Le Vivant – Anna Starobinets

Résumé : Dans un futur lointain, les humains sont connectés via des implants à un réseau commun. Ensemble, ils forment un organisme unique, le « Vivant ». La mort n’y existe pas : dès qu’un individu est « mis sur pause », son code génétique renaît dans un nouveau corps. Le nombre d’humains est constant – trois milliards : Le Vivant vacille sur ses bases lorsque l’impensable survient un homme naît. Il est sans code, sans patrimoine, il n’est la réincarnation de personne. On l’appelle Zéro. Placé sous étroite surveillance, il devra trouver des réponses sur son identité dans un monde réputé parfait…

Edition : Mirobole
Poche : Pocket

 

Mon Avis : J’ai découvert les écrits d’Anna Starobinets il y a quelques années maintenant avec ma lecture de son recueil de nouvelles : Je Suis la Reine. Ce livre, composé de six textes, m’avait offert un très bon moment de lecture dans l’ensemble, principalement à travers un fantastique prenant, des histoires percutantes et une ambiance étrange et envoutante (ma chronique ici). J’avais alors décidé de faire entrer d’autres écrits de l’autrice dans ma PAL, mais comme souvent il m’a fallu du temps pour les en sortir. C’est le passage d’Anna Starobinets aux dernières Imaginales qui m’a ainsi rappelé à leur donner une chance et c’est donc comme cela que Le Vivant a terminé entre mes mains. A noter une couverture, comme toujours avec Mirobole, étrange, sobre et qui a un petit je ne sais quoi d’accrocheur.

Ce roman nous plonge dans un futur lointain, qui a vu l’humanité au bord de l’extinction et de la destruction avant que le Vivant n’apparaisse. Les règles sont maintenant simples 3 milliards d’individus, ni plus, ni moins. Dans ce futur La Mort n’existe pas, en effet chaque « fin de vie » devient ainsi une pause avant que renaisse le disparu. Les prisons n’existent plus, la criminalité étant maintenant traitée par des centres de corrections qui « améliorent » les déviant au fil de leurs différentes vies pour les réintégrer. Un monde parfait, sans guerre, sans haine, sans violence, où chacun à son utilité et doit remplir son rôle. Sauf que voilà, un jour Le Vivant va connaitre un changement radical, un être sans code va naitre. Le système n’est donc plus de 3 milliards, mais de 3 milliards et un avec la naissance de Zéro. Le monde parfait va alors vaciller. Je dois dire qu’une fois la dernière page tournée, j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman intelligent et qui ne m’a pas laissé indifférent. Je l’ai terminé il y a plusieurs jours déjà, et pourtant il continue, sur certains points, à me trotter dans la tête. Anna Starobinets nous offre ainsi sa vision de l’Utopie, avant de démontrer qu’un monde parfait est finalement impossible, avant de peu à peu en dévoiler les failles, ses erreurs et les horreurs.

Le Vivant propose au lecteur un roman qui va se révéler complexe, fascinant et déroutant dans sa construction tout en s’avérant ambitieux dans son message. Maintenant il faut le savoir, ce roman n’est pas obligatoirement facile d’accès, principalement dans sa construction. En effet toute la première moitié du roman il y a un vrai partenariat qui doit se mettre en place entre l’autrice et le lecteur, ce dernier se laissant porter sans chercher à tout comprendre, se sentant même parfois un peu perdu, avant que les révélations arrivent, les pièces se mettent en place et que les vérités se dévoilent. Il faut bien admettre que la narration multiple, ainsi que les différents sauts temporels peuvent se révéler déroutant. Pour autant, malgré cela il y a quelque chose qui se dégage dès la première page, une ambiance à la fois glaçante, étrange, perturbante, pleine de secrets, qui m’a poussé à tourner les pages avec l’envie d’en apprendre plus. Il y a aussi une notion de mystère qui se dégage, pour tenter de comprendre ce futur, d’imaginer ce qui a pu pousser pour en arriver là. On sent d’ailleurs que l’autrice maîtrise plutôt bien ses révélations, les amenant au compte-goutte, mais sans jamais perdre le lecteur où l’ennuyer. Plus on avance, plus on découvre les failles d’un monde qui finalement est loin de faire rêver et plus on se retrouve happer tant, le récit gagne en intérêt et on cherche à comprendre où elle nous emmène, mais aussi tant il nous offre, d’une certaine façon, une vision glaçante d’un avenir possible.

L’univers est d’ailleurs, je trouve, l’un des gros points forts de ce roman. Cette notion de Vivant, mélange entre réseau social et être vivant a un côté clairement perturbant, accrocheur et fascinant tout en dévoilant ainsi une vision froide, dure, sans concession et perturbante de notre société. Chacun est ainsi un élément d’un tout, chaque personne devient ainsi d’une certaine façon une cellule du système. Sauf que voilà, le vivant décide de tout, de la position sociale de chacun, du travail de chacun, même de la sexualité et de la reproduction à travers les « festivals ». Au final la liberté de chacun disparait au profit d’une voie tracée de la naissance à la mort, sauf que la mort n’existe plus. C’est une boucle sans fin. On en devient ainsi simple outil pour le vivant, sans possibilité de pouvoir s’échapper du système. Mais pourquoi vouloir sortir du système? c’est le vivant qui a sauver l’humanité, peut-être qu’en lui enlevant certaines libertés il n’en est que plus heureux ? Ce ne sont que certaines des nombreuses questions que soulève l’autrice au fil des pages que ce soit sur notre société, la notion de totalitarisme, de liberté, la famille, l’amour. Surtout elle fait en ne faisant qu’accentuer d’une certaine façon les dérives de notre société actuelle. On y retrouve ainsi dans son « réseau social » les failles qu’on voit actuellement, avec cet aspect de surveillance, mais aussi ce jeu de langage qui d’une certaine façon « endoctrine » chacun. On découvre aussi un travail social très intéressant, sur la gestion de la vie et autre, mais aussi un aspect politique qui surprend.

