L’Alchimie de la Pierre – Ekaterina Sedia

Résumé : Soit une ville immense, sombre et secrète, fondée par un peuple minéral plus secret encore — les gargouilles. De mémoire d’homme, les guildes rivales des Alchimistes et des Mécaniciens s’y livrent une lutte d’influence acharnée. Or les Mécaniciens semblent enfin en passe de l’emporter, prêts à imposer sur la cité un ordre nouveau, brutal.
Automate douée de conscience, unique en son genre, Mattie est la création d’un Mécanicien ambigu. Bien qu’émancipée, elle peine à se libérer de l’emprise de son ancien maître, une ombre qui ne l’a pas empêchée, malgré tout, d’embrasser la carrière d’alchimiste. Les gargouilles l’ont chargée d’une mission cruciale : trouver un remède au mal qui les frappe, une inexorable pétrification. Mission que compliquent des événements tragiques : des attentats frappent la ville, tandis que dans ses entrailles couvent les ferments de la révolution…

Edition : Le Bélial’

 

Mon Avis : Ce roman, j’en ai entendu parler pour la première fois il y a quelques années, quand il devait être initialement édité par les éditions Eclipse chez Panini Books. A l’époque l’éditeur ayant décidé, si je ne me trompe pas, de recentrer ses publications vers les zombies, j’ai cru que ce roman ne verrait jamais le jour en VF. J’ai donc été agréablement surpris d’apprendre il y a quelques mois que les éditions Le Bélial’ avaient récupéré les droits et allaient publier ce roman. Concernant la couverture, illustrée par Nicolas Fructus, je la trouve magnifique et elle donne clairement envie de plonger dans ce récit. De plus des illustrations sont aussi présentes dans le roman et sont tout aussi superbes, ce qui fait de ce livre un très bel objet.

On suit ainsi l’histoire de Mattie, une automate qui a gagné sa liberté et est devenue une alchimiste. Un jour les gargouilles viennent la voir pour qu’elle puisse les aider à vaincre le mal qui les ronge. Sauf que cette mission va se compliquer devant les évènements qui vont survenir dans la ville entre rébellion, attentats et changements. J’ai ainsi passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui, certes, possède quelques défauts ici ou là, mais a clairement réussi à m’emporter et surtout à me questionner sur de nombreux sujets. C’est d’ailleurs le gros point fort du roman, sa capacité à offrir de nombreuses réflexions, à ne pas laisser le lecteur indifférent  devant les nombreux aspects qui sont traités. Je me suis ainsi facilement plongé dans l’enquête que mène l’héroïne, le tout porté par un rythme lent, nonchalant et pourtant qui a réussi à me captiver.

Ce qui pourrait en bloquer certains, outre le rythme loin d’être nerveux, vient du fait que l’intrigue passe je trouve un peu au second plan. Attention, elle n’est pas mauvaise en soit et ne dessert pas pour autant le récit, loin de là. Elle s’avère tout simplement très classique dans son évolution, assez linéaire et par conséquent assez facilement prévisible dans certains de ces retournements de situations importants. Cela n’empêche pas pour autant l’histoire d’offrir une certaine tension, ainsi que plusieurs scènes accrocheuses comme ce qui tourne autour de la révolution, mais sachez-le si vous cherchez un récit tendu et nerveux alors vous risquez de passer à côté de ce livre qui cherche plus à mener une réflexion riche et travaillée et à nous plonger dans un monde troublant et séduisant. Tout dépendra des attentes que vous avez.

Le premier point qui m’a fasciné et qui a franchement réussi à me happer rapidement, c’est l’univers qui est construit au fil des pages. On sent clairement que l’auteur possède une imagination débordante et fascinante, mais surtout qu’elle arrive à rendre l’ensemble poétique et accrocheur. On plonge ainsi facilement, et avec une certaine fascination dans cette ville étrange, à la fois magnifique et sombre, qui oscille entre steampunk, alchimie, magie et gargouilles. Le monde proposé tout du long ne manque pas de richesse et s’avère clairement soigné et envoûtant pas de nombreux aspects. Que ce soit dans sa mythologie, dans ses luttes de pouvoir, dans son histoire ou bien encore dans ces étrangetés comme cette idée du Fumeur d’âmes, cet univers séduit et fascine tout en offrant un côté sombre.

Son côté politique peut paraitre un peu binaire, la lutte de pouvoir entre alchimistes et mécaniciens, contrebalancé par le pouvoir du Duc, et pourtant au fil des pages il va offrir bien plus que cela. On y ressent d’ailleurs aussi l’influence Russe de l’auteur dans certains passages (ou alors je me trompe complètement), ce qui offre je trouve un plus à l’ensemble, l’ancrant encore plus dans une certaine réalité. L’aspect social avec les luttes des classes offre aussi un intérêt supplémentaire au récit, même si parfois ça manque un peu d’explication. Mais surtout ce qui se dégage selon moi c’est l’ambiance que pose l’auteur, à la fois étrange, envoutante et entraînante elle donne clairement envie d’en apprendre plus.

