Station Eleven – Emily St John Mandel

station-elevenRésumé : Dans un monde où la civilisation s’est effondrée suite à une pandémie foudroyante, une troupe d’acteurs et de musiciens nomadise entre de petites communautés de survivants pour leur jouer du Shakespeare. Un répertoire qui en est venu à représenter l’espoir et l’humanité au milieu de la désolation.

Edition : Rivages

 

Mon Avis : Ce roman, j’ai craqué dessus un peu par hasard j’avoue. La première chose qui m’a fait me pencher dessus ce sont les nombreux retours que j’ai vu passé ces dernières semaines qui s’avéraient tous très positifs. Ils ont donc titillé ma curiosité, ajouter à cela le résumé annonçant un roman post-apocalyptique j’ai donc rapidement craqué et fait entrer ce roman dans ma PAL avec l’envie de découvrir comment l’auteur allait traiter le sujet. Concernant la couverture, photographie de Michael Kenna, possède un petit quelque chose de troublant et accrocheur, même si j’ai du mal à la rattacher au roman.

Lors d’une représentation du Roi Lear au théâtre de Toronto, le célèbre acteur Arthur Leander s’effondre suite à ce qui parait être une crise cardiaque. Malgré la tentative de Jeevan, secouriste présent lors de la séance, de le sauver rien n’y fait et l’acteur décède. Kristen, jeune actrice de la pièce, va être marquée par cette mort. Sauf que personne ne le sait encore, mais une grippe mortelle sans précédent va se propager sur terre et faire disparaitre 99% de la population. 20 ans plus tard on retrouve Kristen, une des rares survivantes, dans une troupe itinérante qui voyage de communautés en communautés pour leur jouer de la musique et du théâtre.

Il s’agit donc bien d’un roman post-apo que nous propose l’auteur, mais construite de façon différente selon moi de ce que je lis d’habitude, jouant énormément sur les flash-backs, et tournant principalement autour d’Arthur Leander qui en devient d’une certaine façon le point central. Il est à la fois déclencheur ou simple ombre. Mais surtout l’auteur, à travers une narration jonglant entre présent post-apo et passé, construit son récit de façon mélancolique, jouant ainsi clairement plus sur les pertes, l’absence des autres, de l’homme. Le malaise ne vient ainsi pas de l’horreur liée à l’homme, mais plus à son absence, amenant un vide, un trouble de la perception, un appel au souvenir. Un récit construit comme une sorte de mémoire des gens qui ont marqué chacun des héros qu’on découvre, dans un univers ou la perte et l’absence sont devenues la norme. On est ainsi clairement plus dans la réflexion que dans l’action, même si ce futur est aussi loin d’être joyeux. L’auteur construit ainsi son récit de façon éclatée où chaque élément ajout une pièce supplémentaire au puzzle qu’elle construit et où toutes les lignes se rejoignent pour un final intense et captivant.

L’intrigue ne cherche ainsi pas à mettre en avant et à développer la catastrophe ou bien encore l’horreur, la violence et la souffrance qui peut en découler. Non, elle s’en sert juste pour nous dévoiler un panel de personnages qui, je l’avoue, s’avèrent denses et fascinants. C’est vraiment la grande force de ce roman, la multitude de personnages que l’on croise au fil des pages qui n’ont rien de héros ou de survivants qui doivent combattre, mais des hommes et des femmes avec leurs forces et leurs faiblesses. Des personnes qui doivent faire face à des évènements bouleversants et qui tentent de reconstruire une vie, de trouver une place. L’auteur arrive ainsi franchement à les rendre palpables, vivants, ce qui fait qu’on s’identifie rapidement à eux que ce soit les personnages du passé comme ceux qui tentent de survivre suite à l’épidémie. Ils sont touchants, attachants et nous happent assez rapidement à travers leurs émotions à fleur de peau et leurs aventures humaines. Mais surtout ils évitent de tomber dans la caricature, je pense principalement à Arthur, star d’Hollywood imbu de sa personne, mais qui s’avère bien plus que cela. Alors oui, le prétexte SF ne sert à l’auteur que pour construire ses protagonistes dont les histoires se croisent et s’entrecroisent, construisant ainsi, sur un rythme posé, un tableau d’une humanité figée, autodestructrice et pleine de réflexions. L’intrigue glisse ainsi au second plan, mais n’enlève en rien à l’intérêt du livre

