Les Dieux Verts – Nathalie Henneberg

Résumé : Frappée par le grand cataclysme il y a bien longtemps, la Terre abrite désormais un empire de l’Homme au bord de l’extinction. Les plantes, véritables souveraines de cette nouvelle ère, règnent à présent en maîtresses sur ce monde à la dérive. Seuls la reine Atléna et le suffète Argo, derniers des Solaires, portent en eux l’espoir d’une humanité aux abois. Et pour tenir tête à ses ennemis, Argo devra plonger dans l’enfer des ténèbres émeraude et faire face aux dieux verts.

Editions : Callidor

 

Mon Avis : Depuis quelques temps maintenant je suis tombé sous le charme du travail de redécouverte effectué par la maison d’édition Callidor. Leur créneau est clairement annoncé, ils cherchent à remettre en avant des « anciens » romans qui, soit n’ont pas été encore publiés en France, soit ont été « oubliés » avec le temps. Ils m’ont ainsi permis de découvrir d’excellents romans et je n’ai encore jamais été déçu par l’un de leurs choix de publication. J’apprécie aussi énormément le travail fait par l’éditeur pour expliquer et revenir sur l’histoire des romans et aussi, d’une certaine façon, l’histoire du genre. On apprend ainsi à travers la préface de ce roman la difficulté d’être autrice dans les années 40-50, Nathalie Henneberg se voyant régulièrement refuser ses romans, laissant entendre qu’elle ne pouvait avoir écrit cela, et qu’elle a dû alors publier sous le nom de son mari qui est devenu un prête-nom. Il a fallu attendre bien des années avant qu’elle puisse faire reconnaitre ses romans à son nom. Concernant le livre en lui-même, comme toujours avec la maison d’édition on a là un magnifique objet avec des illustrations, réalisée par Ludovic Robin, elle sont clairement superbes et apportent un vrai plus à l’ensemble.

Ce roman nous plonge ainsi dans un lointain futur, où la terre après une catastrophe apocalyptique a déviée de son orbite et un champ magnétique s’est crée autour de la planète rendant impossible le secours des Hommes qui se sont répandus dans l’espace. Les humains restant sur Terre doivent donc se débrouiller seuls, face à des insectes qui ont muté pour devenir des monstres chimériques, et sous le joug des plantes qui sont un peu devenues les maîtres de ce monde en ruine. Argo et la reine Atléna paraissent être les seuls à continuer à se battre pour sauver les derniers Hommes. Alors, je dois bien admettre j’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman, même si, pour ma part, je trouve que par certains aspects il a quand même un peu mal vieilli. On plonge ainsi ici clairement dans un roman qui se veut épique, visuellement riche et grandiose, qui vient happer le lecteur dès la première page pour lui faire traverser des aventures pleines de surprises, de rebondissements et de luttes héroïques. Si vous aimez ce genre de romans alors vous allez accrocher, même moi qui pourtant ne suit pas le plus grand fan de ce genre de récits sans temps morts, ait trouvé celui-ci efficace bien porté, c’est vrai, par la plume de l’autrice. Il y a une certaine fluidité, un côté rapidement accrocheur dans la narration qui va vite, mais n’oublie pas de construire un minimum autour pour autant.

En effet l’univers proposé, sans dire aujourd’hui qu’il révolutionne le genre, ne manque pas d’attrait que ce soit dans sa représentation comme dans certaines idées. Certes on est dans un univers plutôt binaire, avec une confrontation entre les hommes et la nature, mais pour autant il y a des choses intéressantes dans ce que construit ici l’autrice. Je pense par exemple dans la représentation de cette humanité autodestructrice, qui cherche à aller toujours plus loin sans toujours réfléchir, flamboyante au point de se bruler elle-même avec pour autant cette ambiguïté de survivante, de battante. Alors certes, aujourd’hui il y a un décalage d’époque, les années 50 ayant une vision différente sur la science et l’Homme qu’aujourd’hui, plus poétique voir optimiste, pour autant on y retrouve un certain trait commun dans son évolution. En face on y découvre une nature qui a évolué, muté avec les radiations au point de devenir sentiente, que ce soit les insectes comme les plantes. On y découvre ainsi une dualité de message intéressante, entre des plantes qui cherchent à prendre le pouvoir avec une vision et une idéologie plus neutre, une sorte de cohabitation même si ambigüe, et une humanité qui cherche à retrouver sa position, son aura, sans réfléchir à ce qui les a mené pourtant à cette situation précaire. Il y a aussi une réflexion qui est menée sur la notion de libre-arbitre, d’évolution et de liberté qui, même si elle reste un peu en surface, m’a paru efficace.

