Immortel – Catherynne M. Valente

immortelRésumé : Kochtcheï l’Immortel est au folklore russe ce que les démons et les sorcières sont à la culture occidentale : un personnage menaçant et maléfique ; mais nul n’a jamais dépeint Kochtcheï comme Catherynne Valente, qui modernise le conte, le bouleverse et resitue l’action à l’époque moderne et couvre ainsi nombre des grands bouleversements de la Russie du XXe siècle. La jeune Maria Morevna, une brillante enfant de la révolution, devient la belle épouse de Kochtcheï avant de causer sa perte. En chemin, elle croisera des lutins stalinistes, accomplira des quêtes magiques, apprendra des secrets, se heurtera à la bureaucratie, à des jeux de désir et de domination. Immortel est un choc entre l’histoire magique et l’histoire réelle, la révolution et la mythologie, l’amour et la mort ; il ressuscite la légende russe sous une forme étonnante.

Edition : Eclipse

 

Mon Avis : Ce roman a terminé dans ma PAL pour deux raisons, la première vient tout simplement de sa couverture, illustrée par Beth White, que je trouve magnifique avec son mélange de noir, de blanc, de rouge et ses jeux d’ombres, ensuite la seconde vient de son résumé qui a eu le don de m’attirer par son côté différent et intriguant. Il faut dire que c’est un peu une des forces de la maison d’édition Eclipse, d’essayer de chercher à proposer des textes à l’opposé de ce qui se fait actuellement, même s’il m’arrive parfois de râler sur leur capacité à ne pas sortir les suites de séries qui m’intéressent et à offrir peut-être un peu trop de zombies. En tout cas ce livre annoncé comme un one-shot a rapidement terminé entre mes mains avec l’envie de le découvrir et me faire mon avis.

Alors, autant être clair d’entrée de jeu d’un point de vue des légendes Russe, mis à part Baba Yaga dont j’ai lu une ou deux histoires, je ne connais pas grand-chose de leurs contes. C’est donc une lecture et une chronique sans a priori de ce point de vu que je vous propose. Car oui, l’auteur a décidé de construire son histoire en nous offrant un mélange que j’ai trouvé réussi de mythologie et de réalité, avec une découverte de la Russie partant de la révolution jusqu’à la seconde guerre mondiale. Je dois bien avouer que ce livre au final se révèle clairement dense, complexe, travaillé et qu’il a réussi à me captiver, à me happer, quasiment du début à la fin.

C’est bien simple l’auteur est parti d’une réécriture de la légende de Maria Morevna et de Kochteï et a décidé de la modifier, de l’adapter à son récit tout en y ajouter une couche historique. On se retrouve alors avec une intrigue qui mélange magie et imaginaire avec des aspects plus réalistes, plus vivants, humains. On est alors emporté par le monde fertile, poétique et dense qui nous est présenté au fil des pages. Entre un monde parallèle au notre qui se révèle plein d’envoûtements, de mystères avec un bestiaire qui se dévoile passionnant avec ses monstres flamboyants, surprenants comme Baba Yaga, les domovoïs, les oiseaux de feu, etc…, et un monde réel plus banal avec ses souffrances, ses violences, sa noirceur et ses contraintes. Mais voilà l’auteur n’oublie pas pour autant qu’un conte peut aussi se révéler cruel, que ce soit dans la réalité comme dans l’imaginaire, la guerre gronde à toutes les portes et risque de tout emporter, que ce soit celle entre la vie et la mort ou celle face aux allemands. Un récit dont je trouve que finalement la beauté vient de son étrangeté : c’est difficile à expliquer,  il faut oublier son esprit cartésien à vouloir cherche une logique à tout, mais plutôt se laisser emporter par les mystère et l’inconnu, se laisser entrainer devant ses nombreuses rencontres improbables et ses nombreux traits magiques qui ne sont pas toujours expliqués, mais qui pourtant fascinent.

L’histoire qui se construit est également une histoire humaine, qui traite de nombreux sujets que ce soit la différence vis-à-vis de l’héroïne qui voit des choses que les autres ne voit pas et se retrouve rejeter, l’Amour et le mariage avec ses règles, à la fois pleines de beauté mais aussi remplie de mensonges, de trahisons ou encore de douleurs, ou bien encore sur la Guerre. Les passages à Leningrad durant 1942, ville sous les bombardements et qui se meurt de faim, se révèlent franchement poignants, tristes et troublants. L’auteur n’oublie pas aussi de traiter la Russie, plus précisément de son histoire offrant ainsi bon nombre de réflexions que ce soit sur la révolution qui a soi-disant rendu le pouvoir au peuple ou bien encore sur le communisme, qui a suivi dans la foulée, avec ses nombreux rêves de partage qui n’ont jamais abouti. Autre aspect qu’on retrouve, qui est certes plus classique, mais amené de façon solide et efficace, c’est la disparition de la magie et du folklore au profit de la modernité, de la guerre, de l’oubli et de la mort qui gagne de plus en plus de partisans. On découvre aussi un peuple, Russe, de résistant, que ce soit face aux différentes autorités ou bien encore face aux hivers glacés ; des populations qui ne cherchent qu’à avancer et qui ont la survie ancrée en eux. Immortel s’avère donc être un récit complexe, sombre, qui peut se lire sur différents niveaux et qui ne doit pas se savourer trop vite sous peine, peut-être, de passer à côtés de certains passages riches, denses et magnifiques.