Dans le dernier tiers le récit gagne en intérêt et en intelligence, évitant la fin qui paraissait tracée pour, sans spoiler, nous montrer que finalement de bonne conclusion il ne peut y en avoir. D’une certaine façon, un monde parfait ne peut pas exister, malgré tous les rêves que l’on peut faire. Mais surtout ce qui rend cet univers si fascinant, si prenant, c’est que d’une certaine façon il est plausible dans ce qu’il décrit, s’avérant plus que crédible. L’ensemble est clairement porté par le personnage de Zero qui est très intéressant dans sa construction, dans son évolution. Il est le grain de sable dans la machine, celui qui n’a pas de passé, dont personne ne sait quoi faire. Il est un protagoniste qui cherche pourtant à être comme tout le monde, mais que tout le monde va soit idéaliser, soit avoir peur de lui. Il va, d’une certaine façon, se lancer dans une quête identitaire, en essayant de trouver sa place dans cette société, où il va vite se rendre compte qu’il n’en est qu’un pion. D’une certaine façon il a réussi à me captiver, même si j’ai trouvé que, et c’est le cas pour l’ensemble des personnages l’ensemble des personnages, il y avait parfois une sorte de voile entre le lecteur et eux ce qui les rendait plutôt distants. Dans l’ensemble, même si l’ensemble des personnages ne sont pas aussi marquants les uns, les autres, certains ne paraissant être là que pour avancer l’intrigue, ils sont solides et ne laissent pas indifférent dans leurs questionnements, dans leurs visions, mais aussi dans leurs changements.

Maintenant, j’avoue, le vivant a tout de même quelques petits défauts, je trouve, même si rien de franchement très gênant. J’ai ainsi trouvé que les certaines parties du roman étaient mal gérés, certains passages m’ayant paru un peu trop longs, là où certains autres, comme le dernier tiers, du livre m’ont paru par certains aspects trop rapides ce qui amène parfois aussi une ou deux facilités. J’ai aussi trouvé que la ligne d’intrigue entre Zéro et Cléo, qui était très intéressante dans la première partie et qui amène plein de questionnements dans la première partie, perd de son attrait dans le dernier tiers devenant limite anecdotique alors qu’il y avait peut-être plus à en tirer. Après ces quelques points sont mineurs tant j’ai trouvé l’ensemble intelligent, avec un univers froid, austère, réaliste qui ne laisse pas indifférent. Le tout est porté par une plume efficace, incisive et percutante et je lirai sans soucis d’autres écrits de l’autrice.

En Résumé : J’ai passé u très bon moment de lecture avec ce roman qui nous offre une vision futuriste de notre société glaçante, réaliste et dérangeant. C’est d’ailleurs cette construction de l’univers qui est, je trouve, le gros point fort du récit, offrant quelque-chose de crédible, de plausible tout en soulevant de nombreuses questions et réflexions que ce soit aussi bien d’un point de vue sociale, humaine ou politique. Cette utopie où l’humanité a accepté de ne devenir qu’un simple outil va peu à peu montrer ses faiblesses, principalement à cause de Zéro, l’homme sans code. Il est un personnage très intéressant et captivant à suivre et à découvrir, lui qui d’une certaine façon ne cherche qu’à avoir une vie normale, mais qu’on va idéaliser ou être effrayé par lui. C’est ainsi dans on évolution, dans sa découverte de société qu’il va rapidement nous happer. Les autres personnages sont plus ou moins marquants, certains ne servant que l’intrigue, mais dans l’ensemble ils sont solides et plutôt efficaces. Je regretterai par contre un léger voile entre eux et le lecteur. Par contre c’est un roman qui va demander de ne pas tout comprendre directement, d’accepter qu’Anna Starobinets prenne son temps pour bien dévoiler son univers et le chemin qu’elle prend, pour ma part je n’ai pas trouvé cela bloquant, mais cela pourra en déranger certains.Par contre je regretterai un légers soucis dans la gestion des parties certaines m’ayant paru trop longues, là où d’autres auraient mérité d’être plus développées. J’ai aussi trouvé que la relation entre Cléo et Zéro qui était intéressante au début, perdait de son intérêt dans le dernier, mais au final rien de trop frustrant. Au final j’ai trouvé que ce roman ne laissait pas indifférent, bien construit et intelligente le tout porté par une plume efficace et percutante.

 

Ma Note : 8/10

 

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  1. Je l’avais déjà repéré celui-là il faudra que je le tente à l’occasion !

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