Le Dieu Oiseau – Aurélie Wellenstein

Résumé : Une île. Dix clans. Tous les dix ans, une compétition détermine quel clan va dominer l’île pour la décennie à venir. Les perdants subiront la tradition du « banquet » : une journée d’orgie où les vainqueurs peuvent réduire en esclavage, tuer, violer, et même dévorer leurs adversaires.
Il y a dix ans, Faolan, fils du chef de clan déchu, a assisté au massacre de sa famille. Sauvé par le fils du chef victorieux, Torok, il est depuis lors son esclave et doit subir ses fantaisies perverses. Sa seule perspective d’avenir est de participer à la compétition de « l’homme-oiseau », afin de renverser l’équilibre des pouvoirs en place et de se venger.
Qui du maître ou de l’esclave va remporter la bataille ? Quel enjeu pour les habitants de l’île ? Quel est le prix à payer pour la victoire ?

 

Edition : Scrinéo

 

Mon Avis : J’ai découvert Aurélie Wellenstein il y a quelques années maintenant principalement avec son roman Le Roi des Fauves, qui m’avait offert un très bon moment de lecture à travers un récit âpre, sombre, efficace et bien porté par des personnages humains et intéressants (ma chronique ici). Depuis, que ce soit avec Les Loups Chantants (chronique ) ou La Mort du Temps (chronique ici), l’autrice a toujours réussi à offrir des récits captivants, plus ou moins percutants et entraînants. C’est donc tout à fait logique que je me sois rapidement laissé tenter par sa dernière publication : Le Dieu Oiseau. A noter la couverture, illustrée par Aurélien Police, que je trouve magnifique et qui reprend clairement l’essence du récit.

Ce livre nous fait ainsi suivre Faolan, fils du chef d’un clan, qui a vu il y a 10 ans un clan ennemi gagner la compétition, ce qui leur offre un ascendant sans aucune limite sur les autres clans. Il a ainsi vu sa famille être massacrée et être sauvé par Torok, le fils du chef de clan vainqueur, qui a décidé d’en faire son esclave. Dix années de souffrances, de violences, … qui vont s’arrêter, car le nouveau concours approche et il a décidé d’y participer pour espérer se venger. Soit il gagnera, soit il mourra. Alors, autant le dire tout de suite, l’autrice qui a toujours pas mal oscillé vers de la Dark Fantasy va encore une fois nous proposer un récit très sombre, très violent, voir même plus que ce qu’elle a déjà proposé dans ces autres écrits. Ce n’est en rien une critique, car finalement je n’ai jamais eu l’impression ici que ce côté sanglant, sombre, soit gratuit, simplement pour le plaisir. Il y a ainsi une certaine logique dans ce côté dérangeant, que ce soit aussi bien à travers l’univers qui est construit tout du long, que dans, finalement, la caractérisation des personnages. Maintenant, oui, cela pourra peut-être en déranger certains surtout que c’est parfois très visuel. Pour ma part, une fois la dernière page tournée, j’ai passé un très bon moment de lecture qui, certes, repose finalement sur une intrigue assez simple dans les grandes lignes, mais qui s’avère rapidement prenante et incisive, qui donne vraiment envie d’en apprendre plus. On monte clairement en tension au fil des pages et à travers des rebondissements énergiques et prenants.

Déjà le premier gros point fort du roman vient finalement de Faolan, ce jeune homme qui a passé dix ans en « enfer » et qui cherche vengeance. Tant d’années de souffrances, de traumatismes et de violence l’ont clairement transformés et on découvre ainsi un jeune homme rempli de haine et de colère dans l’attente d’une libération et, il l’espère, une revanche sur Torok. Aurélie Wellenstein a clairement, je trouve, peaufiné son héros pour trouver ainsi le juste milieu entre un personnage humain et qui arrive à toucher le lecteur, tout en présentant aussi un héros rempli d’intensité, d’agressivité et de rancoeur qui, obligatoirement, questionne. Elle a vraiment trouvé un équilibre intéressant, qui fait qu’on suit ses aventures avec l’envie d’en apprendre plus et, d’une certaine façon, on le soutien dans sa quête. Autre point très intéressant c’est la façon dont il évolue face aux évènements, aux traumatismes et aux péripéties auquel il va devoir faire face. On va ainsi découvrir un héros qui ne laisse pas indifférent dont, certes, on peut juger et rejeter parfois les actes qu’il commet, mais que, dans une certaine mesure, on comprend face à ce qu’il a vécu. D’ailleurs c’est intéressant les questions que cela soulève, sur le milieu où l’on vit, la façon dont on nous traite qui finalement nous façonne, nous transforme, fait en partie ce que nous sommes. Faolan n’est pas né comme ça, il a finalement été modelé par ce qu’il a vécu, subi et découvert. A l’inverse Torok est-il né « monstre »  pour autant ou l’est-il finalement devenu dans un environnement qui le lui permettait, appartenant à un clan dominateur et sans clémence. Une réflexion, complexe, qui reste de mise encore aujourd’hui, et un vrai travail psychologique fascinant à suivre entre, car finalement Torok a aussi un côté « humain » et Faolan un côté « monstrueux » mais ça je vous laisse le découvrir.

