Le Meilleur des Mondes – Aldous Huxley

Résumé : 632 après Ford : désormais on compte les années à partir de l’invention de la voiture à moteur. La technologie et la science ont remplacé la liberté et Dieu. La vie humaine, anesthésiée, est une suite de satisfactions, les êtres naissent in vitro, les désirs s’assouvissent sans risque de reproduction, les émotions et les sentiments ont été remplacés par des sensations et des instincts programmés. La société de ce Meilleur des mondes est organisée, hiérarchisée et uniformisée, chaque être, rangé par catégorie, a sa vocation, ses capacités et ses envies, maîtrisées, disciplinées, accomplies. Chacun concourt à l’ordre général, c’est-à-dire travaille, consomme et meurt, sans jamais revendiquer, apprendre ou exulter.
Mais un homme pourtant est né dans cette société, avec, chose affreuse, un père et une mère et, pire encore, des sentiments et des rêves. Ce « Sauvage », qui a lu tout Shakespeare et le cite comme une Bible, peut-il être un danger pour le « monde civilisé » ?

Edition : Audible

 

Mon Avis : Je continue ma plongée dans les classiques, entamée avec ma découverte des audiobooks. Cela me permet ainsi découvrir, ou de redécouvrir des œuvres tout en menant des activités qui ne sont normalement pas propices à la lecture. J’ai cette fois décidé de me lancer dans l’écoute d’un livre que j’avais déjà lu quand j’étais plus jeune, qui est considéré comme un classique de la SF et dont j’avais de bons souvenirs dans les thématiques qu’il proposait, mais dont je n’avais plus en tête qu’une image très vague. Concernant la narration, portée par la voix de Thibault de Montalembert, je l’ai trouvé sobre et efficace.

Ce roman nous plonge dans un avenir lointain où l’humanité ne nait plus que de façon naturelle mais génétiquement modifié et selon des classes bien précises. Ainsi on ne « fabrique » pas de la même façon les alphas des epsilons, les classes de personnes n’ayant pas les mêmes utilités ni les mêmes besoins. L’humanité s’est aussi dissocié de la majorité de ses émotions et de tout ce qui pouvait nuire à leur bonheur comme la religion, le couple, le mariage et autres. On est donc dans le meilleur des mondes, où tout le monde peut profiter de tout. Sauf que voilà, le retour dans la civilisation de celui qui se fait appeler « le sauvage » va mettre à mal cette magnifique utopie. Comme je l’ai dit, je me souvenais d’un très bon moment de lecture il y a plusieurs années, pour autant cette fois la mayonnaise n’a jamais réussi à prendre complètement. Certes, il y a toujours des aspects très percutants et marquants dans ce roman, mais pour autant, dans sa construction, il m’a régulièrement dérangé voir frustré. Si je devais résumer je dirais que Le Meilleur des Mondes est un roman moyen, mais un très bon essai. Sauf qu’aujourd’hui je pense que quand je me lance dans un roman j’ai besoin d’un minimum de cohérence et de construction, ce qui n’a pas toujours été le cas ici.

Pourtant, le récit démarrait fort, cette représentation de ce monde parfait, la découverte de ce futur, ne manque pas de se révéler marquante par son côté glaçant, sa dépersonnalisation et tout ce qui pousse les gens à ne plus ressentir grand-chose. Ainsi que ce soit par la consommation de drogue ou bien par suggestion hypnotique implantée durant l’enfance, cela les oblige à éviter de trop penser concernant certains aspects. Ce monde est certes, d’une certaine façon, merveilleux sur des nombreux points, mais pour cela de nombreux sacrifices ont été fait. Il vient alors questionner sur ce que fait notre humanité, faut-il plutôt exister et accepter de souffrir, d’être blessé, d’avoir des sentiments avec toutes les conséquences que cela entraîne, ou bien être inhibé de tout cela, mais au prix du sacrifice d’une partie de nous-même, de nos émotions. Sauf que voilà l’univers commence à devenir très bancal au moment où l’on apprend l’existence de sauvages, une zone où les gens continuent à vivre selon la façon de l’ancien « monde ». J’avoue que ce point là, ainsi que tout ce que cela amène m’a paru mal construit. Rien ne permet de bien comprendre pourquoi il existe, ni quel est l’intérêt autre que de les visiter comme on visite un zoo ce qui est quand même contraire avec la notion de bonheur annoncé dans le livre.

L’apparition du sauvage, son entrée dans la société et toutes les conséquences que cela va amener m’a paru aussi très mal amené. Certes, l’intérêt de cette collusion des deux mondes est principalement philosophique, ayant seulement pour but de questionner le lecteur, mais une transition un minimum cohérente et logique aurait été quand même bienvenue. Après je ne le nie pas, et je me répète, les idées que cela entraîne sont intéressantes, elles ne laissent pas indifférents le lecteur, mais vu que la façon dont c’est amené m’a paru improbable, je trouve que cela impact forcément le message. Ensuite j’avoue j’ai eu aussi quelques soucis avec la construction du sauvage, son développement, comme une personne n’ayant lu dans sa vie qu’un seul livre de Shakespeare et qui peut philosopher de façon aussi pointu avec les autres, mais bon là je chipote un peu. Là où par contre je me rends compte que j’ai évolué depuis ma première lecture, c’est au niveau des personnages en général. En effet le récit nous présente des héros qui sont poussés au maximum pour en devenir des caricatures et ainsi tenter d’amener plus de force aux réflexions construites. Sauf que pour ma part cette accentuation me déconnecte complètement des protagonistes. Certes on pourra toujours me dire que le récit ne porte pas sur les personnages, mais voilà si je ne les trouve pas  crédibles ça devient un peu compliqué pour moi d’adhérer alors aux idées soulevées.

