Miranda and Caliban – Jacqueline Carey

Résumé : Miranda is a lonely child. For as long as she can remember, she and her father have lived in isolation in the abandoned Moorish palace. There are chickens and goats, and a terrible wailing spirit trapped in a pine tree, but the elusive wild boy who spies on her from the crumbling walls and leaves gifts on their doorstep is the isle’s only other human inhabitant. There are other memories, too: vague, dream-like memories of another time and another place. There are questions that Miranda dare not ask her stern and controlling father, who guards his secrets with zealous care: Who am I? Where did I come from?
The wild boy Caliban is a lonely child, too; an orphan left to fend for himself at an early age, all language lost to him. When Caliban is summoned and bound into captivity by Miranda’s father as part of a grand experiment, he rages against his confinement; and yet he hungers for kindness and love.

Edition : Tor

 

Mon Avis : Pour ceux qui suivent mon blog quasiment depuis le début, vous devez savoir que je suis un grand admirateur des écrits de Jacqueline Carey. J’ai dévoré les deux trilogies qu’elle a écrit sur Kushiel dont j’ai longtemps attendu la publication, en VF, de la troisième trilogie, mais dont je suis maintenant quasiment sûr que Bragelonne ne les sortira jamais. Je les ferai donc entrer prochainement dans ma PAL en VO. En attendant je me suis laissé tenter par ce roman, publié il y a quelques mois maintenant, et qui propose une réécriture de La Tempête de Shakespeare à travers le regard de Miranda et Caliban. J’avoue j’ai toujours un peu peur des réécritures, il faut réussir à créer son histoire, trouver sa propre voix, tout en gardant le matériel de base intact. J’avais donc hâte de voir comment allait s’en sortir l’autrice. A noter aussi la couverture, illustrée par Tran Nguyen, que je trouve très jolie.

Ce roman nous fait suivre Miranda, qui vit seule avec son père sur une île isolée et déserte. Son père est un « sorcier », il peut ainsi maîtriser les éléments, les esprits et bien d’autres choses. Caliban est un jeune garçon sauvage qui vit sur l’île et, de temps en temps, les espionne. Un jour, invoqué par le père de Miranda, il va se retrouver lié, un peu contre son gré, à cette famille. Les deux enfants solitaires vont ainsi se lier d’amitié, pendant que le père de Miranda continue les préparatifs pour une vengeance qui les dépasse. Franchement je dois bien admettre qu’une fois la dernière page tournée j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman. Pour information il ne faut pas obligatoirement avoir lu La Tempête pour se lancer dans ce récit, ce roman se suffit à lui-même, traitant d’ailleurs en grande partie de ce qui se passe avant, la trame du récit retrouvant celle de la pièce de Shakespeare que dans les derniers chapitres. Le but de Jacqueline Carey ici est, je pense, de donner surtout voix a des personnages un peu « vide » de la pièce, alors qu’ils ont une importance. De même l’autrice ne propose pas de changer complètement le récit, oui si vous avez lu ou vu La Tempête la fin sera la même, mais là n’est pas le point important du récit, car tout se fait dans la construction, le « voyage » qui nous emmène à cette fin et de ce point de vue là je l’ai trouvé captivant et touchant, sensible, ne laissant pas indifférent.

Il faut dire que Jacqueline Carey construit un roman qui va peu à peu se révéler au fil des pages empreint de poésie, de magie et d’élégance et qui pousse le lecteur à vouloir en apprendre plus. Elle propose ainsi un récit ambigu, complexe, à la fois sombre et chatoyant, envoutant, où le Drame est toujours présent, ici d’une autre nature, et qui va peu à peu se dessiner suivant les lignes du destin. Bien entendu le gros point fort du roman vient de Miranda et Caliban et de l’histoire d’amour que construit l’autrice. Sauf que voilà ici elle prend vraiment le temps de construire son histoire, les émotions, on n’est pas dans le côté coup de foudre avec tout ce qu’il peut y avoir de guimauve derrière que l’on peut retrouver parfois. Il y a une vraie évolution dans les sentiments de l’un et de l’autre, dans la découverte de ses émotions, passant doucement d’une amitié à quelque chose de différent, de plus compliqué et incertain en grandissant. L’ensemble est surtout, je trouve, traité avec finesse et intelligence, construisant une histoire d’amour sincère, compliquée par une époque qui d’une certaine façon la rend impossible. Je ne fais pour autant le parallèle avec Roméo et Juliette, qui est selon moi différent dans la construction et les thématiques.

L’ensemble est aussi porté par une caractérisation des personnages vraiment fascinante, offrant ainsi au lecteur des héros loin d’être manichéens, se révélant profondément humains et touchants j’ai trouvé. Miranda et Caliban sont ainsi des purs fruits de l’époque du récit, avec une héroïne que son père coince dans un rôle tout d’abord de fille, puis ensuite de femme, n’ayant pas son mot à dire, devant se conformer à ce que les Hommes lui demande, mais qui pourtant possède ses rêves ses émotions. D’un autre côté il y a Caliban, ce jeune enfant sauvage, d’une certaine façon cet « étranger », qui devant son incapacité à être éduqué va se retrouver finalement un serviteur de la famille, passant d’une certaine façon de la liberté à une sorte d’esclavage. C’est ces deux personnages qui gagnent le plus en densité par rapport à la pièce ce qui permet de mieux les comprendre. Prospero, le père de Miranda, ne manque pas non plus de complexité, à la fois père aimant et pourtant être violent qui n’aime pas qu’on le désobéisse. Sorcier et à la fois croyant en la bible, on se rend rapidement compte que c’est un personnage qui aime le contrôle, tendu vers sa vengeance qui a, en partie, fait de lui ce qu’il est. Ces trois protagonistes vont ainsi se croiser, s’aimer, se haïr, se faire souffrir, ils vont devoir évoluer, avancer et faire des choix faisant monter la tension du récit au fil des pages. Ariel est un personnage plus secondaire par rapport à ses apparitions dans l’histoire, mais qui a son importance. Il est là autant lier les autres que pour les pousser à se rejeter, ayant ses propres raisons.