Surtout on sent que l’autrice connaît bien ses mythes et ses légendes et sait les réutiliser. Ainsi ce récit est un peu une épopée, qui vient brasser de nombreuses mythologies. Certes, parfois c’est un peu utilisé de façon simpliste ce qui est dommage, mais pour autant cela apporte un plus à l’ensemble et surtout s’intègre de façon logique et fluide dans le récit. Cela amène aussi un côté un peu « universel » à cette intrigue, une bataille titanesque brassant des forces en tout genre, tout en évitant en grande partie l’écueil du déjà trop vu, tant je trouve que l’autrice y apporte sa touche personnelle. Le côté un peu frustrant du récit vient de la notion de Science qui possède ce côté un peu facile, qui sert surtout le récit plus que répondre à la logique. Ensuite un autre point à soulever c’est qu’ici on plonge dans une sorte de tragédie et un récit d’aventures, il manque pour autant, je trouve, un petit travail de réflexion sur cette humanité qui a plongé sa planète mère au bord de l’extinction, comme si cet élément était anecdotique, servait l’intrigue, mais ne méritait pas d’être développé ce qui est dommage. Je n’attendais pas un roman complet sur le sujet, mais soulever un minimum la thématique aurait été intéressante. Certes c’est compensé par un côté nerveux, intrépide, visuellement ambitieux et tendu, ce qui fera peut-être oublier ce point à certains, mais qui pour ma part m’a légèrement frustré.

Concernant les personnages autant le dire tout de suite, mis à part Argo et Atléna qui sont un minimum travaillés, les autres protagonistes ne sont là que pour remplir leur rôle. Ce qui est un peu dommage, mais finalement assez logique dans ce genre de roman, c’est le côté manichéen qui se détache avec les plantes et les insectes qui sont obligatoirement fourbes et ennemis, là où l’humanité est étincelante, dans son bon droit, valeureuse. Ce côté binaire n’est pas en soit mauvais, il colle bien à ce que construit Nathalie Henneberg ici, cela passe plutôt bien sur 250 pages, mais voilà ça reste légèrement insatisfaisant je trouve. Concernant maintenant notre couple de héros, ils sont clairement charismatiques et accrocheurs, pour autant d’un autre côté ils sont un peu trop héros de « Légende » dans leur constructions et leurs développements, avec cette notion d’amour impossible qui tourne autour d’eux et les porte. Ils remplissent ainsi parfaitement cette notion de tragédie amoureuse, mais sans jamais non plus aller plus loin, ce qui est là aussi un peu dommage.

Je regretterai aussi une construction globalement linéaire ce qui fait qu’on voit quand même pas mal de choses arriver. J’ai aussi trouvé que par moment l’autrice usait d’ellipses, voir de facilitées pour accélérer son intrigue qui sont assez frustrantes, même si, d’une façon c’est vrai, c’est ce qui faisait le charme de ces romans d’époque qui se lisaient vites. La plume de Nathalie Henneberg possède une certaine richesse, un certain homérisme et ne manque pas de se révéler entraînante et haletante. Maintenant, même si je le dis clairement, elle a plume qui se dégage clairement, je pense que j’attendais peut-être plus de poésie dans sa façon d’écrire, mais rien de dérangeant loin de là. Au final Les Dieux Verts est un bon roman, plus que divertissant, malgré le fait qu’il souffre, je trouve, d’un décalage générationnel pas toujours à son avantage et de choix qui cherchent à mettre plus en avant le côté aventure que la profondeur et la complexité. Je me laisserai tenter par d’autres romans de l’autrice, pour voir ce qu’elle peut proposer.

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman qui, même s’il a mal vieilli par certains aspects et possède quelques défauts, reste énergique et entraînant. On plonge dans un roman, mélange des genres, qui a rapidement réussi à me happer par un style haletant, soigné, riche et percutant, nous plongeant dans une aventure pleine de rebondissements et de surprises. L’univers est assez classique, avec une dualité entre la nature et l’humanité, mais ne manque pas de se révéler solide et offrir quelques bonnes idées, ainsi qu’une ou deux réflexions intéressantes, tout en brassant efficacement de nombreux mythes. Maintenant j’avoue je suis assez frustré que l’autrice n’ait pas pris le temps de développer certains aspects qui, je trouve, auraient mérité d’être plus soignés. De plus certains points paraissent un peu désuet. Concernant les personnages, mis à part les deux héros, ils s’avèrent très fonctionnels. Cela ne les empêche pas de remplir leurs rôles, mais on sent qu’on est dans un roman court qui cherche à aller à l’essentiel et efficacement. En ce qui concerne les deux protagonistes ils sont un peu plus soignés, ne manquent pas d’intérêt, mais en font trop par moment je trouve dans l’aspect Drame et amour impossible. Je regretterai aussi une construction plutôt linéaire, ainsi qu’une utilisation d’ellipses et de facilités frustrantes. Pour autant j’ai trouvé ce roman d’environ 250 pages plus que divertissant, qui se lit rapidement et s’avère efficace dans ce qu’il cherche à construire. Certes ce n’est pas le récit le plus marquant que j’ai lu pour ma part, mais cela ne l’empêche pas de m’avoir fait passer un bon moment.

Ma Note : 7/10

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One of Us – Craig DiLouie

  1. Il me tentait bien à Sèvres mais j’ai préféré craquer pour le serpent Ouroboros. Mais je te rejoins sur cette maison d’édition qui fait du beau boulot ^^

    • C’est vrai que le travail de la maison d’édition est, je trouve, remarquable.
      J’espère que Ouroboros te plaira, pour ma part je l’ai trouvé très bon. Bonne lecture !

  2. Celui-ci je l’ai repéré, et je compte le lire? D’ailleurs, CJ Cherryh en est la traductrice en anglais!!

    • Oui c’est bien elle la traductrice anglais du roman, elle intervient d’ailleurs dans la postface de ce livre expliquant comment elle en est arrivée à traduire ce roman en Anglais.

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