Concernant les personnages j’avoue je suis un plus partagé. Concernant l’héroïne, Mattie, Elle est très intéressante et touchante que ce soit dans ses problématiques, ses envies et son ressenti tout en étant automate. Émotionnellement malgré parfois son côté un peu « froid » de machine, elle s’avère clairement attachante, soulevant de nombreuses questions. On est ainsi happé par sa vie, son envie de profiter d’une vie normale malgré sa différence, de connaître la liberté et l’amour, le tout bien porté par des scènes parfois marquantes et puissantes que je vous laisse découvrir. Autre personnage qui sort du lot, c’est le Fumeur d’Âmes, ce personnage au pouvoir étrange qu’on découvre petit à petit, à la fois déroutant et fascinant qui dévoile une histoire complexe et intéressante. Un aspect qui m’a paru intéressant ce sont les interactions entre les différents personnages qui ne sont jamais anodines et apportent souvent de nombreuses réflexions et des dialogues intéressants et efficaces. Là ou par contre je reste plutôt mitigé, c’est concernant les autres personnages qui manquent quand même d’un peu de densité. Je pense par exemple au créateur de Mattie, Loharrie, qui est pourtant un personnage important mais m’a paru un peu en retrait. Rien de trop bloquant, mais parfois un peu frustrant. Après le roman est aussi plutôt court, faisant moins de 280 pages.

Mais là où le récit m’a paru le plus intéressant c’est, comme je l’ai dit plus haut, dans les nombreuses réflexions qu’il développe tout du long. Le premier point que met en avant l’auteur c’est sur le statut de la femme, son absence d’égalité dans cette société qui fait obligatoirement écho à notre société actuelle. Que ce soit dans la relation entre Mattie et son maître, qui fait penser à la notion de couple où Loharrie parait avoir tout pouvoir et personne ne peut rien dire, mais aussi dans la quête de liberté de l’héroïne, ou bien encore dans un aspect plus métaphysique voir religieux, par le fait que Loharrie soit le créateur de Mattie, soulève aussi de nombreuses questions. Elle offre ainsi une critique efficace et percutante, permettant au lecteur de se poser de nombreuses questions, mais sans jamais non plus trop imposer son point de vue. De nombreux autres sujets sont aussi abordé que ce soit sur la société et sa gestion des classes, le regard que l’on a sur les autres et principalement sur les étrangers, le terrorisme ou bien encore les bouleversements que peuvent apporter l’évolution et la technologie. Des idées qui ne laissent pas indifférents et m’ont passionné, même si c’est vrai parfois l’argumentaire manque un peu de finesse. La plume de l’auteur est dense, soignée, poétique et a réussie à me happer rapidement dans son univers et son récit. Je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous offre, certes une histoire un peu convenu, mais propose de nombreuses réflexions qui ne laissent pas le lecteur indifférent. L’univers qui est proposé au fil des pages s’avère captivant, à la fois mystérieux, avec ces zones d’ombres et pourtant envoûtant et entraînant. L’aspect politique et social offre aussi une densité supplémentaire à l’ensemble, même si parfois j’aurais préféré un peu plus d’explications sur certains points, mais rien de dérangeant. Concernant les personnages, j’ai été touché par Matie, l’automate, dans son envie de vivre, de profiter d’une vie normale malgré sa différence, dans ses envies, ses rencontres qui vont la changer. J’ai aussi accroché au Fumeur d’âmes, personnage ambigu et complexe, mais j’ai trouvé que les personnages secondaires manquaient de profondeur par moment ce qui est parfois légèrement frustrant. Mais là où le récit gagne, selon moi, son principal intérêt c’est dans les réflexions qu’il soulève que ce soit sur la position de la femme, ses droits et libertés, le regard que l’on porte sur les autres, la peur du changement ou bien encore les luttes sociales qui s’avèrent intelligents et percutants même si parfois l’argumentaire est un peu simpliste. La plume de l’auteur est soignée, dense et poétique, nous plongeant facilement dans le récit. Je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

 

Ma Note : 8/10

 

Autres avis : Apohis, Just a Word, …

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  1. J’ai trouvé bien sympathique l’extrait proposé sur le site du Bélial’, je pense que je finirais par lire ce roman ^^.

  2. Ben, je ne sais toujours pas.
    Pourtant, le titre me tente et les critiques plutôt positves…

    • Après tout dépend des attentes que tu peu chercher aussi. En tout as si tu le lis, je te souhaite une bonne lecture et espère qu’il te plaira autant qu’à moi.

  3. Un de plus à rajouter à ma WL, merci 😉

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