L’autre point intéressant du roman vient de l’univers que construit Jacqueline Carey. Elle nous propose ainsi un univers qui s’avère d’une richesse et d’une grande beauté où la magie et l’enchantement peuvent se retrouver  partout sur cette petite île. On se laisse ainsi porté par la découverte de ces coins, de ces lieux, porté par le talent de conteuse de l’autrice qui rend l’ensemble, d’une certaine façon, captivant à découvrir à travers ses mystères, mais aussi ses zones d’ombres. Mais c’est aussi une île où chacun va apprendre la dureté, où Miranda va, d’une certaine façon, apprendre à ne pas s’attacher. C’est assez fascinant comment l’autrice arrive à m’emporter dans son univers en quelques phrases à peine qui trouve une certaine justesse, une certaine fragilité, un certain éclat et n’en fait jamais trop. On plonge ainsi dans un monde avec ses mystères, sa féérie et qui donne envie d’en apprendre plus. Autre point très intéressant ce sont les thématiques et les réflexions que soulève l’autrice dans son récit que ce soit sur la position de la femme, la façon dont nous voyons et traitons les autres ou bien encore sur la notion de pouvoir et de contrôle, mais aussi sur la société. C’est fait de façon intéressante, à travers les différents points de vues, les évolutions de chacun, sans jamais non plus donner une impression d’artificialité ou de vouloir forcer le lecteur.

Le récit monte ainsi en tension et intensité au fil du récit jusqu’à cette conclusion que l’on connait, qui était inévitable, mais qui pourtant a réussi à me toucher tout en amenant un point de vue, une vision, d’une certaine façon, différente de la conclusion de La Tempête. Après, c’est vrai, on pourrait regretter quelques longueurs ici ou là, principalement dans la début du dernier tiers du roman, ainsi qu’une conclusion qui, même si je l’ai dit m’a passionné, est traité peut-être un chouïa trop rapidement. Certes vu que la conclusion est la retranscription de la pièce, Jacqueline Carey a voulu éviter d’être redondante, mais j’ai eu une impression de précipitation sur un ou deux points. Au final rien de non plus dérangeant, j’ai franchement passé un très bon moment de lecture avec ce livre, je ne sais pas s’il plaira à tout le monde, il faut un minimum apprécier les drames et aussi Shakespeare (même si ce n’est pas obligatoire), mais pour ma part je suis bien content de ma lecture. La plume de l’autrice est toujours aussi fascinante, certes moins dense et poétique que Kushiel, vu qu’ici on a comme narratrice la jeune Miranda, mais qui a cette construction pleine d’émotion, de fragilité, de sensibilité qui colle parfaitement à ce qui est construit ici. Par contre elle utilise le phrasé d’époque dans les dialogues ce qui pourrait peut-être en bloquer certains, surtout si vous lisez peu en VO.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous propose une très jolie réécriture de La Tempête de Shakespeare, mais du point de vue de Miranda et Caliban. Jacqueline Carey nous propose ainsi de suivre l’enfance et l’évolution de deux héros un peu vide de la pièce. Je me suis retrouvé ainsi rapidement captivé par l’ambiance envoûtante et d’une certaine façon magique que crée l’autrice. Les deux personnages principaux sont fascinants à découvrir et on s’attache rapidement à eux. On les voit ainsi évoluer et se rapprocher de façon indéniable, dans un univers qui ne leur permet pas. Le père de Miranda n’est pas non plus sans intérêt, personnage complexe, aimant sa fille mais pourtant la punissant parfois gravement à chaque fois qu’elle désobéit. L’univers est aussi un autre des points forts du récit, s’avérant riche, d’une grande beauté, bien porté par le talent de conteuse de Jacqueline Carey qui fait que le lecteur de laisse facilement porter à la découverte de cette île. Les thématiques soulevées sont aussi très intéressantes que ce soit sur la position de la femme, sur la façon dont nous considérons et traitons les autres ou bien encore sur la notion de contrôle, de pouvoir. Les questions et réflexions sont, je trouve, bien amenées sans non plus imposer son idée. La conclusion s’avère prenante et efficace, amenant d’une certaine façon une vision, un pont de vue différent de la pièce. Après je regretterai peut-être quelques longueurs au début du dernier tiers, ainsi qu’une conclusion qui, même si elle m’a convaincu, m’a paru un chouïa trop rapide sur un ou deux points. Au final rien de bien bloquant tant je me suis retrouvé captivé par le récit, bien porté par une plume efficace, collant parfaitement à la narratrice avec une certaine fragilité, une certaine émotion.

 

Ma Note : 8/10

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  1. Je ne connaissais pas ce texte. Intéressant !

    • Comme je lis plus facilement en VO et que j’ai un peu perdu l’espoir de lire Jacqueline Carey a nouveau en VF j’ai donc décidé de me laisser tenter par la VO. Je découvre ainsi sa bibliographie. Je viens d’ailleurs de faire entrer le premier tome de son nouveau cycle de Fantasy dans ma PAL.

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