Après, vu que le roman tourne autour de Faolan et, dans un moindre mesure Torok, j’avoue que cela a pour conséquences, finalement, que les autres personnages qui gravitent autour d’eux manquent parfois légèrement de consistances. Alors rien de trop dérangeant non plus, mais voilà un ou deux protagonistes auraient tout de même mérité peut-être un peu plus de profondeur, ce qui aurait aussi permis de rendre encore plus percutant certaines scènes, à mon avis. Les personnages sont  placé dans un univers qui n’est pas sans rappeler les influences Inca, Maya, Aztèques, et qui s’avère très solide dans sa construction, dans sa présentation et aussi dans sa découverte, même si finalement il ne reste que centré sur cette idée de défi, de concours pour les dieux qui en est finalement le point central Alors, c’est vrai, cela rend un peu frustrant de ne pas obligatoirement découvrir cette société parfois plus en profondeur, à travers d’autres us et coutume, traditions, ou autres aspects, mais rien de non plus trop dérangeant. Finalement l’univers mis en place par l’autrice offre un cadre qui ne manque pas de se révéler tout de même très intéressant, dépaysant et qui colle parfaitement à l’histoire qui est construite. On plonge ainsi dans monde âpre, où les plus forts sont récompensés, où le pouvoir se gagne et où les faibles doivent toujours subir. Un monde aussi très religieux, très ancré dans cette idée que ce système de pouvoir plait aux dieux, est récompensé par ces derniers. Il y a aussi un aspect visuel très efficace, à travers des descriptions très intéressantes, principalement sur l’île, d’un monde à la fois sauvage et, d’une certaine façon, captivant avec toujours cette thématique chère à l’autrice sur les animaux. Au final un univers qui donne envie d’en découvrir plus, de mieux le comprendre.

Alors après, c’est vrai, Aurélie Wellenstein utilise une construction de récit qui, dans les grandes lignes, n’est pas sans rappeler à chaque fois celle de ses anciens récits, ce qui rend certains passages peut-être un peu linéaires dans les grandes lignes. Alors attention, je ne dis pas pour autant que ce roman est sans surprise, loin de là. Rien que la révélation vers le milieu, dont je ne dirai rien pour éviter de spoiler, je ne l’ai franchement pas vu venir et la conclusion qui, même si certains points sont prévisibles, possède elle aussi aussi son lot de révélations marquantes. Je reprocherai aussi, c’est vrai, une ou deux facilités ici ou là, mais franchement de ce point de vue là je chipote un peu tant l’ensemble ne manque pas de se révéler incisif, prenant et réussi, le tout porté par une plume simple, efficace et vivante. Je lirai sans soucis et avec plaisir d’autres écrits de l’autrice.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec le nouveau roman d’Aurélie Wellenstein qui nous plonge à la découverte de Faolan qui après 10 ans comme esclave de Torok à subir les pires violences espère le prochain concours pour se libérer et se venger. L’histoire est ainsi construite sur des bases classiques, mais cela ne l’empêche pas de se révéler solide, efficace, et entraînante, montant en tension au fil des pages et happant dès les premières pages le lecteur. On est clairement dans un récit qui penche vers la Dark Fantasy et, de ce que j’ai lu, le plus sombre de l’autrice, pour autant cette violence, ce côté noir n’a rien de gratuit ou pour ébahir le lecteur, il y a une certaine logique derrière, que ce soit dans l’univers comme dans la caractérisation des personnages. Les protagonistes sont d’ailleurs le gros point fort du livre, principalement dans le travail psychologique de Faolan, dans la façon dont il s’est construit et il a évolué, qui ne laisse pas indifférent et questionne. Un héros, d’une certaine façon touchant, humain, mais qui surprend et que pour autant, dans une certaine mesure, on comprend. La relation « Amour/Haine » avec Torok est aussi très intéressante et complexe. Ce qui est dommage c’est que certains personnages qui gravitent autour d’eux manquent parfois de consistance. L’univers mis en avant, typé Incas, Aztèque, Maya, s’avère solide et intéressant, même si finalement très centré sur ces fameuses épreuves. Alors je regretterai peut-être une construction assez proche des autres romans de l’autrice, ce qui n’empêche pas pour autant Le Dieu Oiseau d’offrir des surprises, mais amène un côté un peu linéaire et peut-être aussi une ou deux facilités, mais franchement rien de très dérangeant. Un très bon récit, sombre, incisif, bien porté par une plume simple, vivante et efficace.

