésumé : Londres, fin du XIXe siècle.
Qui est réellement Joseph Merrick, celui qu’on surnomme « l’Homme-Éléphant » ? Homme ou bête ? Monstre de foire ou curiosité scientifique ? Une simple anomalie de la nature ou… un dieu ?
Lorsqu’il rédige ses Mémoires, il n’a pas trente ans et réside depuis peu à l’hôpital de Whitechapel sous la protection du médecin Frederick Treves. Un refuge qui lui permet d’observer splendeurs et misères de la capitale, et d’enquêter : quatre affaires, autant de saisons dans une année. De leur résolution dépendra peut-être plus que son destin, car « le monde s’efface dans les rêves de l’éléphant… »

Edition : Mnemos
Poche : Helios

 

Mon Avis : Cela fait un moment que j’avais envie de découvrir un roman de Xavier Mauméjean. J’ai bien lu plusieurs de ses nouvelles ainsi qu’un roman écrit à quatre mains, mais je ne m’étais encore jamais laissé tenter par un roman de l’auteur lui-même. C’est donc maintenant chose faite, puisque j’ai fait sortir ce Ganesha, premier roman de l’auteur publié en 2000 et à l’illustration de couverture intrigante, de ma PAL. Il faut dire que le résumé avait de quoi m’intriguer, prenant comme héros central Joseph Merrick, l’Homme-Éléphant, qui m’avait marqué il y a des années avec le film de Lynch.

C’est ainsi que le lecteur se retrouve plongé dans le journal de notre héros, vivant à l’hôpital Whitechapel, se croyant être l’avatar du dieu Ganesha dans ce monde. Il va alors se retrouver ainsi impliqué dans quatre enquêtes qu’il va tenter de résoudre. Le récit est ainsi séparé en quatre parties, chacune associée à une investigation, mais dont l’ensemble est lié au personnage principal de Joseph Merrick. Alors autant être clair d’entrée, certes les scénettes sont construites comme des récits policiers, mais c’est loin d’en être le propos premier, ni même le travail principal de l’auteur. Je pense même que ceux qui se lanceraient dans ce récit en n’y cherchant qu’un thriller pourrait être déçu tant les trois premières intrigues reposent un peu trop sur certaines révélations mystiques et parfois sont facilement devinables. La quatrième, par contre, change de registre, nous plongeant dans un jeu de piste du chat et de la souris intense et tendu, bien porté par un aspect percutant, violent et sombre. Ce qui porte le récit vient donc principalement de ce qui est construit autour, que ce soit à travers le personnage ou encore l’ambiance, qui m’ont captivé.

En effet Xavier Mauméjean propose au final, selon moi, un texte vraiment dense et riche d’un point de vue psychologique, philosophique, mystique et sociétal ce qui offre ainsi une ambiance des plus prenante, fascinante et efficace. J’ai rapidement été happé par cette plongée dans la vie du héros qui se retrouve à soulever de nombreuses questions que ce soit sur la quête d’identité, la folie ou encore le jeu entre la réalité et l’imaginaire qui s’insinue de façon insidieuse, sans jamais s’imposer tant la question de son existence reste ouverte. C’est d’ailleurs aussi là-dessus que le récit joue, laissant le lecteur se faire sa propre idée, décider de la divinité ou de l’humanité de notre héros, de sa capacité à être cet être mystique vénéré par certains ou un simple homme défiguré et consumé par une folie. C’est vraiment dans cette « intimité » qui se crée avec le lecteur, dans ce doute permanent, dans ce questionnement et dans cette ambiance que le récit gagne son intérêt et fait qu’on tourne les pages avec envie d’en apprendre plus, de découvrir plus encore cet Homme-Éléphant et sa vision du monde et de sa vie.

Le travail effectué sur la ville et tout ce qui gravite autour se révèle aussi terriblement réussi, jouant beaucoup sur l’atmosphère du récit. Ce Londres victorien se révèle ainsi fascinant, devenant limite un personnage à part entière, entre misère et richesse, entre monstruosité et lumière, entre foire et théâtre, la ville se révèle complexe et se dévoile lentement au fil du récit. C’est aussi une cité en plein changement, en plein bouleversement, une évolution vers une société beaucoup plus prosaïque, beaucoup plus accès sur le côté scientifique, moderne et réel que sur l’imaginaire. Cela se ressent dans la vision que propose le héros, entre magie et industrie. D’ailleurs le parallèle entre le voyage de notre héros à la campagne et sa vie à la ville en est ainsi la parfaite illustration. Une réflexion intéressante sur le passage vers un monde où les rêves et la magie disparaissent, où Merrick est probablement le dernier représentant de cette culture mystique présent sur terre et dont sa fin amène l’apogée de l’ère industrielle, où l’humanité est peut-être en train de se perdre, tout en offrant quelques petites réflexions sur notre vision du monde d’aujourd’hui. On notera aussi un travail intéressant sur les contes et certaines mythologies qui viennent apporter un plus à l’ensemble.