Il faut aussi bien admettre que l’ensemble est porté par des personnages troublants et surprenants. On est véritablement happé par Maria Morevna, dont on découvre au départ l’innocence, qui va peu à peu se retrouver perverti par la découverte du monde, de ses lois et du mariage. Car c’est aussi ça ce récit, un voyage initiatique qui va amener notre héroïne à devenir plus dure, à s’adapter à son univers qui est loin de ses rêves de jeunes filles, où la magie ne la protège en rien de la mort qui attend toujours au tournant. Sa relation avec Kochtcheï, sur ton de soumission/domination, apporte aussi quelque-chose de troublant, de sensuel et d’entrainant. Ce mélange de passion et de cruauté, de fuite vers l’oubli ne manque pas d’attrait, mais ne dure jamais. Ivan, et son côté humain, vont lui rappeler qui elle est, que la vie n’est pas que folie et mystère, qu’elle possède aussi ses propres règles, ses propres tourments. Tous les autres personnages qu’on découvre au fil des aventures de l’héroïne paraissent envoutants par leurs étrangetés, mais aussi par ce qu’ils apportent au fil de la lecture. C’est justement leurs ambivalences qui arrivent à captiver le lecteur, ils font des choix en fonction de leurs envies, loin de tout manichéisme, les hommes trahissent, les femmes aussi, personne n’est parfait, chacun ne fait que finalement chercher son bonheur pour essayer de contrôler, d’oublier.

Et pourtant, certains points m’ont tout de même dérangés dans ce roman. Malgré toutes les qualités qu’on y retrouve, que ce soit aussi bien dans la construction du récit, les différentes histoires et légendes imbriquées ou encore dans la plume de l’auteur, ce roman possède quelques longueurs. Plus précisément j’ai en partie décroché vers la fin sur toute la partie qui vient après la guerre de Leningrad, je ne veux pas trop spoiler mais c’est le passage où Maria oublie. Je ne sais pas trop pourquoi ces 50 pages, environ, m’ont paru longues, possédant trop de petites histoires qui n’apportent rien au récit. Je pense qu’avec moins de pages, l’ensemble aurait gagné en intérêt. Certes rien de non plus bloquant ou dérangeant tant l’ensemble m’a marqué, mais voilà selon moi sans ces passages l’ensemble aurait pu être encore un cran au-dessus.

Concernant la plume de l’auteur elle s’avère clairement entrainante, poétique, magique et fluide, plongeant le lecteur avec facilité dans son monde captivant. On sent bien aussi qu’elle a effectuée de nombreuses recherche pour rendre son récit, patchwork de légendes et d’Histoire, cohérent et passionnant. Je suis d’ailleurs maintenant très tenté de découvrir le Folklore Russe dont, comme je l’ai dit, je n’ai finalement que peu de connaissance. En tout cas je dois bien avouer que je suis aussi très tenté de découvrir d’autres écrits de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre qui nous propose une histoire, mélange de féérie et d’histoire de la Russie, de façon vraiment passionnante et entrainante. Entre folie et douleur on se laisse porter par ses passages poétiques et ses zones d’ombres que l’auteur arrive à rendre cohérents et captivants. Elle nous propose aussi à travers son récit de nous faire réfléchir sur la Russie, son Histoire, et son peuple, mais aussi su des sujets tels que l’amour et le mariage ou bien encore sur la fin de la magie au profit de la modernité et de la guerre. Le monde qui se développe au fil des pages se révèle troublant, mystérieux et terriblement efficace, donnant envie d’en apprendre plus. Concernant les personnages ils sont vraiment attachants et prenants, se montrant humains au fil des pages, loin de tout manichéisme, ne cherchant finalement qu’une parcelle de bonheur et d’oublie. Je regrette juste quelques longueurs, principalement vers la fin qui font que j’ai un peu décroché de l’histoire, mais rien de non plus bloquant. La plume de l’auteur est entrainante, pleine de poésie et de magie, donnant envie de découvrir d’autres de ses récits.

 

Ma Note : 8/10

 

Autres avis : nymeria, ferial, Le Bibliocosme, etc…

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  1. Férial

    J’aime beaucoup ta chronique, elle est très complète, je suis d’accord avec toi sur énormément de points et je suis ravie que tu aies aimé ce livre qui est un vrai coup de coeur pour moi ;D

    • Merci pour le commentaire ça fait toujours plaisir. Peut-être pas un coup de cœur pour moi, mais en tout cas une très bonne lecture.

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