 

Ma Note : 8/10

 

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  1. Merci pour cette critique, J’avais eu un coup de cœur sur le Roi des Fauves et le côté sombre m’avait déjà à l’époque beaucoup plu, j’attendais avec impatience qu’elle écrive un nouveau livre dans ce style (les loups chantants ne m’emballaient pas trop et la mort du temps je ne savais pas trop à quoi m’attendre donc j’ai préféré attendre). Celui-ci semble être vraiment bon.

  2. Syl

    Ah, merci !! J’attendais un avis sur ce livre, et quoi de mieux que le tien ? :3
    J’ai découvert l’auteure avec Le Roi des fauves qui a été une superbe lecture pour moi, mais malgré l’imaginaire intéressant dans Les loups chantants, j’ai été beaucoup moins séduite et du coup après cette petite déception, je n’en ai pas lu d’autre… alors que La mort du temps est un sujet qui m’intéresse également. J’hésitais à noter celui-ci dans ma wish de ce fait, mais ton avis a su me convaincre du contraire, alors je le fais et dès que j’en ai la possibilité, je me le procurer !
    Merci encore, c’était une chronique géniale ! :3
    Des bisous !

    • Déjà, merci pour le commentaire, ça fait toujours plaisir.
      J’espère en tout cas que, si tu le lis, tu accrocheras. Bonne lecture !

  3. Je vais être très originale en disant que j’ai découverte cette autrice avec le Roi des Fauves , ta chronique m’a donné envie de découvrir ce roman là aussi 😀 Merci pour la chronique !

  4. J’ai lu déjà quelques chroniques sur ce livre qui me fait de plus en plus envie. Il a l’air brutal, sombre et je pense bien accroché avec l’histoire. Mais comme je n’ai jamais lu de livre de cette auteure, je pense commencer par un autre de ses romans comme Le Roi des fauves qui me fait aussi très envie.

    • Franchement si tu cherches un roman sombre oui Le Roi des Fauves est une bonne idée, ce Dieu Oiseau remplit aussi ce rôle. En tout cas quel que soit ton choix je te souhaite une bonne lecture et n’hésite pas à revenir me dire ce que tu en as pensé.

  5. Pando

    Merci pour cet article. Je cherche à « comprendre » un peu certains événements du livre que je viens de finir et je suis tombée sur ta critique. De quel révélation de milieu de livre parles-tu ?

    • Celle que j’ai pas obligatoirement vu venir c’est la révélation, ou plutôt la transition entre les deux héros au moment de la scène du sacrifice.

      • Pando

        Ha d’accord. Donc tu considères effectivement qu’il y a plus qu’un « simple » traumatisme ou « truc » de l’auteur pour continuer à faire vivre Torok, mais bien quelque chose de plus magique qui le rendrait vivant à travers Faolan ? J’ai pensé à ça à un moment, mais j’attendais la confirmation via les autres personnages, qu’ils disent que eux aussi voyaient la personne dont ils ont mangé le coeur, mais ça n’a pas été le cas donc je m’interroge encore à ce sujet.

        • ATTENTION SPOILER
          Je considère pour ma part surtout que le point surprenant que je n’avais pas vu venir c’est ce que fait Faolan à Torok. Après concernant le point que tu soulèves, je penses qu’Aurélie Wellenstein joue exprès sur l’ambiguïté, se basant sur des cultures sud-américains où le sacrifice humain existait avec tout ce qui tourne autour de la religion, donc en mangeant le cœur s’approprier l’âme et l’esprit de la victime n’est pas déconnant. Maintenant la conclusion laisse à montrer que Faolan, suite au traumatisme de ses années « d’esclave » auprès de Torok, à l’air d’avoir un trouble de la personnalité qui laisserait à montrer que c’est surtout sa folie qui le pousse et non un « esprit » ou un « dieu ».

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