Concernant les personnages on est rapidement fasciné par la vie du héros, Joseph Merrick, à la fois monstre repoussant et être adulé, il oscille dans un monde qu’il comprend trop facilement et qu’il dépasse. Il y a d’ailleurs, à travers les enquêtes policières, une certaine ressemblance avec un autre enquêteur bien connu selon moi :Sherlock Holmes. Tous les deux se révèlent être des sortes de génie, mais tout aussi torturé, même s’il y a quand même de nombreuses différences entre eux, comme le fait que Merrick gère ses enquêtes de façon très statiques, divines, ce sont ses « associés » qui effectuent la grande partie du travail, tandis que Holmes est plutôt du genre hyperactif, qui se lie difficilement. En tout cas au final on a là un personnage qui se révèle passionnant, attachant et fascinant dans son côté humain comme dans son impression de divinité, tout en offrant des réflexions sur sa difformité et la façon dont elle est traitée. Après le soucis, comme souvent dans les récit à la première personne et très typé journal, vient que les personnages secondaires manquent parfois de consistances, ce qui est légèrement dommage tant certains donnent envie d’en apprendre plus.

La plume de l’auteur se révèle fluide, soignée, travaillée, efficace et nous emporte assez facilement pour peu qu’on s’intéresse à cette représentation de l’Homme-Éléphant. On sent bien qu’il a fortement travaillé son récit et s’est surtout fortement documenté pour retranscrire au mieux son héros et son image de fond qu’est cette Angleterre Victorienne. Je regretterai par contre certains passages que j’ai trouvé par moments, confus, voir une construction du récit parfois anarchique qui me perdait légèrement, mais franchement rien de non plus très bloquant. En tout cas Ganesha fût un très bon moment de lecture avec un récit très dense qui, je trouve, est loin d’avoir dévoilé toutes ses pistes à la première lecture. En tout cas je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur dont justement certains m’attendent dans ma PAL.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous plonge à la découverte de Joseph Merrick, l’Homme-Éléphant, à travers quatre enquêtes. Mais c’est surtout la construction au-delà des investigations, qui sont résolus finalement asez facilement, qui font qu’on se retrouve happé par le récit, que ce soit aussi bien dans « l’intimité » lié aux personnages comme dans les nombreux aspects philosophiques, psychologique ou encore sociétal offrant ainsi de nombreuses possibilités de lectures. On oscille tout du long entre de nombreuses hypothèses, mais aussi entre réalité et mysticisme, entre magie et science, qui offre ainsi une ambiance prenante. La ville de Londres joue aussi un rôle capital, une cité en pleine mutation, qui fonce à grands pas vers l’ère industrielle et tout ce que cela peut occasionner comme mutation ; elle en devient ainsi limite un personnage à part entière du récit. L’aspect conte et mythologique se révèle aussi soigné et efficace. Concernant les personnages, le héros Merrick, se révèle soigné, solide, travaillé et attachant, mais comme souvent dans des récits à la première personne éclipse les personnages secondaires, ce qui est dommage tant certains donnent envie d’en apprendre plus. Je regretterai par contre une légère confusion au niveau de certains passages qui me perdaient, mais franchement rien de non plus très bloquant. La plume de l’auteur se révèle soignée, efficace et colle parfaitement à l’ambiance du récit. Je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur, dont certains justement m’attendent déjà dans ma PAL.

 

Ma Note : 8/10

 

Autres avis : Boudicca, Nelfe, Julien le Naufragé, Efelle, …

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Mes achats du mois de Mai 2015 et des Imaginales !

  1. Je l’ai acheté aux dernières Imaginales ; je connais Mauméjean de nom mais je n’ai jamais rien lu de lui avant. La couverture ainsi que la thématique de la mythologie indienne m’ont plu, je connaissais Merrick parce que j’avais fait mon TPE de Terminale sur la figure du monstre et nos recherches de groupe nous ont assez vite menées à lui – mais je ne suis pas non plus très familière du personnage. Finalement c’était une très bonne pioche, ce livre m’a épatée et je trouve que Mauméjean a une excellente plume.

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