L’autre point fort qu’amène ce roman vient, comme je l’ai dit, des nombreuses réflexions qui sont soulevées tout du long. Que ce soit dans la reconstruction d’un avenir aux Hommes, d’une philosophie de vie différente, moins anxiogène et destructrice tout en n’oubliant pas le passé. Mais aussi sur notre société actuelle, ce besoin de se conformer à un moule, d’entrer dans un travail pour gagner un salaire au point de s’enfermer dans un cycle sans fin à l’intérieur duquel on n’est jamais libre de profiter, de vivre. Mais surtout le gros point intéressant vient clairement de la position de l’art dans la société, de son importance. Mais attention de l’art dans son sens le plus large du terme allant du théâtre, à la musique en passant par le comics en offrant même une part belle à la science-fiction et ce qu’elle peut apporter, évitant ainsi tout « snobisme ». Elle joue ainsi plus sur un art qui apporte quelque-chose, une beauté qui s’en dégage, une réflexion sous n’importe quelle forme, mais aussi dans la façon dont des personnes différentes la perçoive, que ce soit en bien ou en mal. Où l’art possède aussi une importance dans la culture et dans la communication. Ce n’est pas la première fois que je vois lié l’art à la science-fiction ces derniers mois et le parallèle qu’il soulève à chaque fois est toujours aussi intéressant. Alors certes le post-apo proposé par l’auteur est différent, mais cela ne l’empêche pas non plus d’en montrer une certaine violence, un certain malaise, montrant ainsi toute la complexité d’une humanité, le tout c’est vrai concentré dans le personnage du prophète.

Alors après au rang des bémols je noterai que le récit prend parfois un peu trop de temps avec les histoires d’amour d’Arthur Leander, ce qui fait qu’on ressent peut-être quelques longueurs ici ou là. Autre point je trouve que le personnage du prophète aurait vraiment mérité d’être un peu plus travaillé, principalement dans l’ellipse temporelle et ce qui l’a fait basculé. Enfin j’ai trouvé que Jeevan, qui s’intégrait parfaitement au début de l’histoire, paraissait un peu trop déconnecté des autres sur la fin. Mais franchement rien de bien bloquant tant l’ensemble est réussi, offrant un récit à la fois sombre et plein d’espoir. La plume de l’auteur est efficace, entrainante et soignée, proposant une narration clairement maîtrisée qui fait que j’ai tourné facilement les pages. Qui sait je me laisserai peut-être tenté par d’autres écrits de l’auteur qui avait avant ce roman plutôt publié du policier.

En Résumé : J’ai ainsi passé un très bon moment de lecture avec ce roman post-apocalyptique qui nous offre un récit où l’intrigue n’est pas vraiment l’élément principal et laisse la part belle aux personnages. Des personnages vraiment soignés, denses et complexes qui nous montrent non pas des héros dans le sens premier du terme, mais des hommes et des femmes avec leurs forces et leurs faiblesses. Une galerie de protagonistes attachants, touchants et qui ne tombent jamais dans la caricature. L’autre gros point fort du récit vient des réflexions qu’il soulève tout du long, que ce soit dans la reconstruction de l’humanité, comme dans l’image renvoyée de notre société qui est loin d’être idyllique. Malgré que le post-apo ne soit pas l’intérêt premier du récit l’auteur n’offre pas pour autant un monde de « bisounours », à travers une certaine tension, une violence sourde qui s’en dégage au fil des pages. Certes ce roman n’est pas le plus nerveux qui soit, mais je l’ai trouvé captivant. Alors après c’est vrai que quelques longueurs se font ressentir, j’ai trouvé aussi que le personnage du prophète aurait mérité d’être plus développé et Jeevan a du mal à vraiment se rattacher au récit dans le dernier tiers, mais franchement rien de bloquant tant j’ai trouvé l’ensemble réussi et marquant. La plume de l’auteur est soignée, fluide et entrainante, offrant une narration maîtrisée ou les fils s’entrecroisent entre passé et présent pour aboutir à un final intense.

 

Ma Note : 8/10

Précédent

Arca – Romain Benassaya

Suivant

6 ans, je deviens (presque) grand !

  1. Ta critique n’est pas la première que je lis qui soit si positive. Le post apocalyptique semble pondre que peu de choses originales et qui vaille le détour.

    Je crois bien que celui-ci va ma plaire et changer des romans interchangeables qui nous sont proposé régulièrement!

    Merci

  2. Que d’avis positifs sur ce roman… allez hop en wish list !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

© 2010 - 2024 Blog-o-Livre