Après, comme je l’ai dit, le gros point fort de ce roman, et qui fait que je pense qu’il mérite au moins d’être lu une fois, vient des nombreuses réflexions qu’il propose. Que ce soit sur la notion d’eugénisme, la notion de totalitarisme, de liberté personnelle, de quête perpétuelle du bonheur, de la notion d’amour, de couple, des émotions ou encore même l’idée d’avoir des pensées, le récit brasse de nombreux sujets de façon terriblement efficace et glaçante. Ce qui rend ces idées d’une certaine façon encore plus percutantes, c’est qu’aujourd’hui nous avons quasiment l’ensemble des technologies pour donner corps à de telles possibilités. La manipulation des masses de population est d’ailleurs de plus en plus d’actualités. D’une certaine façon on réfléchit avec ce livre sur la société que nous avons et celle que nous souhaitons. Est-ce que pour gagner un bonheur, on serait prêt à perdre toute identité ? Bien entendu cela amène aussi une question politique, avec le personnage de Mustpaha Meunier, qui vient justifier cette main-mise sur le peuple, cette manipulation par, finalement, répondre aux attentes de la population. Au final un monde est-il plus heureux quand on laisse les gens décider ou quand on leur impose une voie toute tracée ? L’auteur offre aussi un parallèle qui ne manque pas d’intérêt entre la nature et le monde moderne, à travers la civilisation et le sauvage, montrant que chacun a, d’une certaine façon, ses défauts et ses qualités. Alors parfois, c’est vrai, il en fait un peu trop, pousses trop ses idées, mais dans cela n’empêche pas qu’elles font réfléchir.

Concernant la plume de l’auteur, j’avoue, j’ai trouvé, pour cette relecture du moins, qu’il en faisait par moment de trop, cherchant un style plus riche que nécessaire, amenant au récit une impression un peu bancale. J’ai ainsi eu parfois l’impression que l’auteur cherchait plus la jolie phrase choc et se perdait. Certes rien de très bloquant, mais j’ai trouvé cela parfois un peu lourd. Après cela vient peut-être aussi du fait qu’il s’agissait d’un relecture. Au final Le Meilleur des Mondes, et un livre qui, je pense, mérite d’être découvert pour ses idées après, pour ma part et, tout en sachant qu’il s’agissait d’une relecture, j’ai trouvé la construction du roman un peu trop bancale par moment ce qui fait que certes cela reste sympathique, mais n’a pas eu l’impact que j’attendais.

En Résumé : Au final cette relecture de ce classique de la SF ne m’a pas complètement convaincu, n’ayant pas le même impact qu’après ma première lecture il y a des années. Je pense tout de même qu’il faut lire ce livre, mais plus pour ses nombreuses idées glaçantes et marquantes que pour sa construction narrative bancale. Pourtant, le récit démarrait bien, offrant une toile de fond percutante, qui ne laisse pas indifférent le lecteur. On se retrouve ainsi tout du long à réfléchir sur la notion d’eugénisme, de bonheur, de totalitarisme, de relation, d’amour, de penser par soi même ou bien encore de liberté personnelle. C’est traité de façon prenante et efficace, même si parfois l’auteur en fait un peu trop. C’est d’ailleurs le gros point fort de ce livre, cette vision de ce monde, surtout qu’elle fait obligatoirement écho avec notre société actuelle et qu’on sait que la majorité des technologies présentes dans ce récit existent. Maintenant quand je me lance dans un roman, j’avoue je cherche aussi une construction logique et un minimum soigné, hors ici on se rend bien compte que l’ensemble du livre est construit pour épouser les idées de l’auteur et permettre le développement, ce qui fait que j’ai eu du mal à trouver l’univers et les personnages complètement crédibles. Le premier m’a paru bancal et les seconds tombent dans une caricature accentuée qui, certes, rend le message plus fort, mais me déconnecte complètement d’eux, ayant du mal à les trouver crédibles. La plume de l’auteur est simple, plutôt efficaces, mais m’a paru en faire trop par moment, cherchant un peu trop parfois la belle phrase et se perdant. Au final une relecture qui, certes, ne laisse pas indifférent, mais ne m’a pas complètement convaincu. 

 

Ma Note : 6,5/10

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  1. Aussi choquant que ton avis puisse être sur cet immense classique de la SF, je pense que j’aurais exactement le même si moi aussi je le relisais aujourd’hui. C’est qu’on devient critique avec l’âge.

    • Je pense aussi qu’on devient critique avec l’âge et aussi je pense que le genre à évoluer. Comme quoi il y a des livres qu’il ne vaut mieux pas relire parfois.

  2. Comme je ne l’ai jamais lu, il faudrait que j’essaie au moins 1 fois !

  3. Oh il n’y a pas de honte à critiquer ce roman, ses idées valent la peine mais l’histoire est loin d’être passionnante dans mon souvenir…

    • C’est ça, maintenant adolescent je n’avais pas non plus les même attentes que maintenant.
      Après je n’ai pas obligatoirement de honte à critiquer ce roman, ce n’est que mon avis après tout. Mais voilà c’est le genre de relecture qui m’ouvre les yeux sur comment mes attentes ont changé.

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